Assassiné il y a exactement 70 ans, le 20 aout 1940, Trotsky n’a (heureusement) pas fait partie de la commande de statues des « grands hommes » du 20ème siècle faite par Georges Frèche au sculpteur angevin François Cacheux. Il n’en a pas moins été l’un des principaux penseurs et acteurs qui ont marqué le mouvement socialiste au siècle dernier. Retour sur sa vie...
Fils d’un fermier juif d’Ukraine méridionale, Lev Bronstein fait ses études à Odessa, puis à Nikolaïev, où il devient « populiste » (le courant socialiste-révolutionnaire le plus influent à l’époque), puis marxiste (sous l’influence de sa compagne Alexandra Lvovna Sokolovskaïa). Arrêtés avec leur groupe en 1898, ils sont déportés en Sibérie. Evadé, Lev Bronstein (qui prend désormais le pseudonyme de Trotsky, du nom d’un de ses gardes-chiourmes de la prison d’Odessa) rejoint le groupe qui publie l’Iskra (« L’Étincelle ») en exil, autour de Georges Plékhanov (le « pape » des marxistes russes à l’époque) et de Vladimir Ilitch Oulianov (plus connu sous le nom de Lénine). En 1903, quand le Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie POSDR) éclate à l’occasion d’un microscopique congrès en exil (43 délégués), Lev Bronstein ne suit ni Lénine et les « Bolchéviks » (« majoritaires »), ni les « menchéviks » (« minoritaires »), mais cherche vainement à maintenir l’unité du POSDR. À cette époque, il reproche à Lénine des méthodes d’organisation si centralisées qu’elles conduiront inévitablement « l’organisation du Parti à se « substituer » au Parti, le Comité central à l’organisation du Parti, et finalement le dictateur à se substituer au Comité central » . Difficile de ne pas y voir une anticipation prophétique du fonctionnement des partis staliniens.
En 1905, il rentre en Russie en pleine effervescence révolutionnaire : l’armée russe vient d’être battue par les Japonais, l’autorité du tsar est affaiblie, des conseils (soviets en russe) d’ouvriers et de soldats se forment un peu partout. Grâce à ses talents de propagandiste et d’orateur, il est élu président du Soviet de Saint-Pétersbourg (la capitale de la Russie à l’époque), ce qui lui vaut d’être emprisonné à nouveau quand le tsar engage la répression. De nouveau déporté, il s’évade en février 1907 (il ne rentrera en Russie que dix ans plus tard).
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il se positionne dans la minorité de l’Internationale socialiste qui dénonce la guerre impérialiste, ce qui lui vaudra d’être expulsé de France en 1916, mais favorisera son rapprochement ultérieur avec Lénine. De même, quand la Révolution russe de février 1917 renverse le tsar, il est d’accord avec Lénine pour prépare une seconde révolution, basée sur le pouvoir démocratique des soviets, qui fasse la paix avec l’Allemagne et distribue la terre aux paysans, alors que les autres groupes socialistes russes soutenaient le gouvernement provisoire qui continuait la guerre et refusait de s’attaquer à la grande propriété foncière.
Rentré en Russie, il est élu à nouveau président du soviet de Petrograd (nouveau nom, russifié en 1914, de Saint-Pétersbourg). C’est à ce titre qu’il obtient, en intervenant dans les unités militaires de la garnison de Petrograd, que la Révolution d’octobre se fasse sans effusion de sang, du moins dans la capitale. Élu membre du Conseil des commissaires du peuple par le 2ème congrès des Soviets, il est d’abord chargé de négocier la paix avec l’Allemagne, puis, les contre-révolutionnaires déclenchant la guerre civile dans l’été 1918, il prend la tête de l’Armée rouge. C’est dans ces circonstances qu’il est amené à développer, notamment dans « Terrorisme et communisme » (1920), des idées très contradictoires avec celles qu’il avait développées en 1903-1904 ou qu’il développera par la suite : la militarisation du travail et l’intégration des syndicats à l’Etat soviétique. Sur ces deux points, il fut combattu à juste titre par Lénine et battu au congrès du Parti communiste russe. En tous les cas, la victoire de l’Armée rouge à la fin de la guerre civile et de l’intervention des grandes puissances contre la Russie soviétique en 1920 lui donne alors un grand prestige.
Quand l’Internationale communiste est fondée à Moscou en janvier 1919, il en est l’un des principaux dirigeants. Il suit donc de près les débuts du « Parti communiste, section française de l’Internationale communiste », en décembre 1920 et conseille les dirigeants de la gauche, dont Alfred Rosmer, son ami personnel et un des animateurs français de la lutte contre la guerre dès l’été 1914.
Début 1921, la guerre civile étant finie depuis plusieurs mois, une partie de la population russe manifeste sont mécontentement devant les difficultés persistantes, notamment par des grèves ouvrières à Petrograd et des insurrections paysannes contre la poursuite des réquisitions de récoltes. A Cronstadt, ancien bastion révolutionnaire de 1917, les marins se soulèvent, réclamant le retour à la démocratie dans les soviets, mais la menace d’une éventuelle intervention de la flotte britannique amène les dirigeants soviétiques à décider de les réduire par la force. Sans être directement mêlé à la répression, Trotsky l’approuve, la considérant comme une « tragique nécessité », ce qui lui vaudra ensuite d’être violemment dénoncé comme une brute sanguinaire par les anarchistes.
