On nous a à l’œil dans les bus ; nous voulons avoir les bus - et le tram - à l’œil !

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Les caméras de surveillance dans les bus suppriment-elles la désespérance sociale causée par le chômage de masse et le “no future” de la société capitaliste en crise ? Au mieux, elle déplace ses effets un peu plus loin. Et ce n’est pas en faisant payer les transports publics qu’on règlera les problèmes sociaux et diminuera la circulation automobile à la hauteur des enjeux pour notre environnement. Ce qu’il faut, c’est les transports publics gratuits !

Le Courrier de l’Ouest du 21 mai dernier titrait sa page 8 « On vous a à l’œil dans les bus ». L’article était censé mettre en garde les « jeunes voyous » susceptibles d’agresser les chauffeurs de bus : des caméras de surveillance sont en effet installées dans tous les bus. Il s’agissait de réagir à l’agression intolérable d’une conductrice par un jeune qui voulait descendre entre deux stations et qui a été identifié - entre autres - grâce à ce dispositif de vidéosurveillance.

Mais cet incident a provoqué aussi une réaction de certains syndicats de Keolis qui souhaiteraient davantage de présence policière dans les bus, pour dissuader les agressions « verbales et physiques » qui seraient en augmentation. Sans nier ce climat, qui justifierait plutôt de notre point de vue la présence comme autrefois d’une second salarié de Keolis dans les bus , on peut s’interroger sur ses causes, en particulier la désespérance sociale de nombre de jeunes - et de moins jeunes, qui sont écartés du droit à un emploi correctement rémunéré et qui déversent leur colère parfois bien mal à propos sur le premier représentant réel ou supposé des « institutions » qui leur tombe sous la main : chauffeur de bus, pompier, policier, enseignant. Or nous le savons, les vrais responsables du chômage et de la précarité ne prennent généralement pas le bus ni ne circulent dans les quartiers populaires.

Mais nous savons aussi que depuis des dizaines d’années, la politique prétendument « sécuritaire » menée par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche parlementaire (PS,PCF, Verts), n’a absolument rien donné dans ce domaine, au fur et à mesure que le fonctionnement « normal » de la société capitaliste provoquait davantage de misère et « d’exclusion » d’un côté, et une concentration jamais vue de richesses au profit d’une poignée de parasites de l’autre. Pour nous, la vraie solution à tous les problèmes de « délinquance », « d’incivilité » etc., réside donc d’abord dans la transformation radicale de la société et la réduction drastique des inégalités sociales. Certes, tous les problèmes ne seront pas résolus, mais le plus gros sera fait.

Par ailleurs, dans la même édition du Courrier de l’Ouest, le syndicat Force ouvrière de Keolis réagissait aussi à l’annonce par la municipalité des neuf jours de gratuité du tramway à partir de son inauguration le 25 juin prochain. Pour le responsable FO, cette gratuité instaurée pendant une trop longue période va encourager l’agressivité des passagers : l’article produit par le journaliste n’est pas très explicite, mais on devine que FO craint que les usagers des transports, ayant goûté à la gratuité, rechignent ensuite à payer leur ticket plein pot.

Tout cela est certes possible, mais le problème est pris à l’envers : nous savons tous en effet que dans le coût global des transports, dans notre agglomération comme ailleurs, les ventes de tickets ou d’abonnements au réseau ne représentent qu’une petite partie du coût réel [1], le reste étant financé chez nous par Angers Loire Métropole (ALM) qui a financé les infrastructures du tramway et acheté les matériels (bus, rames). Comme le disait en 2008 la campagne de la liste « 100 % à gauche », la gratuité du service de transports en commun de l’agglomération pourrait être financée comme à Châteauroux par une augmentation modérée du versement transport (qui concerne les entreprises de plus de 9 salarié-e-s), et la suppression des frais de billetterie, dans le cadre d’une politique écologiste volontariste. Et d’ailleurs, question coût, ALM et la Ville d’Angers pourraient économiser ainsi une partie du million et demi d’euros programmé pour installer les bornes de la nouvelle carte électronique d’abonnement et de paiement A’tout dans les bus, le tram, les bibliothèques, piscines, etc. Et était-il vraiment nécessaire de changer tous les abribus de l’agglo à la seule fin de les uniformiser ?

D’ores et déjà une politique de transports publics gratuits est appliquée par des municipalités ou agglomérations de gauche (Aubagne, agglomération de 100 000 h, à majorité PCF-PS-Modem, depuis 2009) comme de droite (Châteauroux - 76 000 h, et Vitré - 64 000 h, depuis 2001, mais aussi Compiègne - 70 000 h, Gap - 38 000 h, toutes à direction UMP), et tout cela avec succès paraît-il, puisque le nombre d’utilisateurs des bus a augmenté, tandis que le trafic automobile et donc la pollution induite ont baissé. La seule question qui se pose donc est : qu’est-ce qui empêche notre agglomération socialo-centro-umpiste et son tandem Antonini-Laffineur de faire de même à Angers ?

Pour notre part, nous pensons qu’Angers Loire Métropole pourrait très bien reprendre en régie directe l’ensemble des transports publics de l’agglomération, d’autant plus que nous ne voyons pas non plus l’intérêt pour les travailleurs angevins de financer au passage les actionnaires de Keolis (la SNCF certes à 56,7 %, mais aussi à 40,8 % Kebexa, filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec et d’Axa, les 2,5 % restants appartenant aux cadres de Keolis). Après tout, la plupart du temps, nous prenons le bus pour aller nous former ou pour travailler, il n’y a donc pas de raison pour qu’en plus nous financions des entreprises capitalistes privées à la fois par des subventions publiques et en payant nos abonnements ou nos tickets !

Face à l’urgence écologique et sociale, les bus et le tram doivent être gratuits !

17 juin 2011, par NPA Angers

[1] Seulement 14 % à Châteauroux avant le passage à la gratuité en 2001.