Racisme, fascisme dégage  !

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Il faut aller au-delà du «  buzz  » que provoquent les deux récents sondages Harris interactive-le Parisien sur les intentions de vote pour M. Le Pen au 1er tour de la présidentielle de 2012 et ne pas le balayer d’un revers de main. Ces sondages sont des indicateurs supplémentaires d’une crédibilité retrouvée du néofascisme dans la situation sociale et politique actuelle. Et il faut comprendre les ressorts de cette crédibilité pour mieux combattre le FN.

Au regard de la politique menée par la droite au pouvoir, on découvre, sans surprise, qu’un électeur sur cinq ou un sur quatre, ayant voté Sarkozy en 2007, voterait pour Marine Le Pen en 2012. De plus, 30 % des catégories populaires auraient l’intention de voter pour la candidate de la «  préférence nationale  ».

Ce bruyant retour du Front national dans la vie politique renvoie à une double stratégie orchestrée par la nouvelle génération de cadres frontistes  : pousser la droite à se radicaliser et, simultanément, mener son OPA sur les couches moyennes et les catégories populaires. Il renvoie également aux carences de la gauche sociale et politique et au manque de crédibilité d’un projet de transformation sociale alternatif au système capitaliste.

À droite, jusqu’où  ?

Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, les lois sécuritaires (la loi Loppsi 2, par exemple) et anti-immigrés, deux marqueurs «  identitaires  » de l’extrême droite, ont ponctué l’actualité politique.

Depuis le 8 mars, le projet de loi sur l’immigration dit «  loi Besson » est de nouveau examiné par l’Assemblée nationale, après avoir été retoqué par le Sénat pour ce qui est de l’extension de la déchéance de nationalité.

Sachant que l’ensemble de la loi Besson est à combattre, cet article, à lui seul, met en cause le caractère «  républicain  » de la loi. 68 députés conduits par Jean-Louis Borloo présentent un amendement visant à sa suppression.

Et, dans le même temps, conduits par Christian Estrosi – député-maire de Nice dont la compagne affrontera sur le 14e canton niçois l’alliance Jacques Peyrat-Front national – une quarantaine de députés présenteront un amendement allant encore plus loin dans l’extension de la déchéance que la version rejetée.

Mais pour le Front national, l’UMP ne va pas assez loin face à « la déferlante » migratoire provoquée par les révolutions arabes. Une pétition pour un «  moratoire sur la politique de l’immigration  » est mise en ligne. Tandis que le président d’honneur du FN, Jean-Marie Le Pen, dans son «  journal de bord », formule les solutions frontistes  : rétablissement des frontières et contrôles accrus  ; suppression du droit du sol  ; suppression de la double nationalité  ; contrôle sévère du droit d’asile et du regroupement familial. De quoi inspirer le gouvernement  ? [1]

Mais au-delà des «  fondamentaux  », Marine Le Pen est consciente que sa stratégie de conquête du pouvoir implique de sortir le Front national de son isolement. [2] Pour cela, il s’agit, comme pour d’autres à l’extrême droite, de revisiter de «  nouveaux territoires  » afin de se rendre audible à de plus larges franges électorales. Il en va ainsi du thème républicain de la laïcité auquel certains milieux professionnels et militants peuvent être réceptifs. Il en est de même concernant la question sociale.

Hold-up sur le monde du travail

Lors de son discours d’investiture, Marine Le Pen déclarait  : « Nous voulons mettre en œuvre une politique basée sur la remise en ordre de l’État-Nation par une souveraineté recouvrée, la revitalisation de la démocratie par la participation des citoyens aux affaires qui les concernent, un État protecteur et efficace au service de la communauté nationale, garant de la laïcité, de la prospérité et des libertés. Un État luttant partout contre l’injustice engendrée par le règne de l’argent-roi. Nous organiserons la relocalisation du travail et de l’économie grâce au protectionnisme social et territorial, et ce de manière à empêcher la concurrence déloyale, le démantèlement de nos économies et la destruction de nos emplois. Pour ce faire, nous engagerons dès notre arrivée au pouvoir un vaste train de réformes destiné à éliminer les privilèges et à mettre sur pied une politique fiscale et sociale efficace et juste.  » Ces engagements étant pris, il s’agit de leur donner corps. Ainsi les diffusions de tracts se multiplient devant les usines (encore récemment devant les chantiers de Saint-Nazaire)  ; les communiqués de presse à tonalité sociale sont plus fréquents (contre l’augmentation des tarifs du gaz, contre la hausse des prix alimentaires, pour un plan d’action pour contrer l’ascension des prix de l’essence…)  ; la contestation des organisations syndicales et de leur «  monopole  » est organisé médiatiquement (affaire Engelmann)  ; une «  lettre aux fonctionnaires  » visant à dépasser les malentendus du passé est rédigée. Le renouveau frontiste actuel n’impose-t-il pas, aux organisations démocratiques, à la gauche sociale et politique, de renouer avec des pratiques de terrain, unitaires et permanentes, capables de déconstruire, point par point, les impostures du FN en direction du monde du travail et des classes populaires et de renouer avec la lutte quotidienne contre l’extrême droite dans les entreprises, les écoles et les quartiers  ?

Cela ne dédouanant nullement les organisations de la gauche radicale de leur responsabilité à rendre audible et crédible un projet de transformation sociale en rupture avec le système capitaliste.

Gabriel Gérard

11 mars 2011, par NPA 49

[1] La députée Chantal Brunel, ancienne porte-parole de l’UMP, vient de déclarer  : «  Il faut rassurer les Français sur toutes les migrations de populations qui viendraient de la Méditerranée. Après tout remettons-les dans les bateaux  !  »

[2] En 2006, Marine Le Pen participe à un débat organisé par Beur-FM. Dimanche 13 mars, elle devait prendre la parole sur Radio J. Devant le scandale, la direction de la radio a dû annuler son invitation.