Des papiers pour Ruth ! Retrait de l’OQTF !

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Environ 150 personnes, professeurs, collégiens et parents d’élèves du Collège La Venaiserie de Saint Barthélémy d’Anjou, militants solidaires, se sont rassemblées place du Ralliement à Angers en défense de Ruth, collégienne d’origine angolaise frappée d’OQTF et vivant dans la précarité depuis plus d’un an. Après quelques chants, lecture de la lettre de Ruth à F. Hollande (voir plus bas), petite pièce de théâtre et collecte, les manifestants sont partis devant la préfecture.

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De Ruth Simone Baptista Le 09 juin 2015 à Angers, 49000

Pour le Président de la République Française, François Hollande.

Monsieur le Président,

Je m’appelle Ruth Simone Baptista, j’ai 15 ans, j’habite à Angers avec ma sœur et ma mère. Cela fera trois ans que ma famille et moi nous sommes réfugiées en France. Avant, j’habitais en Angola avec ma mère, ma grand-mère et mes sœurs jumelles, mes frères habitaient déjà chacun dans leur coin mais étaient tous les jours à la maison. J’allais à l’école et à l’église tous les jours, j’aimais rester dans ma chambre que je partageais avec mes sœurs et écrire mes histoires, réfléchir… Dans mon pays, cela fait plus de trente ans que le même parti et le même président sont au pouvoir, le peuple en a assez et mes frères aussi, ils ont donc fait des manifestations et incité les gens à les suivre. Cela a engendré de telles conséquences sur nos vies qu’on a été obligé de fuir et de venir en France. Pourquoi la France ? Honnêtement je ne sais pas, j’évite de demander ces choses à ma mère. Arrivées ici, nous ne connaissions personne bien sûr, nous étions perdues et nous avons dormi un mois dans la rue. Après avoir reçu des aides nous avons été logées et j’ai commencé à aller en cours en 5e au collège La Venaiserie à St Barthélémy d’Anjou. Comment se lever tous les jours pour aller en cours si on n’arrivait pas à dormir, si à chaque fois j’avais peur qu’ils nous retrouvent, qu’ils viennent ? (les policiers de mon pays). Je ne comprenais pas pourquoi j’allais en cours en quoi cela allait résoudre nos problèmes. Alors, j’ai décidé de jouer le jeu, le jeu d’être une fille normale, de me faire des amis, d’aller me balader, d’être une bonne élève comme d’habitude et de faire de la danse. Mais ma mère n’arrivais pas à jouer ce jeu, elle était obsédée à retrouver mes frères , elle cherchait n’importe quelle information sur le net, elle avait des cauchemars, insomnies. C’était très dur pour moi de la voir ainsi. Avant on était une famille dans une maison, maman travaillait, on allait à la plage tous les week-end, mes sœurs et moi on allait en cours comme tout le monde, on avait des amis. Rien ne nous manquait , on ne mourrait pas de faim, on n’était pas dans le besoin. Grâce à Dieu ma sœur nous a rejoint mais nous voilà maintenant sans rien, sans maison, sans futur, seules les aides des professeurs et des gens de bon coeur pour nous aider à tenir...Oui ! On nous a demandé de quitter la France mais pour aller où ? On n’a plus rien en Angola, plus d’emploi, plus de maison, on n’existe plus, on n’a le droit à plus rien. Mais là-bas, on nous attend, mais pas pour de bonnes choses. Je ne veux pas rentrer, je ne veux pas partir d’ici, j’ai une famille, des amis, un futur. Je veux être médecin, j’irais au lycée en septembre, je veux soigner les gens, réunir des familles, les voir sourire, me voir sourire. Je veux enfin pouvoir vivre. A cause de ma situation, je n’ai pas pu voyager en Allemagne avec mes camarades, je ne comprends pas pourquoi jusqu’à aujourd’hui pourquoi je n’ai pas pu y aller, connaître une autre culture, améliorer mon allemand comme les autres ? En quoi cela est-il dangereux ? Je suis resté seule quand ils sont partis, j’ai beaucoup pleurer , beaucoup, ça m’a brisé le coeur, peut-être que vous ne comprenez pas mais j’ai travaillé autant que les autres, j’y ai cru jusqu’au dernier moment et je suis restée, seulement par le fait de ne pas être française, de ne pas avoir de papiers, je suis quoi alors Monsieur ? Je suis qui ? On nous a dit de quitter l’appartement où on nous avait logées donc plus de toit alors je n’ai pas pu avoir de correspondante non plus, je n’ai pas demandé le pouquoi mais je me suis dit que c’était ça. Alors de mon propre gré, j’ai refuser de les accompagner découvrir Angers, c’était trop dur, faire quoi si je n’avais pas de correspondante ? Vivre cette vie est très dur, insupportable en vérité, je vous le dis, Monsieur, je suis épuisée, mon cerveau, mon corps, veulent du repos. Je veux juste aller en cours, que ma mère ait un emploi, reprendre mes cours de danse classique que maman ne peut plus payer, avoir une maison, une chambre, un chien, je veux pouvoir aller en vacances comme tous les français, faire un échange scolaire avec un pays, je veux aussi travailler bientôt, aider ma mère à payer mes études, je pense que dans toutes mes envies et espoirs, il n’y a rien qui puisse nuire à ce pays. « Le corps est faible mais l’esprit est fort »( dit la Bible) J’évite de penser à tout ce qui c’est passer , à mes frères, sinon je ne pourrais pas vivre, mais ça ne veut pas dire que j’ai oublié.

Monsieur le Président si vous avez lu cette lettre jusqu’ici, je voudrais vous dire la chance que vous avez d’être Président de ce pays, son peuple est très gentil, très solidaire, avec une histoire admirable.

Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me lire.

Ruth.

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24 juin 2015, par NPA 49