Enseignants en lutte contre l’évaluation-dévalorisation

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Face à la contre-réforme de l’évaluation promise par le gouvernement, les enseignant-e-s étaient en grève ce jeudi 15 décembre. Attaqués de toutes parts, ils restent néanmoins un pôle de résistance face aux projets libéraux de privatisation des services publics et de caporalisation-dévalorisation des personnels. À Angers, la manifestation (à l’appel de toutes les fédérations syndicales de l’Éducation nationale -sauf le SGEN-CFDT- et de plusieurs syndicats du supérieur) a rassemblé environ 500 personnes (dont quelques lycéens). [2] Une AG avait au préalable réuni une cinquantaine de militant-e-s à la bourse du travail.

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Le 15 décembre, les enseignantEs étaient en grève, comme c’était déjà le cas le 27 septembre. Cette fois-ci, ils protestaient contre la remise en cause de leur système d’évaluation. [3]

La Folie libérale de l’évaluation quantitative et normative

Selon les projets du ministre de l’Éducation, les chefs d’établissement jugeraient leur activité dans toutes ses dimensions, y compris la pédagogie et le contenu scientifique de leur travail (un proviseur ancien prof de maths va devoir, par exemple, juger le travail d’un prof d’espagnol alors qu’il ne connaît pas cette langue)  ! Cela en dit long sur le peu d’intérêt du ministère pour la qualification des enseignantEs, comme on l’a vu lorsqu’il a bradé leur formation (réforme dite de la “masterisation” [4]). Cette appréciation déterminerait l’avancement plus ou moins rapide dans la carrière des personnels, donc avec des conséquences financières importantes. Les personnels non promus par leur chef (la grande majorité sans doute) avançeront au rythme le plus lent (alors qu’aujourd’hui la moitié des enseignantEs avance à un rythme plus rapide).

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En quelques mois, les salariéEs de l’Éducation nationale ont vu leur salaire réel diminuer  : augmentation des cotisations retraites, des mutuelles, introduction d’une journée de carence en cas d’arrêt maladie. Pour ce secteur, la seule politique salariale du gouvernement, ces dernières années, se résume à la multiplication des heures supplémentaires avec toutes les ambiguïtés inhérentes à la défiscalisation. Dans une profession où les conditions de travail se sont considérablement dégradées à cause des suppressions de postes, de l’augmentation des effectifs par classe et de la multiplication des missions pour les enseignantEs, le «  travailler plus pour gagner plus  » ne fait pas recette. La perte salariale annoncée, via la réforme de l’évaluation, sera peut-être la goutte d’eau qui fera déborder le vase. La crise et les mesures d’austérité prises par Sarkozy laissent présager de nouvelles attaques contre la fonction publique. En Espagne, en Grèce, en Angleterre, en Italie, la crise de la dette permet aux libéraux de démanteler les services publics et de s’attaquer de front aux fonctionnaires. Sarkozy et son gouvernement ont, depuis plusieurs années déjà, amorcé cette casse. Il ne fait aucun doute que la crise va accélérer ce mouvement. Le remboursement de la dette lui servira de prétexte.

Non à la privatisation de l’École

Au-delà des aspects financiers évidents, le sens de cette réforme est clair  : faire évoluer l’école vers les méthodes du privé. Derrière ce projet de Chatel, se profile le recrutement des professeurEs par les proviseurs et principaux. Avec une extension prévisible pour les instits, le directeur d’école recevant alors un pouvoir hiérarchique qu’il n’a pas actuellement. Tous les trois ans, les enseignantEs seraient soumis à entretien basé sur un contrat d’objectifs, sous-entendu sur leur capacité à mettre en œuvre les contre-réformes. Déjà, dans des dizaines de collèges (baptisés «  Clair  »), cette méthode est expérimentée. Si elle s’imposait, comme c’est déjà le cas ailleurs en Europe, ce serait la fin de l’école publique et l’institutionnalisation de l’inégalité entre les élèves. Cela affaiblirait aussi, en le divisant, un secteur qui a marqué ces dernières années par ses luttes et son syndicalisme encore puissant.

C’est bien pourquoi la riposte à ces projets est essentielle. Même si, par ailleurs, nous ne défendons pas la méthode d’évaluation actuelle, avec l’inspection, institution réactionnaire, inefficace et détestée par les personnels.

Alors que le gouvernement a supprimé plus de 70 000 postes en cinq ans, menant ainsi le plus grand plan social jamais vu en France, la grève du 15 a permis à de nombreux enseignantEs de montrer leur ras-le-bol. Le choix de cette date n’était hélas pas le plus pertinent (ne serait-ce qu’en raison de la proximité des vacances solsticiales - ainsi beaucoup de fêtes d’école étaient-elles programmées ce jour-là). Il est regrettable que les syndicats de l’Éducation nationale n’aient pas mis tout leur poids dans la balance pour faire de la journée du 13 décembre contre les mesures d’austérité, une grande mobilisation interprofessionnelle. Néanmoins, cette journée reste un succès relatif et peut permettre de rebondir à la rentrée. [5] Cette lutte, les personnels de l’éducation ne peuvent se permettre de ne pas la gagner. Il en va de leur statut, mais aussi du maintien du service public d’éducation.

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15 décembre 2011, par NPA 49

[1] La manifestation de Paris a attiré 7.500 personnes. Celles de Marseille (3.000), de Lyon (2.000), de Toulouse (1.700), de Nice et de Saint-Etienne (un millier) sont les plus notables en province. Montpellier, Rouen, Bordeaux, Bayonne, Angoulême, Poitiers, Rennes, Nantes, Lille, Clermont-Ferrand ont également connu des cortèges de plusieurs centaines d’enseignant-e-s.

[2] La manifestation de Paris a attiré 7.500 personnes. Celles de Marseille (3.000), de Lyon (2.000), de Toulouse (1.700), de Nice et de Saint-Etienne (un millier) sont les plus notables en province. Montpellier, Rouen, Bordeaux, Bayonne, Angoulême, Poitiers, Rennes, Nantes, Lille, Clermont-Ferrand ont également connu des cortèges de plusieurs centaines d’enseignant-e-s.

[3] Déjà plus de 60.000 ont signé la pétition intersyndicale contre cette réforme.

[4] Cette réforme, dénoncée en 2009 par les étudiants et les formateurs, notamment du SNESUP-FSU, fut malheureusement insuffisamment combattue par les syndicats de l’éducation nationale. Certains, comme les dirigeants du SNES, ont fait mine de croire qu’elle permettrait une meilleure qualification et une revalorisation. C’était méconnaître singulièrement les intentions réelles du pouvoir sarkozyste en même temps que cela trahissait leur faible capacité d’analyse politique.

[5] Il y a eu selon le SNES-FSU 47% de grévistes dans les collèges et les lycées parmi celles et ceux qui avaient cours ce jour-là. Le SNUIPP-FSU a quant à lui recensé un peu plus de 21 % de profs d’école gréviste. Le ministère qui rapporte le nombre de grévistes constaté à 8h du matin au nombre total d’enseignants - qu’ils aient cours ou non - reconnaît seulement 16,43% de grévistes dans le second degré et 11,18% dans le premier degré.