En défense de l’école publique, 50 ans après le vote de la loi Debré

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L’enseignement public dans le Maine-et-Loire est historiquement soumis à une forte concurrence de l’enseignement privé, essentiellement confessionnel et catholique. Face à un consensus mou défendu par les élites locales qui voudrait faire croire à une “complémentarité” entre les deux écoles, un militant syndicaliste enseignant du NPA donne ici son point de vue en défense de l’école publique.

-  1 - Plus du tiers des élèves scolarisés dans notre région (37,5 % en 2007) le sont dans l’enseignement privé catholique, principalement en Vendée et Maine-et-Loire. Pour certains, c’est la faute de l’Éducation nationale qui conduirait les enfants des classes populaires à l’échec. La réalité est pourtant complètement différente : si l’emprise de l’école catholique est si forte dans les Pays de la Loire, c’est avant tout parce que celle-ci profite souvent d’une situation de quasi-monopole. Ainsi, en Maine-et-Loire, des dizaines de communes ne possèdent tout simplement pas d’école publique, à cause de l’opposition des maires de droite et de l’attitude de l’Etat, en particulier dans les Mauges. Et quand les familles laïques ont obtenu, comme à Andrezé, il y a une vingtaine d’années, l’ouverture de classes publiques, les pressions ont été énormes, allant jusqu’à des représailles, notamment des refus de vente de la part des commerçants réactionnaires opposés à "l’école du diable", pour pousser les parents du public à quitter la commune (c’est ce qui s’est passé, et l’école publique a dû fermer). Actuellement, toujours dans les Mauges, mais à Beaupréau, le conseil général de droite bloque l’ouverture d’un collège public depuis des années, et la région, pourtant "à gauche" depuis bientôt 6 ans, n’a pas commencé les travaux du lycée public qu’elle avait promis (le rectorat vient d’ailleurs de mettre un terme à la plaisanterie en annonçant qu’il n’y en aurait pas)... Pour les autorités, pas question de déplaire à la hiérarchie de l’Église catholique. Dans ces communes, pour les familles laïques, le "libre choix" de l’école n’existe pas.

-  2 - D’aucuns soulignent que l’enseignement privé accueille des jeunes de tous les milieux sociaux. C’est vrai, en partie pour la raison exposée ci-dessus (qui concerne essentiellement les campagnes), mais aussi tout simplement pour des raisons de proximité en ville (école ou collège de quartier, au pied de la tour HLM, etc). Mais attention : de là à dire qu’elle assure des résultats meilleurs pour les élèves, il y a un fossé à ne pas franchir. En réalité, si un collège-lycée de centre-ville qui recrute dans l’élite bourgeoise comme Saint-Martin à Angers a un taux de reçus au bac de plus de 97 % (session 2009), c’est bien sûr avant tout grâce à son recrutement socio-professionnel privilégié, mais aussi parce que ses classes, notamment en terminale, sont nettement moins chargées que celles du public. Et là, l’explication vient du double financement de ces établissements (du premier comme du second degré), à la fois public (à quelques rares exceptions, les établissements catholiques sont sous contrat d’association, et emploient donc des enseignants payés par l’Etat) et privé (scolarité payante), ce qui leur permet toutes sortes de "plus" (études jusqu’à 6 heures le soir, soutien individualisé) dont les établissements publics n’ont pas les moyens. De plus, depuis des années, proportionnellement, l’enseignement public est davantage touché par les suppressions de postes. Par ailleurs, si on compare les résultats d’un collège privé avec ceux des collèges publics recrutant dans le même quartier périphérique, ils sont souvent voisins, c’est-à-dire médiocres dans un cas comme dans l’autre à peu de choses près, du fait de leur recrutement dans les classes sociales défavorisées économiquement et culturellement. Certes, pour les familles défavorisées les frais de scolarité dans le privé sont souvent minimes (l’enseignement privé applique à son niveau le partage des richesses, vital pour garder sa clientèle). Mais ce que nous souhaitons quant à nous, c’est la gratuité totale du droit élémentaire qu’est l’éducation !

