Masterisation : c’est toujours NON !

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Alors que le gouvernement veut toujours faire passer en force et contre l’avis de tous sa contre-réforme de "masterisation" de la formation des enseignants (qui aboutirait à une dégradation de celle-ci !), la mobilisation des futurs professeurs d’école et des enseignants d’IUFM a connu un regain mardi 15 décembre, à l’occasion d’une journée nationale appelée par l’intersyndicale. A Angers, une AG de deux cent personnes s’est tenue à l’IUFM et un rassemblement vespéral devant la préfecture a mobilisé près de 80 manifestants.

Une contre-réforme dégradante et dangereuse

Comme toujours, le gouvernement ourdit ses mauvais coups en les parant des plus beaux atours. Pour décrypter ses discours par antiphrases, il suffit pourtant de comprendre qu’il poursuit des intentions contraires à celles qu’il affiche. Il en est ainsi de la réforme dite de mastérisation de la formation des enseignants initiée sous le ministère Darcos et poursuivie sous le ministère Chatel, avec l’appui constant de la ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse.

Officiellement, il s’agit d’améliorer la formation des enseignants en leur demandant un master (bac+5) au lieu d’une licence (bac+3). Qui pourrait être contre une telle réforme ? Mais il faut regarder l’affaire de plus près. Jusqu’à présent, les enseignants pouvaient s’inscrire aux concours de recrutement des PE (professeurs d’école) et PLC (professeurs de lycées et collège) avec une licence. Ils devaient pourtant dans la quasi totalité des cas suivre une année de préparation au concours, ce qui les menaient déjà à bac+4 (même si cela n’était pas validé par un diplôme). Admis aux concours (PE, CAPES, CAPET, CAFEP...), ils devaient suivre un an de formation à l’IUFM tout en assurant un service réduit en responsabilité devant les élèves (par exemple, un enseignant ayant eu le CAPES devait 6h hebdomadaires devant les élèves). Cette année de stage de formation à bac+5 était rémunérée et s’achevait par la soutenance d’un mémoire. Il eût été très simple de valider ce mémoire par un master. Mais ce n’est pas ce que souhaitaient les inspirateurs libéraux de la réforme.

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AG du 15/12/2009 à l’IUFM

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En reportant de quelques mois le concours de façon à ce qu’il ait lieu au cours de l’année bac+4 (de façon différenciée selon qu’il s’agit de celui des PE -en septembre- ou des PLC -vers décembre-), le gouvernement vise deux objectifs : supprimer l’année de formation rémunérée à bac+5 et mettre les lauréats directement devant les classes avec un horaire alourdi. Parallèlement, ces lauréats devraient la même année préparer leur mémoire de Master, indispensable pour qu’ils soient finalement recrutés ! Les IUFM perdraient ainsi leurs raisons d’exister. Le ministère pourrait alors renvoyer les formateurs devant les classes, économisant autant de postes sur les recrutements à venir. Avec la réforme du lycée en cours et le renforcement du pouvoir local des chefs d’établissement, ceux-ci pourraient par ailleurs recruter plus facilement des contractuels, étudiants titulaires (ou non) de master et n’ayant pas passé ou obtenu les concours d’enseignement. Cela accroîtrait considérablement la précarité des enseignants, tout en accompagnant la chute du nombre de postes au concours déjà planifiée par le pouvoir.

Une riposte qui reste à construire

C’est donc une véritable dégradation de la formation des enseignants que le gouvernement veut engager, aux dépens des étudiants (qui devraient galérer plus longtemps, dans une situation financière aggravée) et en dernière instance des élèves eux-mêmes. La riposte aurait dû être unitaire et déterminée. Malheureusement, le gouvernement a su manœuvrer et manipuler certaines forces syndicales ou associatives, dans une situation de blocage politique peu favorable. Au principal syndicat des enseignants du secondaire, il a fait miroiter une très hypothétique revalorisation des carrières enseignantes grâce au master. En réalité, si cette "revalo" advenait un jour (ce dont on peut douter, eût égard à la nature ultra-capitaliste du gouvernement), ce serait seulement en début de carrière et ne composerait pas l’année perdue de formation rémunérée, en salaire à la fois direct et indirect (annuité retraite). Aux parents d’élèves et aux petits syndicats "pédagogistes" (et peu combatifs), il a fait miroiter une réforme du lycée qui serait moins "élitiste" que le lycée actuel. La révolte des étudiants et enseignants-chercheurs contre la réforme de masterisation est donc restée isolée en 2009.

Aujourd’hui, peu à peu, les yeux se décillent. Les étudiants et enseignants, depuis les écoles jusqu’aux lycées ont bien compris ce qui se cachait derrière les propos ronflants ou les sourires enjôleurs des ministres. La mobilisation angevine du 15 décembre à l’IUFM montre au moins un grand potentiel de mobilisation. Les participants à l’AG de 200 personnes qui s’est tenue au cours de l’après-midi (essentiellement des PE) ont décidé d’un travail d’information auprès des parents et de la population, dans l’attente d’une indispensable mobilisation nationale unitaire et durable. Les ministres Chatel et Pécresse auraient donc tort de croire qu’il ont fini par décourager les résistances. L’affaire n’en restera pas là. La “masterisation”, c’est encore et toujours non !

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Devant la préfecture au soir du 15 décembre 2009
15 décembre 2009, par NPA 49