Plan social dans l’Éducation nationale  : 80 000 suppressions de postes  !

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-  Le mardi 27 septembre marquera à la fois la rentrée sociale de l’Éducation nationale et du pays, notamment en Maine-et-Loire. Devant l’ampleur des attaques contre le droit à l’éducation ou contre le statut des enseignants, la profession se mobilisera de façon importante. Il restera à en construire les suites sociales face à un gouvernement déterminer à casser tous les services publics et à imposer l’austérité aux salariés pour sauver les banques et ses amis capitalistes... Analyse...
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L’école aujourd’hui  : entre sélection et profits  !

De réformes en cascade à la suppression des postes, en cinq ans seulement, le gouvernement a réussi à satisfaire, quoique partiellement, les desiderata du patronat et de la bourgeoisie ou comment s’approprier le marché juteux que représente l’éducation tout en faisant faire des économies à l’État.

Depuis 20 ans, les gouvernements successifs cherchent à résoudre ce problème  : comment diminuer la durée moyenne de scolarisation et par là même le niveau de qualification, qui deviennent aujourd’hui obsolètes dans une perspective résumée dans le rapport Thélot en 2004  : «  la part des emplois peu qualifiés ou requérant une qualification d’ordre comportementale ou relationnelle [sera] considérable dans l’avenir [...]  »

Ainsi, l’Éducation nationale doit former les ouvrierEs et employéEs de demain à des savoir-être de base et des savoir-faire utiles à leur employabilité. La prolongation de la scolarité devient donc inutile pour la majorité des élèves qui seront appelés à occuper des emplois à qualification «  d’ordre relationnel ou comportemental  ». De là l’importance accordée au fait que les jeunes soient de plus en plus tôt en contact avec l’entreprise, partenaire majeur pour inciter les moins performantEs à «  choisir  » une formation en alternance, un projet professionnel plutôt qu’une formation initiale «  trop théorique ou trop abstraite  ».

Évaluations nationales, aide personnalisée, livret personnel de compétences sont autant d’outils de mesure pour trier et donc orienter précocement les élèves. Ils sont autant de moyens de contrôler l’enseignement donné par les profs et de les remettre au pas avec la carotte que constituent les primes.

En réduisant les budgets et les personnels, en développant la précarité, en multipliant les statuts, le gouvernement cherche à diviser les salariés de l’Éducation nationale et à casser leur résistance. Force est de constater que le flot des réformes qui s’est abattu sur ce secteur ces dernières années a fortement démoralisé les personnels. La tactique utilisée par Sarkozy et ses prédécesseurs s’est avérée particulièrement subtile. Aucune réforme de fond ou d’ampleur n’a été mise en œuvre mais de multiples transformations ont été distillées au fil des années rendant particulièrement difficile la mobilisation. Mais toutes ces mesures obéissent à une logique globale, celle de la casse du service public de l’éducation. Le gouvernement en procédant ainsi a fait de l’État le premier employeur de précaires et a mené le plus grand plan social que la France ait jamais connu. Nul doute qu’avec les mesures d’austérité annoncée par Sarkozy, cette politique, dont la logique budgétaire dissimule bien souvent les fins idéologiques, va connaître une accélération.

Le 27 septembre, nous devrons être massivement en grève contre la casse avérée de notre secteur parce que, pas plus hier qu’aujourd’hui nous n’acceptons de «  dégraisser le mammouth » [1]. Mais nous serons en grève également pour refuser de contribuer au paiement de cette dette qui se fera sur le dos de ceux et celles qui déjà, subissent au quotidien les désastres du système capitaliste.

85 000 élèves en plus, 16 000 postes supprimés

Dans les écoles, 1 500 classes ont été fermées. Partout les classes sont surchargées, y compris dans les ZEP où le seuil de 24 élèves est souvent dépassé.