En 1922-1923, pendant la maladie de Lénine, Trotsky se rapproche de lui pour lutter contre la bureaucratisation du Parti communiste et de l’Etat soviétique, déjà incarnée alors par Staline bien sûr, mais aussi Zinoviev et Kamenev, tous trois bolchéviks, eux, dès 1903, à la différence de Trotsky. A la mort de Lénine en janvier 1924, cette « troïka » n’a pas de mal à marginaliser Trotsky, le « testament de Lénine » proposant d’écarter à la fois Staline, jugé trop brutal, et Trotsky, trop sûr de lui, de la direction de l’Etat, étant mis au placard purement et simplement. Trotsky s’oppose à Staline sur plusieurs plans : il dénonce à la fois la bureaucratisation du PC, le développement d’une nouvelle petite bourgeoisie dans le cadre du développement du « socialisme à pas de tortue », mais aussi la perspective d’un « socialisme dans un seul pays » coupé du développement de la révolution mondiale (l’Internationale communiste devient alors un instrument de politique étrangère de l’URSS). Isolé, Trotsky est alors exclu du Comité central du PC russe en novembre 1927, puis exilé à Alma-Ata (Kazakhstan) en 1928, avant d’être expulsé d’URSS en janvier 1929. Installé en Turquie (le seul pays qui voulut bien l’accueillir alors), il y rédige son autobiographie, Ma Vie, ainsi que son Histoire de la révolution russe et une analyse des processus révolutionnaires dans les pays dominés, La révolution permanente, où il critique la conception stalinienne de la « révolution par étapes » qui avait conduit la révolution chinoise à la catastrophe de 1927 (l’écrasement du mouvement ouvrier à Shanghaï par les troupes nationalistes de Tchang Kaï-chek).
De 1928 à 1934, l’Internationale communiste stalinisée mène une politique ultra-gauche et sectaire, annonçant à tout bout de champ la « radicalisation des masses » et qualifiant les partis socialistes de « sociaux-fascistes », considérés comme plus dangereux que l’extrême-droite. Cette orientation selon laquelle « l’arbre national-socialiste (les nazis, pourtant en pleine ascension politique dès 1930) ne doit pas cacher la forêt social-démocrate » facilita l’arrivée au pouvoir du Parti nazi. Trotsky avait dès le début dénoncé cette politique et proposé en vain un « front unique » des organisations ouvrières contre leurs ennemis communs. Il fallut la nomination de Hitler comme chancelier en janvier 1933 et surtout les émeutes fascistes du 6 février 1934 en France pour que l’Internationale communiste retourne sa veste, mais pour s’engager cette fois dans la politique des Fronts populaires, c’est-à-dire d’alliances - au-delà des partis socialistes - avec des formations bourgeoises comme le Parti radical. Cette nouvelle orientation amena ainsi les staliniens espagnols à liquider les forces révolutionnaires de ce pays, notamment le POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste) et à assassiner sa principale figure, Andres Nin. De 1933 à 1935, Trotsky est en France, où il conseille l’activité de ses partisans malgré sa mise en résidence surveillée, puis il est expulsé en Norvège (1935-1936), d’où il suit avec attention la grève générale française. En janvier 1937, il arrive au Mexique. C’est l’époque des procès de Moscou, qui voient toute la vieille garde bolchévik brisée et assassinée systématiquement sur ordre de Staline. Ce dernier fait aussi assassiner tous les proches de Trotsky, dont probablement son plus proche collaborateur, son fils aîné Léon Sedov, qui publiait le « Bulletin de l’Opposition » envoyé clandestinement en URSS. Trotsky écrit alors La révolution trahie, analyse de la dégénérescence de l’Etat ouvrier russe (1936), puis Les crimes de Staline (1937).
Depuis 1933 et l’effondrement du Parti communiste allemand, il estime que l’Internationale communiste est morte, et que la tâche la plus urgente, avant la guerre qui menace, est de construire une Quatrième internationale en regroupant les révolutionnaires anti-staliniens. S’il ne put participer à son congrès de fondation en France en septembre 1938, il fut le principal inspirateur de son Programme de Transition. L’acharnement de Staline, dont il avait prévu le pacte avec Hitler, lui valut un premier attentat (manqué) dirigé par le peintre mexicain Siqueiros le 24 mai 1940, et un second, le 20 août suivant, mené par un agent soviétique infiltré, Ramon Mercader, qui lui asséna un coup de piolet mortel sur la tête. Pour en finir avec la perspective d’une révolution mondiale, il ne restait plus à Staline qu’à dissoudre l’Internationale communiste en 1943. Par la suite, l’effondrement du bloc soviétique puis de l’URSS en 1989-1991 a clos tout un cycle ouvert par la Première Guerre mondiale et les révolutions de 1917.
