D’Égal à Égales 2013 : début prometteur !

Partager

C’est une salle pleine à craquer (115 participant-e-s en tout après comptage définitif de l’Espace culturel de l’université où se déroulait la soirée) qui a inauguré le festival féministe angevin D’Égal à Égales 2013, avec beaucoup de de femmes et de jeunes qui ne sont pas forcément engagés dans des réseaux militants. La projection du passionnant film D’ÉGAL À ÉGALES de Corinne MÉLIS et Christophe CORDIER, construit autour des portraits de quatre femmes immigrées ou fille d’immigrés engagées dans le syndicalisme et la défense de l’égalité des droits, fut suivie d’un riche débat animé par le réalisateur Christophe Cordier et la géographe Chadia Arab du CNRS. Un premier succès avant les journées de vendredi et samedi !

Avant d’être le nom du festival féministe angevin, D’Égal à Égales est d’abord un film de 2010 réalisé par Corinne Mélis et Christophe Cordier. Ce film restitue quatre portraits de femmes combattantes, syndicalistes, immigrées ou fille d’immigrés. Elles ont pour nom Nora, Dorothée, Keira et Anissa et leurs luttes sont le drapeau de l’émancipation : la leur, individuelle, et celle de leurs camarades, collective.

Face à la dureté des conditions de travail ou à la précarité des salarié-es dans les secteurs du nettoyage, des services aux particuliers et aux entreprises (dont EuroDisney !), où l’on retrouve nombre de femmes issues de l’immigration, les trois premières ont choisi de s’engager, Nora à la CGT ou Keira à l’UNSA. La quatrième, Anissa, est plus traditionnellement venue à l’action syndicale au sein de Solidaires à la SNCF, ayant en mémoire le militantisme de son père, d’origine comorienne, et reprenant le flambeau de sa lutte avec conviction et l’énergie de sa jeunesse.

Militantes dans des milieux fortement marqués par le sexisme ou/et le racisme et/ou le manque de confiance lié à une position sociale subordonnée, confrontées à la violence et au mépris de classe des patrons et de leurs nervis mais aussi à l’arriération idéologique de leurs camarades de travail, les Algériennes Nora et Keira, la Camerounaise Dorothée pulvérisent l’image réactionnaire de “l’immigrée” soumise. Quant à Anissa, elle est le symbole de ce que pourrait être une classe ouvrière sans patrie ni frontières et libérée du poison du sexisme. Dans le film, une situation revient périodiquement : dans une grande salle vide de la vieille Bourse du travail de la rue Château d’eau à Paris, respirant toute l’histoire du mouvement ouvrier, les quatre femmes regardent différentes séquences du film À pas lentes (1977, Collectif Cinélutte) consacré aux ouvrières en lutte de LIP. Ces extraits et leurs propres réactions rappellent que sexisme, racisme et lutte des classes restent depuis trop longtemps fortement imbriqués en dépit de tous les progrès apportés par les luttes féministes et antiracistes (et régulièrement remis en cause par la droite et l’extrême-droite ou par les religieux de toutes obédiences sectaires).

JPEG - 238.5 ko
La géographe Chadia Arab, l’animatrice Catherine Caillé-Coutant et le réalisateur Christophe Cordier.

Cette question de “l’intersectionnalité” ainsi que l’ont nommée des chercheurs anglo-saxons (notamment dans leurs recherches sur les travailleuses noires aux USA) a été un des thèmes principaux du débat qui a suivi la projection du film. En effet, on peut difficilement séparer les oppressions croisées que subissent les femmes pauvres, immigrées ou dont la couleur de peau les font ressentir comme telles. Aussi bien Nora (arrivée en France à l’âge de 4 ans, qui est devenue au terme d’un long processus une cadre de la CGT) que Dorothée (arrivée dans le cadre d’un regroupement familial, devenue femme de ménage pour un sous-traitant d’Eurodisney, qui s’est investie à la tête de ses collègues dans une lutte pour la dignité et a rejeté avec mépris la corruption tentée par la direction) ou Keira (institutrice réfugiée d’une Algérie en proie à la guerre civile et devenue assistante maternelle syndiquée à l’UNSA) ont dû subir des harcèlements durables ou un mépris subreptice pénible en tant qu’ouvrières, en tant que femmes, en tant qu’immigrées. Les luttes qu’elles ont menées furent des luttes contre tout cela à la fois.

Chadia Arab a souligné à ce propos que les femmes immigrées était les premières à subir le temps partiel imposé et les emplois non qualifiés. Beaucoup plus que les hommes immigrés. Beaucoup plus que les autres femmes. Et les ouvrières immigrées sont celles qui sont évidemment dans la situation la plus défavorable. Leur lutte concerne la classe ouvrière toute entière et l’émancipation de l’humanité de toutes les oppressions. Ce qui n’est pas sans rappeler, à l’heure où extrême-droite FN, première droite UMP-UDI et deuxième droite PS font des immigrés les boucs émissaires de la crise capitaliste, que la tâche de la gauche sociale et politique 100% à gauche est bien de retisser les solidarités...

JPEG - 162.4 ko
Une salle attentive et active
22 octobre 2013, par NPA 49