C’est l’exclusion sociale  : les dispositifs d’intégration des élèves handicapés ou non francophones sont étranglés par la baisse des moyens. Les réseaux d’aide spécialisée aux élèves en difficulté sont démantelés. C’est la sélection et l’élitisme  : manque de places et disparition de la carte scolaire poussent les établissements à sélectionner leurs élèves. Un grand nombre d’entre eux subissent une orientation forcée ou sont exclus du système scolaire (la scolarisation des 15/19 ans a baissé de 5 %). Ensuite le gouvernement crée des internats d’excellence, afin d’offrir à une poignée triée sur le volet des moyens dont sont privés tous les autres élèves.

C’est la constitution d’un marché privé de l’éducation  : les élèves de moins de 3 ans ne sont plus scolarisés au profit des jardins d’éveil privés. Les cours en petits groupes sont supprimés, le nombre de vraies heures de cours diminue  : l’État organise l’échec de nombreux élèves et abandonne le soutien scolaire aux entreprises privées (Acadomia, Complétude) pour ceux qui peuvent se le payer. Les Chambres de commerce et d’industrie organisent l’apprentissage professionnel. Enfin, les écoles privées continuent de toucher des subventions alors que l’école publique subit l’austérité.

-  Défendons un même droit à la scolarité, avec les adaptations et le personnel formé nécessaire pour intégrer tous les élèves.
-  Exigeons une école commune à tous, sans sélection ni orientation de 3 à 18 ans.
-  Refusons toutes les formes de privatisation de l’école.

La machine à précariser

Cette année encore, le gouvernement a pratiqué une nouvelle saignée dans l’Éducation nationale avec la suppression de 16 000 postes. Les conséquences sont désormais bien visibles en cette rentrée scolaire. Les non-remplacements de professeurs et les postes non pourvus sont pléthores à ce jour. Les effectifs des classes ont considérablement augmenté y compris dans les ZEP où le seuil des 24 élèves a été franchi dans de nombreux établissements. Des classes entières sont supprimées tant et si bien qu’un maire d’une commune rurale s’est retrouvé dans l’obligation d’ouvrir une structure privée de maternelle pour accueillir les enfants de son village. Ainsi, à la logique budgétaire qui préside aux décisions gouvernementales correspond une logique idéologique, celle d’un service public dégradé pour tous ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir les services du privé.

En parallèle à ce véritable plan social dans l’Éducation nationale, le gouvernement y développe la précarité à tous les niveaux. Le nombre de vacataires et de contractuels chez les enseignants a explosé ces dernières années. Et la création du master enseignement laisse présager l’apparition d’une armée de précaires soumis à la pression des chefs d’établissement dont les pouvoirs ont été considérablement renforcés en matière de recrutement et de gestion des personnels.

Concernant les fonctions de vie scolaire, d’encadrement des élèves et d’assistance administrative, le gouvernement a développé ces dernières années les Contrat unique d’insertion-Contrat d’accès à l’emploi (CUI-CAE) dont le salaire net est fixé à 632 euros par mois pour 20 heures hebdomadaires et dont la durée ne peut excéder 24 mois. Or, en cette rentrée, bon nombre de ces contrats sont arrivés à échéance et ne peuvent être renouvelés, laissant ainsi des milliers de précaires sur le carreau. De plus, beaucoup de ces postes, désormais vacants, sont, non pas supprimés mais suspendus, démontrant par là qu’ils ne sont pas conçus par le gouvernement comme des aides indispensables mais comme des variables d’ajustements dans les politiques de l’emploi. Nul doute qu’il feront un jour leur réapparition, au moment opportun, pour faire baisser les chiffres du chômage de longue durée  ; sans doute juste avant les présidentielles de 2012  ? Non aux évaluations nationales

Le Haut Conseil de l’éducation vient de rendre un rapport à l’Élysée  : les évaluations (CE1, CM2, et anciennement CE2, 6e) ne servent à rien  : les unes ne sont pas assez rigoureuses, les autres pas assez fiables... Il faut vite confier au privé (on parle d’une agence «  indépendante  ») de nouvelles évaluations.

