La Coupe du monde de la honte

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Le Mondial de football démarre avec son accumulation de scandales. Les infrastructures ont été construites par des salariés immigrés en semi-esclavage : conditions de travail désastreuses, salaires pas toujours payés, des milliers de morts… Sur le plan écologique, malgré les déclarations, la compétition reste un scandale : des centaines d’avions vont transporter chaque jour les 1,5 à 1,7 million de supporters, les stades climatisés à ciel ouvert libèrent des fluides et consomment de l’énergie pour refroidir les stades à 20°C… Tout cela sans parler du régime du Qatar, une dictature où les droits démocratiques, les droits des LGBTI et des femmes sont bafoués.

Beaucoup d’intérêts en jeu pour les capitalistes

Des voix s’élèvent, y compris dans le monde sportif (voir en particulier dans Ouest-France la tribune de Ouassem Belgacem, ex-joueur international), pour critiquer cette Coupe du monde. Mais les intérêts en jeu sont immenses. Pour la FIFA, les télévisions, les annonceurs, il faut absolument amener le plus de spectateurs devant les écrans pour maintenir les recettes des droits de retransmission, de la publicité ou des produits dérivés. Elle exerce donc une pression sur les joueurs qui voulaient par exemple, pourtant de façon assez modeste, dénoncer les discriminations en portant un brassard arc-en-ciel.

Pour les États alliés du Qatar, il est impensable de gêner leur partenaire, et la France est au premier plan (le 17/11, sans peur du poncif le plus éculé, Macron a osé déclarer “Je pense qu’il ne faut pas politiser le sport” !). Sarkozy a manifestement appuyé la candidature du Qatar en échange de financements. Le rachat du PSG et les centaines de millions dépensés par celui-ci font apparemment partie d’un arrangement global… en plus de la corruption habituelle dans le choix des pays accueillant les Coupes du Monde ou les Jeux Olympiques.

La France au premier rang des magouilles

Une pression est donc exercée, notamment par Macron, pour légitimer cette Coupe du monde. Il prétend que le régime du Qatar va changer… Comme si la Russie ou la Chine avaient changé après les compétitions organisées dans ces pays. On nous demande d’être tolérants avec une culture “différente”… alors qu’en réalité, ce sont les grandes puissances occidentales qui, en soutenant des dictatures réactionnaires, contribuent à renforcer cette culture “différente” visant à l’oppression des droits des femmes, des LGBT et des humains en général. Ainsi, en 2018, la France a vendu au Qatar pour 2,37 milliards d’euros d’hélicoptères et d’avions Rafale !

Le pouvoir et les médias dominants appellent à se rassembler pour la grande fête du sport. Ils tentent aussi de nous convaincre que nous devrions, pour le plaisir des matchs, oublier les attaques antisociales comme la réforme de l’assurance chômage, le projet d’attaque contre les retraites ou les baisses de salaires.

Ce que nous montre cette compétition, c’est que l’argent existe, mais qu’il est gaspillé ou capté par les capitalistes, et jamais redistribué aux salarié·e·s… ou aux petits clubs sportifs. Ainsi, la FIFA devrait engranger plusieurs milliards de profits dans l’opération du Mondial.

Et pendant ce temps-là, à la COP 27...

Le week-end dernier, la conférence internationale pour le climat a abouti à des résultats indécents. 360 millions de dollars de « pertes et dommages » ont vaguement été promis par les pays riches, une goutte d’eau, alors que le coût des destructions liées au chaos climatique est estimé à 580 milliards par an d’ici 2030 [1]. Rien n’a été décidé pour limiter les énergies fossiles, les pays pauvres n’en ayant pas les moyens tandis que les pays riches, qui polluent librement la planète depuis au moins 150 ans, s’en désintéressent. On lira à cet égard l’analyse « COP27 : nouveau sommet du greenwashing, du capitalisme vert et de la répression » développée par Daniel Tanuro juste avant cette affligeante COP27... Une COP de la honte, elle aussi !

Rejeter la vision capitaliste du sport

Chacune ou chacun choisira de boycotter ou non à titre personnel la Coupe du monde, mais en tout cas, il est clair que, politiquement, il faut rejeter cette vision du sport et ces magouilles faites pour engraisser d’immenses entreprises, tout autant qu’il faut reconstruire des mobilisations de masse pour le climat. Des mobilisations qui ne pourront faire l’impasse sur la nécessité d’exproprier tous les groupes capitalistes qui menacent chaque jour un peu plus nos vies et la biosphère de notre planète.

22 novembre 2022, par NPA 49

[1] Lire en particulier l’article Integrated Assessment for Identifying Climate Finance Needs for Loss and Damage : A Critical Review de Anil Markandya & Mikel González-Eguino