Frédéric
Voir aussi sur wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Trotsky
- vendredi 19 avril : grève mondiale pour le climat à l’appel de Fridays for future (FFF)
- samedi 20 avril à 15h : rassemblement au Ralliement à Angers pour un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza à l’appel de AFPS49 et de 19 organisations (dont le NPA49).
- mardi 23 avril de 18h à 20h30 : conférence d’Arié Halimi autour de « l’État hors la loi », salle Pelloutier de la Bourse du travail d’Angers. Organisée par la LDH49.
- samedi 27 avril : Marche des fiertés LGBTI+ à Angers (11h village des fiertés ; 14h marche ; 16h DJ au village ; 18h Before à l’Entre 2 ; 23h Pride night au Chabada ; 5h After à La Cage). Voir Site de Quazar.
- mercredi 1er mai : journée internationale de lutte des travailleuses et travailleurs. Manifestations intersyndicales à 10h30 à Angers (pl. Imbach), Saumur (pl. Bilange), Cholet (pl. Travot) et Segré (pl. du port).
- samedi 8 juin : cyclo-manif contre la nouvelle zone Océane 3 - Angers/St Sylvain, à l’appel des Soulèvements de la terre-49
- Voir aussi Alter49.org, l’agenda alternatif 49, et Le Cercle 49.
La librairie sociale et militante Les Nuits bleues, 21 rue Maillé à Angers, avait organisé le 13 décembre une rencontre avec Frédéric Dabouis, auteur de « La Révolution comme horizon », dont nous avions publié une première interview ICI. L’enregistrement de cette rencontre consacrée à l’histoire du mouvement ouvrier angevin révolutionnaire entre 1914 (début de la guerre, de l’union sacrée et des premiers opposants à celles-ci) et 1923 (début de la stalinisation du PCF) vient d’être mise en ligne sur le site de la librairie (à la fin de l’article qui avait été rédigé pour la réunion). À vos écouteurs !
Deux textes publics explicitent la position unitaire et révolutionnaire du NPA pour les prochaines élections européennes :
- « Contre l’UE capitaliste et austéritaire, rassembler la gauche de combat ! » est une tribune du NPA publiée sur Mediapart et Regards, signée par Christine Poupin et Pauline Salingue, les deux porte-parole du NPA, Roseline Vachetta, qui fut députée européenne de la LCR aux côtés d’Alain Krivine, Olivier Besancenot et Philippe Poutou, anciens candidats LCR et NPA à l’élection présidentielle ;
- Le « Courrier public du NPA à La France insoumise concernant les élections européennes » est un courrier public adopté mercredi 3 janvier 2024 par le Conseil politique national, instance de direction du NPA.
Le coup d’État contre le gouvernement du président chilien Salvador Allende qui a eu lieu le 11 septembre 1973, a brutalement et violemment fermé la voie que plusieurs pays d’Amérique latine étaient en train de construire vers un État-providence et la souveraineté sur leurs ressources naturelles. Le Chili a préfiguré ce qui allait se passer dans le monde au cours des dix années suivantes : la contre-offensive de l’impérialisme, notamment étasunien, contre les politiques de redistribution des revenus, le développement industriel endogène et la construction de ce que l’on a appelé l’État-providence, explique Éric Toussaint, fondateur du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (www.cadtm.org) et membre du conseil scientifique de l’Association pour la Taxation des Transactions Financières (ATTAC) France. À lire ICI sur le site de la 4e Internationale.
« Hugo Blanco a donné l’exemple. » C’est ce qu’a écrit Che Guevara à propos de cette période de la vie de Blanco quand il était un organisateur central du mouvement pour la réforme agraire par le bas à La Convención et à Lares, au Pérou, entre 1958 et 1963. Hugo, qui fut membre de la Quatrième Internationale pendant des décennies (on le voit sur la photo avec Daniel Bensaïd en 1985), nous a quitté·e·s le 25 juin. Il fut un des premiers qui avaient compris l’importance de la lutte pour l’écosocialisme face à la catastrophe environnementale à laquelle nous sommes de plus en plus confronté·e·s, en soutenant notamment que, même si les communautés indigènes n’utilisent pas le terme écosocialisme, elles se battent pour l’écosocialisme depuis 500 ans. La Quatrième internationale salue sa mémoire : Angel Hugo Blanco Galdós Presente !.
Sieva “Esteban” Volkov nous a quitté·e·s le 16 juin. Celui qui, enfant, avait été témoin - et victime - de l’acharnement meurtrier de la bureaucratie stalinienne contre son grand-père, Léon Trotsky, et toute sa famille est décédé dans son pays d’adoption, le Mexique, à l’âge de 97 ans. C’est un des derniers témoins de la catastrophe qu’a constitué la contre-révolution stalinienne - mais aussi de l’espoir porté par la résistance à celle-ci - qui disparaît. La Quatrième Internationale lui rend hommage sur son site : « En l’honneur d’Esteban Volkov (1926-2023) : Vive la mémoire de Léon Trotsky et la lutte de l’opposition de gauche contre le capitalisme et le stalinisme ! »