Angers : Mobilisation massive contre le racisme

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Après les injures racistes proférées contre Christiane Taubira le 25 octobre dernier et l’appel initié par la LDH49 et relayé par plusieurs organisations de gauche (dont le NPA49), ce sont près de 3000 personnes qui, à Angers ce 11 novembre, ont manifesté contre le racisme. Cette mobilisation exceptionnelle est une belle riposte aux exactions répétées des intégristes, racistes et fascistes depuis de longs mois. Cependant, les tentatives de récupération éhontées de la droite institutionnelle (qui, au dernier moment a également appelé au rassemblement) et l’empressement de la LDH49 à les cautionner jettent une ombre sur ce qui aurait dû être bouffée d’oxygène pour la lutte antiraciste.

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Nul doute que la manifestation du 11 novembre à Angers était une réponse indispensable après ce qui est généralement présenté dans les médias comme le « dérapage » de trop d’une n-ième « Manif pour tous », celle du 25 octobre convoquée par les intégristes catholiques opposés au mariage pour tous à l’occasion de la visite de Christiane Taubira à Angers. Ce « dérapage » mis en lumière par une vidéo, cette fillette qui brandit une banane en hurlant avec ses petits camarades « la Guenon [1] mange ta banane », n’était qu’une conséquence logique du discours raciste et sexiste sous-tendant les « Manifs pour tous » et très présent sur les réseaux sociaux d’extrême droite.

Les parents intégristes catholiques de la fillette, interviewés dans le Courrier de l’Ouest du 9 novembre, nient avoir inculqué le racisme à leurs enfants (tout en jugeant inutile de s’excuser auprès de C. Taubira !) En mauvais parents manipulateurs, ils les ont pourtant emmenés dans des manifestations où celui-ci a pu s’exprimer de façon au moins latente, notamment contre la ministre de la justice qui cumulait les handicaps : femme, noire et rédactrice du texte légalisant le mariage pour tous. Le leader angevin du FN, évidemment présent à la manifestation du 25 octobre, affirma lui-même, dans le fameux communiqué de presse où il demandait des « preuves » du « dérapage », n’avoir rien entendu d’autre le 25 octobre que ce qui s’était dit dans les précédentes « Manifs pour tous ». Car derrière les slogans faussement triviaux affirmant qu’un enfant naît d’un homme et d’une femme, se déroule tout le discours traditionaliste qui vise à rendre « naturelle » la structure de la famille prônée par les hiérarchies des religions monothéistes : la figure d’autorité du père qui rapporte l’argent à la maison, la fonction subordonnée, ménagère et maternelle, de la mère. Cette structure, dans l’imaginaire traditionaliste et d’extrême droite, est celle qui perpétue la « race ». Christiane Taubira était donc prédestinée à devenir la bête noire des « manifs pour tous ». Et celles-ci réveillèrent d’autant plus facilement la part obscure qui gisait au fond des consciences d’une part importante de la population conservatrice que les partis de la droite institutionnelle se sont à cette occasion ouvertement alliés à l’extrême droite, autorisant ainsi cette population à ne pas se sentir coupable d’exprimer des ressentiments homophobes, sexistes et racistes.

Comme le FN l’a d’ailleurs perfidement fait remarquer, l’UMP était bien présente à la manifestation intégriste du 25 octobre : « après avoir bien regardé la vidéo, on s’aperçoit qu’au milieu des enfants, se trouve Gabrielle de la Bigne, membre du comité de soutien de Christophe Béchu, responsable de la communication de Maxence Henry (UMP) lors des dernières législatives et belle-sœur de Philippe de la Bigne, responsable départemental des Jeunes UMP en Maine et Loire et directeur de cabinet de Marc Laffineur » [2]. De plus, avant les vacances d’été, le député UMP Laffineur n’avait pas hésité à s’afficher aux côtés des soi-disant « Veilleurs » et autres « Homen ». Il était donc plutôt impudent que l’UMP appelle, certes au dernier moment, à la manifestation du 11 novembre. Mais il y a encore pire. Même en admettant qu’il s’agissait d’un acte de contrition dont les Tartuffe ont le secret, il est pour le moins indécent que le Président de la LDH 49 se soit réjoui ouvertement de la présence à la manifestation de MM Béchu et consorts. C’est à notre avis une trahison -de la lettre et de l’esprit- de l’accord que la LDH49 avait elle-même imposé aux autres organisations de gauche et laïques appelant de conserve à la manifestation du 11 novembre (dont le NPA49).

Le NPA est attaché à son fonctionnement démocratique interne. Il prône également un fonctionnement démocratique entre organisations. L’idée d’une manifestation antiraciste est née sur les réseaux sociaux après la courageuse tribune de Titi Robin dénonçant les dérives racistes en Anjou, depuis les propos intolérables du maire de Cholet contre les gens du voyage jusqu’aux injures racistes contre Christiane Taubira. La LDH49 a eu le mérite d’être la première à avoir pris l’initiative de cette manifestation. Nous regrettons néanmoins qu’elle n’ait pas essayé de le faire de manière vraiment unitaire, fixant le lieu, l’heure et les mots d’ordre de la manifestation avant même de réunir autour d’elle les organisations. Au cours de cette réunion du 8 novembre, au lieu de chercher des solutions consensuelles, elle a fait procéder à des votes à la majorité. C’est une solution acceptable, sinon idéale, à condition que chaque organisation ne dispose que d’une seule voix. Or la LDH a fait voter tous ses militants, qui constituaient à eux seuls la moitié de l’assemblée. À ce compte là, n’importe quelle organisation pourrait imposer ses désirs dans une réunion à condition de bourrer la salle… Mais tout cela ne serait là que détails si les conséquences politiques n’en étaient pas aussi négatives.

En imposant aux organisations politiques et syndicales de ne pas apparaître (les drapeaux et banderoles étant interdits, de même que toute critique contre les partis dits « républicains » et donc les partis de droite !), la LDH a certes réussi une grande manifestation « consensuelle ». Mais il suffit de lire les journaux pour constater qui en a profité politiquement : l’équipe du PS, si longue à réagir après les insultes à C. Taubira (il est vrai qu’officiellement le Maire a envoyé à la Ministre une lettre d’excuse pour la ville dès le lendemain du 25 octobre ; mais celle-ci n’a bizarrement été rendue « publique » qu’une dizaine de jours plus tard) et les ténors de la droite C. Béchu et L. Gérault. Ce n’est pas comme cela que l’on construit un mouvement antiraciste dans la durée. Même si ce n’était pas son intention, la LDH49 a de fait détourné à des fins médiocrement politiques la magnifique indignation des quelques 3000 angevins qui ont défié le triste temps de ce onze novembre 2013. Nous le regrettons. Et c’est avec encore plus d’énergie que nous continuerons à combattre le racisme, le sexisme et l’homophobie.

11 novembre 2013, par NPA 49

[1] Injure dont on n’a pas suffisamment remarqué qu’elle est à la fois raciste et sexiste

[2] Communiqué du RED du 3 novembre, repris par G. Dirand