Universités : contre la « LPPR », la révolte gronde !

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Précarité généralisée et remise en cause des statuts garantissant l’indépendance et les libertés académiques, recherche entièrement soumise aux intérêts privés, élitisme et financements inégalitaires. Les “groupes de travail” mis en place par le gouvernement pour le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) ont fait allégeance à la doxa néolibérale et aux objectifs de destruction du service public. Mais la sinistre médiocrité de leurs “propositions” suscite en retour un vent de révolte dans les universités, y compris à l’université d’Angers où un comité de mobilisation a vu le jour et où deux AG ont permis de redonner confiance en la mobilisation des personnels. Premier objectif : université morte le 5 mars !

Dans le contexte créée par la mobilisation contre la réforme des retraites, les trois rapports de groupes de travail (GT) ont été comme un électrochoc pour beaucoup d’universitaires, qu’ils soient titulaires ou précaires comme les doctorants et les nombreux contractuels et vacataires. Les déclarations du PDG du CNRS aux journal Les Échos le 29/11/2019 en ont clairement résumé la “philosophie” : « Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies. » La référence évidente au tristement célèbre “darwinisme social” [1] est ici la pitoyable justification d’une soumission complète de la recherche aux intérêts capitalistes par le biais de financements ciblés et exclusifs. De plus, alors que les universités sont déjà un haut lieu de la précarité, c’est une mise à mort des garanties statutaires (qui sont aussi des garanties pour l’indépendance de la recherche) que proposent les GT. Ce n’est pas une surprise. Depuis 2007 (loi LRU) et 2013 (loi ESR), les universités placées sous autonomie budgétaire contrainte ont déjà passablement dérivé vers un modèle marchand. Lors des élections présidentielles, les “Macron leaks” ont révélé que les conseillers du futur président entendaient casser définitivement le service public universitaire et le transformer en un chaos de petites entreprises placées en concurrence dans le soi-disant “marché de l’éducation”. Nul doute que des instructions données aux GT par le ministère allaient dans la même direction...

La brutalité des propositions des GT a interpellé les société savantes et les instances de régulation des recrutements et carrières universitaires comme le CNU. Dans nombre de laboratoires et de facultés, des motions ont été votées contre ce qui s’annonçait pour la LPPR. Dés le début février, une 1ère coordination nationale des facs et des labos en lutte s’est tenue à la bourse du travail de Saint-Denis. À Angers, la coordination des laboratoires de la faculté de lettres a lancé le mouvement le 4 février par une motion unanime “contre le projet de LPPR”. Deux AG se sont ensuite tenues le 11 et le 19 février, qui à chaque fois se sont prononcées à l’unanimité pour une mobilisation générale contre cette loi inique (voir la motion du 11/02). L’appel de la coordination nationale « Le 5 mars, l’université et la recherche s’arrêtent » a logiquement été repris. Il s’agira que, ce jour-là, aucune fac et aucun labo ne soit en fonctionnement !

AG du 11 février en fac de lettres

La mobilisation a déjà porté des fruits. La ministre Vidal a dû se livrer à quelques contorsions sur certaines mesures mises en avant par les trois GT (fin de la définition horaire statutaire, modulation des services imposée, fin du CNU, suppression du corps des maîtres de conférences) en prétendant qu’elles ne seraient pas "à l’ordre du jour" (sic). Mais c’est un trompe l’œil. Les néolibéraux n’auraient même pas besoin de ces mesures s’ils contraignaient les universités à ne plus recruter que des précaires, si les financements allaient aux autoproclamés "excellents" qui ont déjà des moyens et pas à ceux qui en manquent, si ces financements étaient exclusivement destinés à mettre l’université sous la coupe des intérêts privés marchands, si la multiplication des soi-disant "évaluations" permettait aux technocrates néolibéraux de se passer de l’avis des pairs et de décider à leur place...

Dès lors, la mobilisation est indispensable. Il faut de surcroît profiter de l’actuelle faiblesse et de l’illégitimité du gouvernement pour empêcher que la LPPR se mette en place et pour imposer un retour aux principes du service public, tels que la gratuité pour toutes et tous les étudiant.e.s (quelles que soient leurs nationalités), l’indépendance des universitaires (ce qui passe par des financements récurrents et pas par des financements sur “projets” imposés) et la création massive de postes de titulaires. [2] La date du jeudi 5 mars sera un test majeur de la construction de cette mobilisation.

21 février 2020, par NPA 49

[1] Précisons ici que Darwin n’y est pour rien. Il refusait justement d’appliquer aux sociétés humaines la logique du “struggle for life” à l’œuvre dans la nature. Mais Antoine Petit n’a visiblement pas lu Darwin et les “idées” que le bureaucrate en chef du CNRS veut développer renvoient plutôt à Herbert Spencer, théoricien de la domination des “élites”.

[2] Chaque année c’est 4 millions d’heures complémentaires qui sont assurées par des enseignants et des enseignants-chercheurs titulaires, soit l’équivalent de 10.000 postes d’enseignants ou de 20.000 postes d’enseignants-chercheurs. À Angers, le volume des heures complémentaires correspond à plus de 700 postes d’enseignants-chercheurs, dont près de 50% sont faites par des personnels de l’UA et le reste par des vacataires. Sources : bilans sociaux de l’UA.