Il y aurait «  confusion  » entre l’usage pédagogique et la création d’un « indicateur de pilotage »... Certains enseignants laissent plus de temps, d’autres font «  bachoter  » les gamins dès le CE1... La validation est aussi fantaisiste que la passation...

Ce qui est vraiment drôle, c’est que toutes ces critiques ont été déjà faites  par les syndicats, par les «  résistants pédagogiques  » et par de nombreuses associations pédagogiques.

Avec un peu de chance, la droite va finir par faire passer de véritables « examens  » pour obtenir enfin des «  indicateurs  » fiables, permettant de trouver encore des postes à enlever, des écoles à fermer, des sous à gratter... Par exemple, une commune de Seine-et-Marne avait une fermeture de classe à la rentrée, alors que les effectifs dépassaient largement la «  norme  » pour obtenir une réouverture. Mais c’était le cas de la commune voisine aussi. Devant la demande des deux communes, l’Inspecteur fait cette très belle réponse  : «  La commune voisine à été prioritaire pour la réouverture d’une classe, parce que les résultats de l’évaluation sont moins bons que chez vous.  »

Tout cela n’existe que parce que parents et enseignants acceptent de le mettre en place, alors qu’il est possible de faire «  rater  » l’école aux enfants la semaine des «  évals  », il est possible de refuser de les faire passer, la résistance commune est une forme de lutte.

Dans le Doubs, un collectif parents-enseignants appelle à lutter ensemble. Ils ont fait un petit film sympathique à regarder sur internet  : l’école en danger : http://www.youtube.com/watch?v=Rih6ERs0dmc

Ouvriers des lycées d’Île-de-France : non à l’allongement du temps de travail  !

La région Île-de-France dirigée par le socialiste Jean-Paul Huchon a joué un très mauvais tour aux agents techniques des lycées en allongeant leur temps de travail et de présence. Cette politique est la même que celle de l’État qui supprime des dizaines de milliers de postes dans l’éducation et qui impose toujours plus de travail aux agents administratifs, personnels de vie scolaire et enseignants.

Dorénavant, la pause repas n’est plus comprise dans le temps de travail ce qui rallonge d’autant le temps de présence, le nouveau décompte des jours fériés ajoute des jours travaillés, il n’y a plus de maximum de jours de permanence et si des agents sont malades pendant l’année, ils perdent le bénéfice de leur RTT et sont contraints de les rattraper.

Ces mesures de régression sociale se surajoutent aux conditions de travail difficiles des agents. Le manque criant de personnel conduit trop souvent à une augmentation scandaleuse de leur charge de travail. Les agents en arrêt ne sont pas remplacés, les services sont partiellement complétés par des contrats aidés corvéables et jetables et, en plus, la région renforce l’encadrement hiérarchique en installant des petits chefs qui sont autant de personnes en moins pour faire le travail.

Lors du Comité paritaire technique (instance où siègent les syndicats et les élus politiques de la région et où se prennent les décisions concernant les personnels) du 9 mai 2011, la très grande majorité des syndicats ont voté contre ou se sont abstenus. Tous les élus politiques, quelle que soit leur couleur, ont voté pour. Méprisant la position des syndicats, M. Huchon a soumis le protocole sur le temps de travail au conseil régional le 23 juin dernier. Celui-ci l’a adopté faisant ainsi sienne la devise sarkozyste « travailler plus, pour gagner plus  ». Face à la politique de régression sociale menée par le PS et ses alliés Verts majoritaires au CR, les ouvriers étaient appelés à faire grève le 20 septembre. D’autres personnels de l’Éducation nationale ont décidé de les soutenir et de les rejoindre pour dire tous ensemble  : Non à l’allongement du temps de travail  ! Non à la politique de régression sociale de la région Île-de-France  !

Refuser la répression dans l’Éducation nationale  !

