Université : mobilisations contre la hausse des droits d’inscription !

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Le processus de marchandisation et de mise en concurrence des universités s’accélère depuis l’arrivée du gouvernement Macron. Après Parcoursup (introduction de la sélection et disparition du Bac en tant que diplôme permettant l’accès de droit à l’université), la hausse des droits d’inscription est la seconde attaque majeure programmée contre le service public d’enseignement supérieur. Pour l’instant, chassant sur les terres du clan Le Pen, le gouvernement la limite aux étudiants étrangers. Mais il vise en réalité l’ensemble des étudiant.e.s. La mobilisation contre la hausse, pour l’instant limitée à quelques universités, a vocation à s’étendre. Deux réunions se tiendront à l’université lundi 28 en fac de sciences et mardi 29 janvier en fac de droit, à 12h30, à l’appel de l’intersyndicale CGT-FO-FSU-SUD-UNEF. Que de ces débats naisse l’action !

Quelle que soit la nationalité des étudiant-e-s, NON à l’augmentation des droits d’inscription à l’université !

Depuis l’annonce faite en novembre par le premier ministre Édouard Philippe du plan « Bienvenue en France » et d’une hausse vertigineuse des droits d’inscription des étudiant.e.s originaires des pays hors UE [1], les réactions d’indignation n’ont pas cessé. La majorité des universités –dont celle d’Angers– ont voté des motions demandant le retrait de cette mesure discriminatoire. Quelques universités ont même été plus loin en annonçant publiquement qu’elles n’appliqueraient pas la hausse. La ministre F. Vidal a tenté de les rappeler à l’ordre au nom d’un soi-disant devoir de réserve, alors même que cette hausse n’a jusqu’à présent aucun fondement légal (aucun arrêté n’a été publié, ce qui n’a pas empêché l’agence Campus-France de la mettre en ligne, illégalement…) Cependant, la mobilisation ne faiblit pas. Il s’agit en effet d’une attaque inacceptable contre les étudiant.e.s économiquement défavorisé.e.s, notamment Africain.e.s (du nord et subsahariens) et Sud-Américains. De surcroît dans beaucoup d’endroits, comme à Angers, des formations –du master au doctorat– risquent d’être remises en cause en raison de l’impossibilité pour ces étudiant.e.s d’y accéder. [2] Enfin, quoiqu’en dise la ministre Vidal, cette hausse est d’évidence un ballon d’essai en vue d’une hausse généralisée et massive des droits d’inscription de l’ensemble des étudiant.e.s.

Quels que soient l’origine nationale et le lieu de résidence des parents, l’enseignement supérieur doit être ouvert et gratuit pour toutes et tous !

Le premier ministre justifie la hausse discriminatoire discrimination par un discours que ne renierait pas le Rassemblement National de Marine Le Pen : « Un étudiant étranger fortuné qui vient en France paye le même montant qu’un étudiant français peu fortuné dont les parents résident, travaillent et payent des impôts en France depuis des années. C’est injuste ». Que n’applique-t-il le même principe à tous les étudiant.e.s dont les parents sont des exilés fiscaux ! Et que deviennent les étudiant.e.s étrangers non « fortuné.e.s » ? Ce n’est pas le nombre de bourses, misérable, qui va les aider. En réalité, si l’on s’en tient au seul bilan comptable (c’est-à-dire au seul langage accessible à l’intelligence des technocrates néolibéraux), les étudiants étrangers « rapportent » davantage qu’ils ne « coûtent ». [3] Et les sommes (notamment une caution obligatoire de plus de 8000 euros) que doivent avancer les étudiants étrangers sont déjà considérables. Surtout, l’université a toujours été internationaliste et universaliste. C’est là sa plus grande « richesse » et il est inadmissible qu’on l’appauvrisse en sélectionnant par l’argent les « bons » étrangers (des pays riches) au détriment des « mauvais » (des pays pauvres).

