La municipalité d’Angers déclare la “guerre” aux autres villes d’Europe

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Le numéro de juin 2011 de “Vivre à Angers” éclaire sous une lumière particulièrement crue et jusqu’au ridicule l’alignement complet de la municipalité rose et vert pâles sur les options ultra-libérales des élites capitalistes. On y apprend entre autres que la ville d’Angers, ou plus exactement la marque “Angers Loire Valley”, serait en “guerre” dans le cadre de la “féroce” “concurrence entre les grandes villes”. Décryptage de cet abandon complet des timides velléités socio-écolo de l’équipe municipale et pistes à suivre en vue d’une autre orientation, vraiment sociale et écologiste, pour les habitants d’Angers et de son agglomération.

La nouvelle formule du journal municipal “Vivre à Angers” adoptée l’an passé avait déjà trahi un glissement vers la communication au lieu de l’information. Le numéro de juin l’illustre pleinement.

En première page, deux joueurs du SCO. Mais on cherchera en vain dans ce numéro une référence au retentissant procès du président du club Angers SCO [1] et au pourrissement du sport par l’argent-roi (voir notre article du 11 février). Sur le thème du SCO, on ne trouvera guère qu’une photo floue sur une double page, accompagnée d’un court texte empreint de niaiserie sur l’aventure (écourtée) du club en coupe de France.

Dans son éditorial, le maire se livre à un bel exercice de social-libéralisme en assaisonnant de quelques mots-clés “de gauche” (solidarité, partage) une belle soupe libérale. Il s’agirait de faire évoluer l’image de la ville parce qu’elle est engagée dans une « concurrence avec les autres métropoles » afin de bien « attirer ici les emplois de demain ». Aussi une « marque de territoire » a été déposée [2], dans un curieux sabir franco-anglo-normand : « Angers Loire Valley, la vie en grand (live large) ». On apprend également que ce résultat a été obtenu après « deux années d’études » dont le coût global n’est pas indiqué... L’idée qu’au lieu de promouvoir la concurrence il faut s’attacher aux collaborations et aux complémentarités n’est évidemment pas abordée par cet honorable fondateur du Club DSK49...

Le dossier intérieur (non signé) consacré à ce dépôt de “marque” est encore plus affligeant. Émaillé de citations (auto-citations ?) du maire, il renvoie en permanence au “struggle for life” du darwinisme “social”. [3] Qu’on en juge : « la concurrence entre les grandes villes est féroce [...] Dans cette “guerre”, l’image tient une place essentielle. [...] Quand plusieurs territoires sont au coude à coude, le choix final se fait bien souvent sur des petits riens. [...] les métropoles françaises et européennes développent des stratégies marketing très poussées afin de mieux se faire connaître [...] Les villes se vendent un peu comme des produits de grande consommation en utilisant des méthodes assez proches en termes de publicité ou de slogans. Qu’on le veuille ou non, c’est ainsi. [...] la compétition entre agglomérations se joue désormais à une échelle internationale. [...] Pour jouer dans la cour des métropoles qui comptent, l’agglomération angevine se devait donc de disposer, elle aussi, de sa marque. [...] Si on ne va pas sur le terrain du marketing territorial, on risque d’être vite dépassé par les agglomérations concurrentes. » etc. Quelques vagues remords affleurent ici ou là mais, insiste-t-on, il n’y a pas moyen de faire autrement. Si nous ne le faisons pas, d’autres salauds le feront à notre place disait déjà un ministre de François Mitterrand... L’essentiel est en effet que les « investisseurs croient en nous, notamment avec la construction de L’Atoll [...] le centre de congrès, le projet tertiaire de Gare+... ». Pour ce faire le titre de la marque devait être en « anglais, langue universelle par excellence ». [4] Et des “parrains” de la “marque” ont été recrutés dans les milieux d’affaires et du spectacle (la plupart de ces derniers n’ayant guère le choix de refuser dans la mesure où leurs activités survivent en partie grâce aux subventions de la ville).

Relevons d’abord l’idéologie productiviste qui est à la base de la phraséologie municipale, complètement contradictoire avec les fondamentaux de l’écologie. La présence d’élus Verts dans l’équipe de Jean-Claude Antonini et les tonitruantes proclamations de principe ne peuvent dissimuler que les actions de la ville en la matière restent limitées, davantage destinées à donner une image écolo qu’à traiter les choses au fond. [5] Ainsi en est-il de “L’Atoll” mis en avant par le dossier “Angers Loire Valley” de “Vivre à Angers”. Ce nouveau grand centre commercial est prétendument construit selon des normes “environnementales”. En réalité, il va drainer des milliers de voitures chaque jour. La municipalité continue donc de promouvoir un modèle de ville centrée sur l’automobile (et la dissipation dans l’atmosphère du dioxyde de carbone issu des énergies fossiles) au lieu de développer le commerce de proximité et les circuits courts. Il est vrai qu’une équipe “socio-écolo” qui n’a pas hésité à importer de Chine le granit qui couvre la place du Ralliement n’en est plus à une contradiction près ! [6] De même “Vivre à Angers” vante le projet d’hôtel et de bureaux pour “Gare+” construit à l’emplacement de la SERNAM (un article spécifique lui est consacré dans le même numéro). Notons encore une fois que la municipalité bazarde le patrimoine industriel et ouvrier de la ville. Quand Nantes valorise les bâtiments des anciens chantiers navals, Angers rase la SERNAM pour mettre à la place de banals mais coûteux buildings de verre et d’acier destinés aux “investisseurs” et autres “décideurs”... L’ancien maire Monnier avait, il est vrai, fait de même avec la fameuse tour à plomb Laumonier peinte par Mérodack-Jeaneau... Mais le plus révélateur dans ce dossier “Angers Loire Valley”, que l’on croirait décidément rédigé par une agence de marketing, c’est que les classes populaires en sont totalement absentes...