Le problème posé par l’Éducation nationale au gouvernement ne se résume pas à son coût ou à la possibilité d’adapter les enseignements aux besoins du patronat. Fillon sait bien que depuis 2002, le secteur s’est mobilisé chaque année, que ce soit les lycéens, les étudiants, les enseignants. Et souvent, ces mobilisations ont aidé à en développer d’autres plus larges, voire à obtenir des victoires, comme le CPE en 2006.

Pour nous vaincre, la première étape du gouvernement a été de nous faire croire que les jeunes étaient des sauvageons (Chevènement en 1998), puis des racailles (Sarkozy en 2005). La suite est simple  : une mobilisation de la jeunesse est une mobilisation de délinquants. Donc elle doit être réprimée. Depuis 2005, chaque lutte se solde systématiquement par une série de procès de lycéens ou d’étudiants. Et depuis 2008, ce sont des enseignants ou des personnels qui passent en justice. On n’arrête pas le progrès.

Par ailleurs, des instituteurs refusent d’appliquer les réformes anti­pédagogiques du gouvernement depuis deux ans. Et depuis deux ans, les rectorats sanctionnent ces désobéisseurs. Pour l’exemple, le ministère retire à l’un sa fonction de directeur d’école et il est allé encore plus loin cet été, en déplaçant d’office un instituteur de son école, car il refusait de renseigner Base élève, c’est-à-dire de remplir un fichier sur les compétences et comportements de ses élèves, à disposition de la police et du patronat…

C’est pourquoi nous nous opposons à toute sanction contre les enseignants et les jeunes, nous sommes totalement solidaires des collègues qui désobéissent par souci pédagogique. Désobéir doit être le premier pas vers une action collective. Nous continuerons à résister à la pression du ministère, à être solidaires des jeunes et des collègues qui sont injustement arrêtés et qui passent en procès  !
-  Cliquer pour suivre l’actualité des désobéisseurs !

Des salaires de plus en plus bas

Le salaire des enseignants des écoles primaires et secondaires, qu’ils soient débutants ou qu’ils aient quinze ans d’expérience, est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE [2]. En effet, depuis 1995, le salaire des enseignants a diminué en valeur réelle et en pourcentage dans la part du PIB.

Depuis 2000, la perte de pouvoir d’achat des fonctionnaires s’élève à plus de 10 %. Cette perte devrait augmenter, puisque depuis l’augmentation de 0, 5 % au 1er juillet 2010, le gel du point d’indice a été effectif et est prévu jusqu’en 2013, alors que les cotisations retraites des fonctionnaires augmenteront de 34, 4 % dans les dix prochaines années.

Le gouvernement s’abrite derrière les distributions de primes et d’heures supplémentaires pour faire croire à une augmentation des salaires. Mais celles-ci sont très inégalement réparties dans le but de diviser les personnels, voire imposées lorsqu’il s’agit d’heures supplémentaires. En effet, la baisse des salaires ouvre bien évidemment la voie aux primes individualisées, modulables par la hiérarchie et aux heures supplémentaires au détriment de l’emploi, par l’augmentation de contrats précaires.

Le gouvernement a fait le choix de réduire les ressources de l’État, pour faire des cadeaux aux patrons du CAC 40, ainsi les rémunérations versées aux agents de l’État représentent une part toujours plus faible des richesses du pays et cette part a diminué de 15 % en huit ans. Cela dans un contexte où, depuis 2005, la loi d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école, dite «  loi Fillon  » suivie des réformes qui organisent la casse du service public d’éducation, a fortement dégradé les conditions de travail des enseignants et des élèves.

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24 septembre 2011, par NPA 49

[1] Selon la formule du tristement célèbre Claude Allègre, ministre de l’Éducation nationale du gouvernement Jospin en 1997

[2] Organisation de coopération et de développement économique, Regards sur l’éducation, publiée le mardi 13 septembre 2011, regroupant les statistiques concernant l’éducation de plus d’une trentaine de pays.