Environ 10.000 personnes ont manifesté à Nantes ce samedi contre la violente intervention policière à Notre-Dame-des-Landes et la vandalisation par les gendarmes des habitations et locaux de la ZAD (“déconstruction” dans la novlangue du gouvernement). La solidarité avec les habitants de la ZAD ne faiblit donc pas ! Notre camarade Bertrand, du NPA44, revient ici sur le fil des événements de cette semaine et en analyse les enjeux.
Les quelques jours que nous venons de vivre à la Zad ne s’expliquent pas simplement. Comme pour beaucoup de batailles politiques, il faut longuement décrire le tableau des forces en présences pour expliquer l’enchaînement soudain des événements. Car plus qu’une bataille militaire, c’est bien d’une bataille politique qu’il s’agit.
Le gouvernement n’avait pas besoin d’évacuer la Zad pour en récupérer les terres : la situation juridique complexe créée par l’abandon du projet d’aéroport laissait un an ou deux pour imaginer des solutions avant le retour des terres réquisitionnées à leur vocation agricole, et le dialogue avait fini par s’entamer entre le mouvement (zadistes compris) et l’État.
Le gouvernement avait besoin de cette opération policière spectaculaire sur la Zad, pour trois raisons politiques :
- D’abord, ne pas laisser une victoire totale aux opposantEs, après une bataille politique de 50 ans ! Tenter de tuer l’espoir qu’a fait naitre la victoire à NDDL. La mobilisation ayant pris une ampleur nationale depuis la tentative d’évacuation de 2012, cette victoire redonne de l’énergie à toutes celles et ceux qui se battent contre la multitude de projets « inutiles et imposés » ; elle démontre que, même réprimée, une mobilisation contre l’État et les multinationales peut être victorieuse.
- Ensuite, ne pas laisser « s’enkyster » (le mot est de Valls) un mouvement. La Zad aurait joué le même rôle militant que le plateau du Larzac, avec cette différence fondamentale : elle est à 20 km de Nantes, une des villes historiquement les plus remuantes de France.
- Enfin et surtout, l’État doit montrer sa force, laver le camouflet policier de 2012 et démontrer qu’il peut intervenir partout. Cette opération policière est donc avant tout une démonstration politique, une opération de communication en somme. C’est un avertissement à tout le mouvement militant, au moment où les facs sont occupées, où les cheminotEs se lancent dans un mouvement périlleux pour le gouvernement.
« Karchériser les opposants »
Si l’on suit cette logique, le gouvernement a intérêt à « karchériser les opposants » (pour reprendre l’expression de Jacques Auxiette, ancien président PS de la région). Ne rien laisser subsister de cette expérience militante hors du commun.
D’où la débauche de moyens policiers (on ne peut employer le mot « militaire » car, s’il y a bien des fusils d’assaut et des blindés sur la Zad, le gouvernement ne peut pas se permettre la mort d’un opposant, comme celle de Rémi Fraisse en 2015).
D’où la main-mise de l’État sur l’espace médiatique : un service de presse de la gendarmerie, renforcé par 200 caméras personnelles, fournit des images choisies aux médias. Les journalistes sont largement dissuadés d’entrer sur la zone, les rédactions télévisées largement muselées.
Cette « option forte » du gouvernement ne tient pourtant pas compte de la profondeur du mouvement de NDDL.
Certes, l’aéroport est abandonné, et beaucoup de soutiens maintenant veulent passer à autre chose : le mouvement a perdu des forces. S’il était aisé de s’unir contre l’aéroport, il est plus difficile de s’unir pour quelque-chose (la Zad et les expériences sociales qui y naissent).
Mais les « zadistes » ne sont pas les « black blocks » nomades que les gouvernements nous présente à travers la mise en scène médiatique de la répression. Ce sont d’abord de jeunes (et moins jeunes) écolos qui aspirent à un autre mode de vie, appelés par des paysans en 2009 à occuper une zone laissée libre. De cette alliance improbable est née une multitude de projets agricoles ou artisanaux. En 10 ans, des liens se sont noués, des projets partis de rien ont grandi. La formidable solidarité populaire de 2012 contre l’évacuation était fondée sur le refus de l’aéroport et le refus d’une répression jugée illégitime contre « les jeunes ». En 2018, la Zad s’est fait largement connaître pour ce qu’elle est : beaucoup connaissent la ferme de Bellevue, le « non-marché » du Gourbi ou la bibliothèque du Talu. Le mouvement a volontairement fait connaître la Zad depuis trois ans, pour contrer l’image de violence véhiculée par les médias et certains zadistes eux-mêmes.
Coup de tonnerre sur « Les 100 Noms »
Les jours précédents, et jusqu’au début de l’intervention, les déclarations sont variées : des appels à l’unité certes, mais aussi des reproches adressés publiquement à certains des zadistes, qui empêchent la réouverture de la fameuse « route des chicanes », offerte au gouvernement par le mouvement, en cadeau de bienvenue, pour ouvrir les négociations et démontrer sa capacité à « gérer » la Zad.