Il est en effet déjà loin cet entre-deux-tours des élections municipales de 2008 lorsque Jean-Claude Antonini et ses proches, menacés par la liste de droite de C. Béchu, se souvenaient soudainement de l’existence des quartiers populaires (fortement abstentionnistes au 1er tour) et sollicitaient avec insistance le soutien de la liste 100% à Gauche initiée par la LCR (5% des voix). À l’époque le pourcentage de logements sociaux dans la ville était encore de 34%. Il n’est plus que de 31% aujourd’hui. [7]. Conjuguée avec le recul des revenus salariaux, la crise du logement a encore de beaux jours devant elle ! Quant aux transports publics que la mairie semble résumer au seul tramway inauguré le 25 juin prochain, [8] ils méritent un tout autre développement, et d’abord d’être rendus entièrement gratuits si l’enjeu est vraiment de limiter la circulation automobile et de réduire le budget transports des ménages. C’était l’un des thèmes majeurs de la liste 100% à Gauche en 2008 et il n’a pas pris une ride (voir article correspondant sur le site de la LCR49).

Pour le NPA49, comme pour la LCR49 en 2008, une autre politique municipale est possible. Usage privilégié des cycles d’échanges courts partout où cela est possible, utilisation des terres cultivables voisines pour la culture maraîchère et vivrière de proximité, [9] limitation de la circulation automobile grâce à un développement massif de transports publics gratuits, rénovation complète de la politique d’urbanisme fondée sur le développement du logement social à proximité des services et des lieux de travail [10] sont quelques-uns des axes que nous soumettons au débat. Au lieu de décréter la guerre aux autres métropoles, il faut avec elles développer les coopérations et les complémentarités. Au lieu de se soumettre sans vergogne aux dogmes et à la vulgaire vulgate “globish” des libéraux, il faut créer des pôles de résistance et de mise en réseaux. Pour vivre à Angers, pour y vivre vraiment, il faut dire oui aux services publics, oui à la satisfaction des besoins sociaux, oui à une véritable défense de l’environnement, oui à une autre politique !

Angers n’est pas une marchandise !

5 juin 2011, par NPA Angers

[1] Mercredi 1er juin, le tribunal correctionnel d’Angers a condamné M. Willy Bernard à deux ans de prison avec sursis, interdiction de gestion de société pendant cinq ans, amende de 200 000 € et indemnisation des parties civiles.

[2] La marque a été déposée le 19 avril pour un coût de 150.000 euros selon les dires du Maire dans une interview donnée à Ouest-France le surlendemain. Mais il faut y ajouter le coût de la campagne de “communication” en cours !

[3] Darwin n’est évidemment pas responsable de la transposition libérale aux sociétés humaines, dite “darwinisme social”, de sa théorie sur l’évolution des espèces animales.

[4] Le rédacteur de l’article confond à cette occasion langue de communication, qu’est effectivement devenu l’anglais sous une forme appauvrie, et langue universelle, que n’est pas l’anglais tant qu’il n’est pas parlé par tous !

[5] Le même numéro de “Vivre à Angers” consacre ainsi deux pages à l’île St Aubin, effectivement protégée mais qui n’est justement qu’une île, une page à une interview du Conservateur du Muséum visant à sensibiliser les populations à la biodiversité urbaine, deux pages anecdotiques aux jardins ouvriers (un acquis alors que les terres maraîchères au voisinage de la ville se réduisent ou sont menacées - par exemple par le projet de rocade sud), et une page à la découverte guidée des parcs et jardins. Une article est certes consacré à une réelle action d’Angers-Loire-Métropole : la nouvelle station de dépollution des Baumettes. Mais c’est bien le minimum que l’on peut aujourd’hui attendre des collectivités que de construire des installations HQE répondant aux normes...

[6] cf. Courrier de l’Ouest du 18 mai, page 5. Les conditions de travail des ouvriers chinois et des transporteurs maritimes et routiers ou le bilan carbone de l’opération ne sont sans doute guère entrés en compte dans le choix de cette pierre.

[7] cf. La Tribune d’Angers du 1er juin citant la Direction régionale du Logement (DREAL). Voir aussi l’article que la LCR49 consacrait au logement en 2008.

[8] sur un tracé justement contesté, qui laisse de côté le flux principal des voyageurs vers Belle-Beille au profit d’un prolongement vers Avrillé et l’embranchement autoroutier.

[9] Les projets de nouveaux terrains de golf aux Ponts-de-Cé et à St Sylvain d’Anjou vont évidemment à l’encontre d’une telle orientation. Pour les distractions oiseuses de quelques privilégiés, des terrains seraient mobilisés qui pourraient être valorisés aux profit du plus grand nombre.

[10] Cette proximité peut être le principal levier de développement de la circulation en vélo, qui ne saurait se limiter aux pistes cyclables du centre-ville.