Un pouvoir toujours plus répressif

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Le mouvement des Gilets jaunes continue de faire vaciller la Macronie, qui n’arrive pas à reprendre la main et à éteindre la contestation. Tous les moyens sont pourtant mis en œuvre, y compris et notamment une politique répressive d’une violence inouïe. Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, le journaliste David Dufresne effectue un travail de fourmi en compilant les cas avérés et documentés de violences policières. Comme il le souligne lui-même, ses chiffres sont très probablement en deçà de la réalité, puisqu’il ne conserve « que » les cas appuyés sur des témoignages et/ou des images.

«  Un véritable mouvement de fond  »

En partenariat avec Mediapart [1], David Dufresne a établi une synthèse de l’ensemble de ces cas. À la date du 29 janvier, le nombre total de ses «  signalements  » s’élevait à 357, parmi lesquels 160 blessures à la tête, 18 personnes éborgnées et 4 mains arrachées. Les armes mises en cause sont, dans 163 cas, les «  lanceurs de balle de défense  » (LBD), les grenades de désencerclement GMD (30 cas) et les grenades lacrymogènes ­instantanées GLI-F4 (14 cas).

Ces chiffres sont sans précédent depuis plus de 50 ans, et sans commune mesure avec ceux de la répression pourtant déjà très forte lors des mobilisations contre la loi travail. Pour David Dufresne, «  ce qui se passe est absolument ahurissant pour quelqu’un qui a travaillé sur le maintien de l’ordre français et connaît son histoire. Des manquements graves à une telle échelle, c’est inouï. Même si la police des polices menait de véritables enquêtes, ce ne serait pas suffisant  : il y a un véritable mouvement de fond.  »

Un constat malheureusement confirmé par le bilan du dernier week-end de mobilisation, avec entre autres la blessure à l’œil de Jérôme Rodrigues, figure du mouvement des Gilets jaunes, délibérément ciblé par la police alors qu’il filmait des «  incidents  » sur la place de la Bastille à Paris. Un constat heureusement de plus en plus partagé, avec une mobilisation qui se développe, parfois en ordre dispersé, du côté des associations, des ONG, des syndicats, des organisations politiques… et des Gilets jaunes eux-mêmes. De nombreux appels circulent ainsi pour que l’acte xii (2 février) soit résolument tourné contre la répression policière, à l’initiative notamment d’un collectif de «  mutiléEs pour l’exemple  ».

«  Une loi générale contre l’exercice d’une liberté publique  »

Face à ce phénomène qui, au regard des chiffres, de la répartition géographique et de la répétition semaine après semaine, n’est en rien l’expression d’une somme d’incidents isolés mais bien d’une politique systématique de répression violente, le gouvernement se terre derrière la pseudo-légitimité de la violence de l’État, et témoigne d’un mépris cynique envers les blesséEs et les mutiléEs, pour lesquelEs il n’a jamais eu un mot. Les autorités se contentent d’essayer de nous vendre quelques gadgets, comme les «  caméras embarquées  » par les flics  : on vient ainsi d’apprendre que les images filmées lors de l’agression contre Jérôme Rodrigues seraient «  inexploitables  ». Quelle surprise  !

En revanche, le pouvoir n’a pas de mots assez durs pour s’en prendre aux manifestantEs eux-mêmes, et a décidé de sanctionner les victimes avec un nouveau projet de loi liberticide, actuellement examiné à l’Assemblée. Les flics gazent, tabassent, blessent, mutilent… mais c’est contre les manifestantEs, ces dangereux individus refusant de baisser les yeux et de rentrer sagement chez eux, qu’il faut sévir  !

Interdictions de manifester, interpellations préventives, fichage des indésirables  : il s’agit une fois de plus de normaliser des dispositifs supposément exceptionnels – et déjà liberticides – afin de pouvoir les appliquer à n’importe quel manifestantE – réel ou supposé… Pour le Syndicat des avocats de France (SAF), «  les mesures proposées, par leur portée générale et la possibilité de les utiliser contre tout manifestant dont un agent de police estimerait le comportement douteux, visent bien l’ensemble des manifestants. Il s’agit d’une loi générale contre l’exercice d’une liberté publique.  »

Répressions policière et judiciaire forment un tout qui constitue l’un des piliers essentiels de la Macronie bousculée par la contestation sociale. La lutte contre le dangereux glissement autoritaire est l’une des urgences de l’heure  : un combat que le NPA entend continuer à mener et à étendre, au côté du mouvement ouvrier et des Gilets jaunes.

Julien Salingue

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30 janvier 2019, par NPA 49