Affaire Fillon et tartuffes à l’angevine

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En Maine-et-Loire, l’ultra-droite catholique s’était mobilisée en masse pour élire F. Fillon lors des primaires de la droite de marque déposée. L’épisode de la censure des affiches de prévention contre le VIH par C. Béchu entre les deux tours en fut l’illustration la plus visible : elle était à la fois marque d’allégeance à F. Fillon et de repentance du maire d’Angers, jusque là soutien d’A. Juppé, et manifestation éclatante du pouvoir des intégristes au sein de l’équipe municipale...

“Sens commun”, association issue de “La Manif pour tous”, dispose en effet de solides appuis comme l’adjoint à l’Urbanisme et à l’Aménagement du Domaine Public, Roch Brancour (LR) [1]. L’épisode honteux de la “banane” lancée au propre et au figuré au visage de C. Taubira par une gamine “bien élevée” le 25 octobre 2013 semblait oublié. La bonne conscience de la droite “catholique” disposait désormais d’une idole qu’elle pouvait arborer fièrement, un M. Propre surjouant le traditionalisme, l’amour de la famille et la probité.

Les multiples révélations du “Canard enchaîné” des deux dernières semaines montrent qu’on ne peut nier que F. Fillon aime la famille, du moins la sienne. Les emplois d’assistants parlementaires qu’il a procurés à sa femme et ses enfants ont rapporté 900.000 euros de fonds publics, et cela atteint le million dès lors qu’on prend en compte le mystérieux emploi de son épouse à La Revue des deux Mondes. Emplois fictifs ou pas, ils révèlent au grand jour une pratique courante du monde des politiciens professionnels : leurs revenus dépendent en majeure partie des fonds publics et des prébendes que leurs accordent par divers canaux les grands groupes capitalistes [2] Comment dès lors s’étonner que, derrière le paravent d’un “catholicisme” confit et quelque peu désuet, le programme économique défendu par F. Fillon semble écrit en sous-main par les grandes compagnies d’assurance (pour détruire la sécu) et le grand patronat (pour finir le travail commencé par la loi El Khomri) ? Derrière le moralisme condamnant “l’assistanat” pour les plus pauvres (mais pas que les plus riches puissent être “assistés” par des attachés grassement payés !), derrière la “rigueur” justifiant “l’austérité” pour la population (mais pas pour soi-même), les motivations apparaissent désormais plus clairement au plus grand nombre : il s’agit d’aggraver la politique prédatrice des capitalistes, d’étendre l’emprise de la “concurrence” sur la société et de briser les dernières solidarités.

L’affaire Fillon est un “Portrait de Dorian Gray” : son dévoilement est celui des turpitudes du personnel politique de la bourgeoisie française. Vertus publiques et vices privés. On comprend dans ces conditions que la plupart des responsables des grands partis s’abstiennent de toute attaque frontale contre Fillon, y compris le FN à qui le Parlement européen exige le remboursement de 1,1 million d’euros ayant servi à rémunérer des emplois fictifs ! En Maine-et-Loire, hormis le député Taugourdeau qui n’était pas un soutien de Fillon et prône un “plan B” (le remplacement du candidat de la droite), c’est le grand silence. L’adjointe à la Sécurité et Tranquillité Publique d’Angers, J. Robinson-Behre, avait imprudemement confié au Canard enchaîné n’avoir jamais rencontré l’attachée Pénélope Fillon au parlement. Elle semble n’avoir plus rien à dire. Pas plus que le maire C. Béchu récemment rallié à F. Fillon, ni le conseiller régional P. Janneteau ou le président du Conseil départemental C. Gillet, soutiens de la première heure. Quant aux tartuffes du courant intégriste angevin, il doivent sans doute se sentir rattrapés par la verve indépassable de la pièce de Molière. Roch Brancour, reprenant les thèses complotistes déjà piteusement avancées par F. Fillon, estime que l’objectif de l’affaire serait “d’affaiblir le projet politique” de la droite. Or, dans ces attributions d’emplois présumés fictifs, c’est F. Fillon qui semble avoir été à la manœuvre, pas le Canard enchaîné ! Accusons donc le thermomètre d’être responsable de la fièvre et cachons ce Fillon que nous ne saurions voir...

Cette lamentable affaire ne peut qu’encourager les militant-e-s du NPA que nous sommes à défendre, dans cette campagne présidentielle et au-delà, des exigences démocratiques élémentaires pour balayer ce système corrompu : suppression de la Présidence de la République et de ses pouvoirs exorbitants, suppression du Sénat (cette assemblée de notables élus par les notables), instauration de la proportionnelle intégrale, droit de vote et éligibilité à toutes les élections pour les résidents étrangers, interdiction du cumul des mandats limités à deux consécutifs dans la même fonction, indemnité correspondant au salaire moyen d’un ouvrier ou d’un employé (alors qu’un député touche 13 500 euros brut par mois, sans compter le paiement des collaborateurs, la gratuité des transports et des frais de communication, son bureau au palais Bourbon…). En bref, il faut mettre à bas une Ve République à bout de souffle (à tel point que l’élection quinquennale de son monarque ressemble de plus en plus à une loterie !)

Cependant, ces exigences démocratiques élémentaires imposent aussi de s’attaquer aux lieux réels de pouvoir. Ainsi, les banques et les grands groupes capitalistes, dont les dirigeants ne sont désignés que par leurs plus gros actionnaires, détiennent un pouvoir bien plus réel que les assemblées élues. La démocratie réelle, ce n’est pas de choisir tous les cinq ans des représentants, c’est être maître au jour le jour des décisions vitales pour sa vie quotidienne - dans l’entreprise, la ville, le quartier, etc - sans déléguer ce pouvoir à de prétendus “experts” ou “spécialistes”.

Pour une rupture démocratique, pour prendre nos affaires en main dans les champs social, sociétal et écologique, il y urgence à rompre avec le système capitaliste et avec sa traduction politique ! C’est ce que défend notre candidat, Philippe Poutou.

3 février 2017, par NPA 49

[1] Roch Brancour est également vice-président du Conseil régional des pays-de-la-loire présidé par B. Retailleau, “ancien” villiériste, président du groupe LR au sénat et porte-parole de campagne de F. Fillon.

[2] Le rôle d’un Marc Ladreit de Lacharrière qui a rétribué Penelope Fillon à la Revue des Deux Mondes vient d’être mis en avant, mais ce milliardaire était déjà connu comme ami des trois derniers présidents et financier des LR et du PS... Ce n’est pas non plus une surprise que d’apprendre que F. Fillon est senior advisor et membre du comité stratégique du groupe Ricol Lasteyrie et que, depuis 2012, cela lui a rapporté au moins 200.000 euros...