Des reproches publics aussi car la grande majorité des occupantEs refuse de déclarer individuellement leurs projets agricoles, ainsi que l’exige l’État. C’est que cette déclaration individuelle, liée à une parcelle agricole précise, est inappropriée sur la Zad, où les projets sont collectifs, et pas toujours strictement localisés. C’est précisément ce que le mouvement tente de négocier : conserver les caractères collectifs et originaux des projets paysans et artisanaux de la Zad.
ChacunE sur la Zad et autour s’attendait à ce que l’État détruise divers lieux de vie (qu’il appelle « squatt ») sans projet agricole défini, qu’il détruise les habitats des plus radicaux ou des plus précaires, qu’il chasse quelques tentes et caravanes. L’objectif aurait été de diviser les zadistes eux-mêmes, entre celles et ceux qui participent à un projet collectif (paysan ou artisanal) acceptables par le gouvernement, et les autres, plus marginaux ou simple militantEs. On pouvait penser qu’une fois ceux-ci chassés, on pourrait retourner à la table des négociations, et sauver une partie de la Zad.
Cette distinction entre « bons zadistes » (paysans et pacifiques) et « mauvais zadistes » (précaires et provocateurs) est une des querelles internes du mouvement d’opposition, un point faible sur lequel le gouvernement appuie depuis des années.
La fin du premier jour d’intervention policière sera un coup de tonnerre au milieu des lacrymogènes : l’État détruit la Ferme des 100 noms.
C’est des lieux les plus emblématiques de la Zad : une ferme collective, très appréciée des zadistes, une bergerie, un jardin maraîcher qui produit des semences pour les autres lieux, qui nourrit largement alentour, un projet soutenu par les paysans alentour. Un des lieux les plus légitimes aux yeux du mouvement. Cette destruction cristallise aussitôt le mouvement, et semble effacer toutes les divisions de la veille. L’État touche au cœur même du projet de la Zad, et anéantit tout espoir de négociation (« l’État n’a pas de parole ! »).
Bataille dans l’espace médiatique
Les militantEs, aguerriEs par des années de lutte politique, sauront présenter aux médias cette destruction comme elle doit l’être : avec le cœur. Les larmes sont vraies devant les caméras. L’agnelle dans les bras d’une jeune femme est bien mort sous les décombres de la Ferme des 100 noms.
C’est ainsi que le mouvement répond au gouvernement, à cette opération de communication autant que policière. Il perce le brouillard médiatique. L’écho est immédiat : les plus modérés se rallient à la défense de la Zad. Comme en 2012, la légitimité de l’intervention policière bascule un peu du côté de la Zad, cristallise les réactions politiques, et oblige dans les jours suivants chaque organisation, associative, syndicale ou politique à se positionner.
Les 200 habitantEs sont bientôt rejoints par des centaines d’autres militantEs, de tous âges et de toutes sensibilités : environ 700 personnes seraient sur le site actuellement, des milliers d’autres sont attendus dimanche 15 pour une grande manifestation.
L’État a-t-il fait une erreur en détruisant Les 100 noms et d’autres lieux ?
Les opérations d’évacuations sont suspendues.
La Préfète Klein annonce maintenant vouloir rouvrir les « négociations » entamées avec l’ensemble des opposantEs, et fixe au passage un nouvel ultimatum : dans 10 jours, les projets agricoles individuels devront être déposés en préfecture.
Le message semble clair : l’État affirme qu’il a les moyens de détruire la Zad. Les moyens policiers, il les a très certainement. Mais la bataille politique n’est pas terminée.
Bertrand Achel, Nantes, le 13 avril
Crédit photo : ATTAC sur Twitter
infos pratiques pour le dimanche 15 avril sur la Zad :
Le rendez-vous est à partir de 12h sur le Chemin de Suez (voir la carte ci-dessous), à l’écart des zones d’affrontements.
Cette manifestation ne sera pas un défilé classique : il est impossible de donner des indications précises pour un lieu de rendez-vous. Il faudra rouler vers la Zad, et continuer à pieds. Prévoir d’emporter des papiers pour les contrôles, des bottes ou des chaussures de marche, des lampes de poches (pour le retour, qui peut être long) de la nourriture et de quoi boire. Les militantEs préféreront les pancartes aux drapeaux.
De nombreuses infos pratiques sont présentées sur http://zad.nadir.org.
Indispensable, le plan de la Zad à imprimer : https://zad.nadir.org/IMG/pdf/zad-situation-2016-juillet.pdf
Lire également une analyse de Ouest-France, inhabituellement critique vis-à-vis de l’agression policière : ANALYSE. L’expulsion de la Zad de Notre-Dame-des-Landes vire au fiasco
- mardi 14 mai : grève dans l’Éducation nationale contre la politique du « choc des savoirs » à l’appel de l’intersyndicale FSU-FO-SUD-CGT-CNT-FCPE
- mercredi 15 mai à 15h : Rassemblement devant la DSDEN à Angers (Cité administrative, rue Dupetit-Thouars) à l’appel de l’intersyndicale FSU-FO-SUD-CGT-CNT-FCPE de l’Éducation nationale.