La hausse des droits d’inscription : un vieux projet néolibéral

Lorsque le premier ministre a annoncé la hausse des droits pour les étudiants étrangers, il a assuré que l’argent récolté servirait à améliorer les conditions d’accueil des étrangers. Mais très vite, il est apparu qu’elle devait plutôt lui permettre de réduire le budget accordé aux universités ! [4] Le gouvernement ne cache d’ailleurs pas son intention de réduire les services publics à la portion congrue, et plus généralement tous les mécanismes qui permettent une certaine redistribution des richesses. En faisant payer le « consommateur », une hausse générale des droits d’inscription lui permettrait de réduire davantage le budget de l’enseignement supérieur. [5] Déjà demandée à hauteur de 4000 à 8000 euros par un conseiller du candidat Macron pendant la campagne présidentielle, le professeur Gary-Bobo, la hausse l’est aussi par la présidente de la Conférence des grandes écoles et… par la Cour des Comptes dans un rapport de décembre commandé par le groupe parlementaire La République En Marche.

Le modèle néolibéral pour l’université est ce qui s’est déjà produit en Grande Bretagne et aux USA : universités autonomes en concurrence et financées (en partie au moins) par des droits d’inscription différenciés (selon le niveau et le « prestige » publicitaire de l’établissement), prêts étudiants pour financer ces frais d’inscription, disparition de tout caractère national des diplômes. L’endettement étudiant qui a réduit tant de jeunes américain.e.s et britanniques à l’état d’esclaves des banques –et créé de véritables bulles spéculatives– s’étendrait alors à la France. La marchandisation du savoir en marche ! [6]

Agir ensemble dès à présent !

Après Parcoursup qui instaure une « sélection mine de rien » en L1 (selon l’expression cynique de Gary-Bobo), il faut tout faire pour enrayer cette nouvelle attaque du ministère contre le service public d’enseignement supérieur et de recherche. Si nous n’inversons pas le cours des choses, les président.e.s des universités, devenues « autonomes » dans la gestion locale de la misère budgétaire depuis la loi LRU de 2007, n’auront pas d’autre « choix » que de démissionner ou d’appliquer la hausse aux étudiants étrangers et, nolens volens, de la généraliser ensuite à l’ensemble des étudiant.e.s ! À l’heure où c’est l’ensemble de la politique inégalitaire et productiviste du gouvernement qui est remise en cause par les mobilisations des gilets jaunes et les marches pour le climat, il devient possible de créer un rapport de force en nous mobilisant nous aussi. En commençant par l’information et le débat. Et en poursuivant par des mobilisations locales et de plus en plus coordonnées à l’échelle nationale.

TOUTES ET TOUS ENSEMBLE,

EMPÊCHONS QUE LA HAUSSE SE METTE EN PLACE

Pour une université publique, gratuite, laïque et émancipatrice !

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Annexes :
-  Nos précédents articles sur la question, Hausse des droits d’inscription à l’université : urgence d’une mobilisation massive (13/12/2018) et En finir avec la marchandisation de l’université ! (03/12/2018).
-  Le communiqué intersyndical national du 18 janvier 2019

25 janvier 2019, par NPA 49

[1] Les frais d’inscription passeraient de 170€ par an à 2770€ par an en licence (x16,3), de 243€ par an à 3770€ par an en master (x15,5) et de 380€ par an à 3770€ par an en doctorat (x9,9).

[2] C’est en particulier le cas des masters dits à faible effectif (selon les normes ministérielles) qui comptent parfois une grande proportion d’étudiants étrangers. À l’université d’Angers, les étudiants étrangers extracommunautaires représentent 10% de l’effectif total. Au niveau national, leur proportion dans l’effectif étudiant varie entre 1 % et 24 % selon les universités.

[3] l’apport des étudiants étrangers à l’économie française est évalué à environ 1,7 milliards d’euros selon une étude de Campus France réalisée avec BVA (Source : rapport de la Cour des comptes de novembre 2018, p.79).

[4] Ce fut clairement énoncé dans une circulaire de décembre émise par la direction générale de l’enseignement supérieur (DGESIP). Devant le tollé suscité, le ministère incrimina alors une formulation « maladroite ». Mais cette “maladresse” n’en était une que parce qu’elle dévoilait ouvertement les intentions réelles du ministère... D’ailleurs, la diminution du budget demeure !

[5] Cette hausse permettrait aussi d’accélérer le processus de mise en concurrence des universités. Cela conduirait notamment à l’extinction de la notion de diplôme national reconnue dans les conventions collectives.

[6] Un documentaire diffusé par Arte en 2017, « Étudiants l’Avenir à crédit » de Jean-Robert Viallet montre les conséquences catastrophiques de cette marchandisation de l’université à l’échelle mondiale.