Le microcosme angevin face aux Gilets jaunes et à la “violence”

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La manifestation des Gilets jaunes du samedi 19 janvier à Angers aura permis de mettre en pleine lumière le degré de panique et d’aveuglément d’une partie non négligeable des élus et médias locaux. C’est en effet un véritable florilège de propos dénués de toute mesure et raison que l’on a vu s’étaler dans les colonnes des journaux angevins, mais aussi nationaux. Tous mettaient en avant une responsabilité collective des Gilets jaunes dans les quelques incidents mineurs qui ont marqué la fin de la manifestation. Aucun ne posait la question de leur origine immédiate : la présence policière, l’interdiction préfectorale de manifester dans l’hyper-centre et le gazage gratuit des manifestants qui s’y étaient introduits.

“La violence”

Passons rapidement sur les déclarations du préfet et les “unes” des journaux avant la manifestation. Visaient-elles consciemment à créer une psychose dans la population et à vider les commerces du centre-ville ? S’agissait-il de décourager les manifestant.e.s ? Ou de justifier à l’avance d’éventuelles violences policières ? Quoi qu’il en soit, le mot “violence” était déjà largement utilisé alors qu’aucune sorte de violence n’avait été jusque là recensée dans la ville... Cette crainte de “violences” était officiellement fondée sur le fait que certains réseaux de Gilets jaunes appelaient à donner un caractère régional à la manifestation angevine : Bretons et autres étrangers douteux de la Mayenne allaient fondre sur la ville un couteau entre les dents ! Visiblement, la conscience du ridicule n’atteignait ni la préfecture, ni les élus, ni la presse locale. Mais ce n’était encore rien en comparaison de ce qui a suivi la manifestation.

Une presse et des élus qui perdent les pédales

Quelques exemples :
-  Le Courrier de l’Ouest dans son édition du dimanche 20 janvier titrée « La manif dégénère à Angers » reproduit une seule photographie de la manifestation, de petite taille en page 2. Les quatre autres, deux de grande taille en page 1 et 2 et deux autres de petite taille montrent des “heurts” de la fin de manifestation : gilets jaunes tentant de renvoyer des grenades lacrymogènes avec leurs pieds, gendarmes mobiles marchant devant une palette enflammée, etc. En toute logique l’article de la page 2 est aux 3/4 consacré aux “violences”, pourtant toutes relatives comme l’édition du lendemain le reconnaîtra à demi-mots. Non sans manipulation. Ainsi le rédacteur (reprenant l’article d’Yves Tréca-Durand de correspondant du Monde.fr) fait-il suivre un propos du secrétaire de l’UL-CGT, soulignant la nécessité d’une grève générale pour faire aboutir les revendications, de la phrase “Il aura cependant fallu deux heures avant que les choses ne commencent à se gâter”. Comme si un appel à la grève générale était un appel à des affrontements entre manifestants et policiers !
-  dans la même édition du CO, un “Commentaire” de Bruno Geoffroy, intitulé “L’instrument de la violence” souligne quant à lui que les “violences” “engagent [la] responsabilité” individuelle des gilets jaunes, même quand ils n’y participent pas ! C’est la même thématique que déploie le maire C. Béchu, en bon macroniste (à peine) caché : « En restant présents aux côtés des casseurs, et donc en se montrant publiquement solidaires d’eux, les gilets jaunes se sont discrédités. » Mathieu orphelin, ex-EELV devenu député LREM, lui emboîte le pas : « La plupart des gilets jaunes ne se sont pas désolidarisés de ces violences et beaucoup sont restés là où la situation dégénérait. » Ils rejoignent ainsi le ministre Castaner : « Ceux qui viennent manifester dans des villes où il y a de la casse qui est annoncée savent qu’ils seront complices de ces manifestations-là ? ». Comme si, dans un État soi-disant de droit, il existait un délit de “responsabilité collective” ! Que l’on sache, il n’y a pourtant que dans les États totalitaires que ce concept fut/est utilisé...
-  dans l’édition du CO de lundi, les échos de la manif s’atténuent. Force est de reconnaître que les dégâts sont minimes. Le journal publie des mises au point bienvenues des Gilets jaunes et de “La France Insoumise”. Cependant, en page 6, un grand article commence par la phrase : « Après un samedi bien pourvu en slogans haineux partout en centre-ville, un peu d’empathie ne faisait pas de mal... » Eh oui, nous sommes en Anjou et il s’agissait de décrire de charmants “baptêmes” d’animaux domestiques par le très conservateur curé de l’église Ste Bernadette. Pas de réclamer la justice sociale et environnementale !

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« Slogans haineux » selon le Courrier de l'Ouest « Slogans haineux » selon le Courrier de l’Ouest

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-  dans l’édition du CO de mardi, C. Béchu veut porter plainte contre X (?). Il revoit à la hausse le coût des dégâts : 200 à 300 k€ titre le journal. En réalité on apprend dans le corps de l’article qu’il s’agit plutôt de 50 k€ auxquels le maire ajoute les heures de travail des employés municipaux AVANT et après la manifestation ! 50 k€ semblent un peu beaucoup pour des palettes de bois brûlées, même si l’on admet que du matériel de chantier a été endommagé, mais passons. La qualité des quatre interpellés de samedi soir (un ivrogne, deux Mayennais condamnés à 4 mois avec sursis pour suspicion d’avoir jeté des cailloux, un étudiant interpellé pour outrage) suffit à démontrer que les heurts de samedi n’avaient pas le caractère de gravité que les autorités s’échinent à proclamer.

Les vrais responsables sont ailleurs

Faisons un peu de politique fiction. Que se serait-il passé si le préfet n’avait pas interdit l’hypercentre d’Angers samedi ? Les gendarmes et policiers n’auraient pas cherché à tout prix à empêcher les manifestant.e.s de pénétrer dans le sacro-saint “périmètre de sécurité”, comme l’ânonne Mathieu Orphelin. Le fait même qu’aucune vitrine n’ait été endommagée montre que les prétendus “casseurs” n’étaient pas présents à Angers. Ce sont les gazages et l’intervention policière qui ont fait “dégénérer” la fin de la manifestation, pas les manifestants, et encore moins les propos du secrétaire de l’UL-CGT en faveur de la grève générale ! Et que l’on n’accuse pas les Gilets jaunes d’avoir gâché le samedi des commerçants du centre-ville. C’est l’interdiction policière et la psychose montée de toutes pièces par la préfecture et la presse avant la manifestation, c’est l’interruption du tramway et la fermeture des musées qu’il faut incriminer. Et les Gilets jaunes n’en sont aucunement responsables.

Enfin, il serait temps que la presse et nos élus réfléchissent au sens du mot “violence”. Que C. Béchu et M. Orphelin, au lieu de saluer le “professionnalisme” des forces de l’ordre, se soucient un peu plus des dizaines de blessés graves que, via les LBD et les grenades GLI-F4, la répression policière a engendrées un peu partout en France (heureusement, pas à Angers, jusqu’à présent...) La “violence” contre les palettes de bois et le matériel de chantier est une chose. Celle contre les êtres humains en est une autre. À chacun ses valeurs...

22 janvier 2019, par NPA 49