-  3 - L’ambiance générale de la société, amplifiée par les médias, pousse tout un chacun à se comporter en "consommateur d’école", sans envisager la question du "caractère propre" de l’enseignement catholique : endoctrinement religieux des enfants (bien sûr pas obligatoire, mais très présent, il suffit d’aller sur les sites des établissements), contrôle du "profil" et de la "morale" des enseignants (femme non mariée enceinte s’abstenir). En outre, faut-il que de l’argent public aille soutenir un enseignement privé qui non seulement fait une concurrence (déloyale, on l’a vu) à l’enseignement public mais aussi exerce au sein de ce dernier une pression anti-grève qui pousse à tout accepter, suppressions de postes, classes chargées, etc, pour éviter "la fuite vers le privé" ? Et faut-il soutenir une institution (l’Église catholique), moyenâgeuse, antidémocratique (fonctionnant sur le principe de la monarchie absolue), antiféministe et régressive, et par ailleurs – heureusement - en perte de vitesse en Europe ?

-  4 - Pourquoi proposons-nous la nationalisation (démocratique) de l’enseignement privé ? Tout simplement parce que l’argument-massue des partisans du maintien des subventions de l’Etat au privé (salaires des enseignants notamment) est que sans elles, les enfants ne pourraient plus être scolarisés, le privé n’ayant plus les moyens de fonctionner et le public n’ayant pas - et pour cause - les capacités d’accueil correspondantes. En nationalisant sans indemnités les bâtiments (largement payés par les deniers de l’État) et en intégrant les personnels (déjà payés par l’État) au public, le problème est résolu. Encore faut-il avoir la volonté de s’affronter à la hiérarchie catholique...

-  5 - Le problème du privé est lié aussi à celui de la carte scolaire. Celle-ci a été quasiment supprimée par le gouvernement, ce qui ne fait que renforcer la ghettoïsation, en particulier pour les collèges des quartiers difficiles, qui se vident des "bons élèves" potentiels. Mais même si on rétablissait la carte scolaire, l’existence même d’un enseignement concurrent aboutit au même résultat : si untel veut éviter à son enfant le collège prétendument "pourri" du quartier, il peut l’inscrire dans un collège privé de centre-ville. Une telle attitude peut se comprendre à l’échelle individuelle, elle correspond souvent à des insuffisances graves de l’enseignement public (notamment, mais pas seulement, l’accueil des enfants handicapés) dues au manque de moyens humains et matériels, mais elle ne fait pas une politique publique. C’est pourquoi il faut revendiquer l’abrogation de toutes les lois anti-laïques (en particulier la loi Debré votée par le Parlement en décembre 1959, il y a juste 50 ans) et l’arrêt de toute subvention à l’enseignement privé ("Fonds publics à l’école publique"), ce qui permettra d’améliorer rapidement les conditions de travail (pour les enseignants) et d’études (pour les élèves) dans l’enseignement public. Et il faudra engager le débat sur la nationalisation, débat avorté en 1984 du fait de la reculade de la gauche gouvernementale face à la mobilisation de la droite.

-  6 - Pour finir et pour éviter - le cas échéant - tout malentendu, précisons que des croyants (catholiques, protestants, musulmans...) militent au NPA. Et qui parmi les militants n’a pas eu l’occasion de travailler avec des croyants dévoués dans telle association de lutte contre le chômage ou telle autre qui milite activement pour les droits des Palestiniens ? La question soulevée n’est pas celle d’un quelconque combat anti-religieux mais celle de la lutte nécessaire contre les institutions réactionnaires que représentent les bureaucraties religieuses dans toutes leurs ramifications. Ce n’est ni "ringard", ni "simpliste" : il suffit de voir les attaques systématiques du pape et de la hiérarchie catholique contre les droits des femmes (avortement, contraception) ou des homosexuels, et ce partout dans le monde. Nous pensons qu’il faut lutter contre ces campagnes idéologiques réactionnaires, et d’ailleurs de nombreux chrétiens partagent avec nous cette analyse.

FD


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Émeutes antisémites d’Alger 1899
8 janvier 2010