- jeudi 16 mai de 18h à 22h : “Conférence Culture de guerre ou culture de paix ?” organisée par Société des Lectrices et Lecteurs de
L’Humanité, CGT, Mouvement de la Paix, Espaces Marx Anjou, Libre Pensée, Attac, FSU, MNLE. Bourse du Travail d’Angers (Pelloutier).
- samedi 20 mai à 15h : manifestation pour un cessez-le-feu à Gaza à l’appel de l’AFPS49 et d’un collectif d’organisations (dont le NPA49). Place du Ralliement à Angers.
- samedi 1er juin à 14h : manifestation à Angers pour un Avenir solidaire et contre l’extrême droite initié par la LDH49.
- samedi 8 juin : cyclo-manif contre la nouvelle zone Océane 3 - Angers/St Sylvain, à l’appel des Soulèvements de la terre-49
- Voir aussi Alter49.org, l’agenda alternatif 49, et Le Cercle 49.
Pour la deuxième fois de la semaine, un rassemblement pour un cessez-le-feu à Gaza et dénonçant l’attaque de l’armée israélienne commencée à Rafah s’est tenu vendredi 10 mai sur la place du Ralliement à Angers. Appelé dans la journée par un groupe d’étudiant·e·s, en plein milieu du pont de l’Ascension, mais relayé in extremis par l’AFPS49, il a tout de même réuni environ 150 personnes. Comme lors de la manifestation du lundi 7 mai (voir ICI), une ronde a été organisée pendant que la foule scandait des slogans pour une Palestine libérée de l’occupation et de la guerre. La mobilisation ne s’éteindra pas. Solidarité avec le peuple palestinien !
Après la censure liberticide par la nouvelle présidente de l’Université d’Angers de la conférence que devait donner au Qu4tre (centre culturel de l’Université d’Angers) l’historienne Ludivine Bantigny (lire ICI), celle-là a dû se tenir dans deux salles communicantes de la Bourse du travail d’Angers. Tout le monde n’a pas pu rentrer ! Nul doute que le scandale de l’interdiction a favorisé cette affluence. Pour autant, la gravité du sujet de la conférence, la montée du fascisme dans un cadre d’ensauvagement du capitalisme et de son personnel politique, les moyens d’y résister et de construire un autre monde à partir d’une démocratie radicale, suffisait à l’expliquer. Contre le fascisme, unissons-nous !
Vendredi 8 mars 2024, la journée internationale pour les droits des femmes a été célébrée à Angers par plusieurs initiatives militantes. La CGT avait fait son propre village féministe, rue Lenepveu de 12h à 14h. Le collectif du 8 mars qui regroupe le Planning familial, le collectif Lucioles, Aides, Les Collages féministes, Youth for climate, Attac et les syndicats FSU et Solidaires, organisait une Fête foraine féministe au Ralliement à partir de 15h40 (début de la grève féministe) et une manifestation à 18h, après une prestation de la chorale féministe. Le temps n’était malheureusement pas de la partie mais ce sont néanmoins près de 500 personnes qui ont ensuite défilé sous la pluie, notamment pour se réjouir de la constitutionnalisation du droit à l’IVG (mais surtout pour exiger que ce droit théorique le soit en pratique), contre les violences générées par l’idéologie patriarcale et pour l’égalité salariale.
Visiblement furieuse après la constitutionnalisation le 4 mars de « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une IVG », la radio catholique RCF-Anjou remet le couvert contre le droit des femmes à disposer de leur propre corps. Après les chroniques ineptes du doyen de théologie de l’UCO (cf. celle du 24/01) et de divers intervenants, c’est à « Alliance VITA » que RCF donne la parole le 5 mars, dès le lendemain du vote (voir ici). Cette association intégriste a été fondée en 1993 par Christine Boutin et une de ses figures de proue est Tugdual Derville. Elle assimile foetus et nouveaux-nés pour justifier son discours anti-IVG agressif et s’oppose activement au mariage homosexuel et à la PMA. On se rappelle aussi qu’en défense de « La Manif pour Tous » Derville avait été invité par l’UCO et qu’à cette occasion ses gros bras avaient molesté des étudiant·e·s contestataires... Rien de bien « modéré », donc, mais cela ne décourage pas RCF. Dernièrement, le 21/02, la radio donnait également la parole à la zemmourienne Marion Maréchal-Le Pen pour dénoncer les prises de position humanistes du pape sur l’immigration. L’extrême droite angevine s’infiltre décidément partout... Vigilance !
À lire : le mouvement de solidarité belge avec l’Ukraine vient de publier une importante interview de l’Atelier féministe ukrainien dans laquelle Alla et Yarina donnent leur point de vue sur
- La situation en Ukraine
- Le féminisme ukrainien
- La Russie et son opposition, notamment sur les féministes russes
- Leurs perspectives