Mardi 2 avril à Angers, la conférence d’Ugo Palheta autour de son livre « La possibilité du fascisme. France : trajectoire du désastre » paru aux éditions La Découverte (et que nous avions présenté ici) a été un franc succès ; une centaine de personnes y ont participé, ainsi qu’au débat qui a suivi. Cette réunion publique était organisée par le Réseau antifasciste angevin (RAAF), Alternative libertaire (AL49) le le NPA49. Compte-rendu...
Ugo Palheta a commencé sa conférence en exposant ce qui l’a poussé à écrire son livre : une situation inquiétante, avec un gouvernement néolibéral aux commandes et un paysage politique réduit à l’opposition entre un soi-disant « progressisme » (macroniste) et un soi-disant populisme (lepéniste). Le danger des années à venir est ainsi dessiné : la fausse alternative entre les extrémistes du centre et de droite qui peut conduire à la victoire des derniers. L’exemple du Brésil nous avertit : contre toute attente, alors que cela semblait impossible 6 mois auparavant, Bolsonaro a pu être élu avec un projet de type fasciste. Or, le Brésil est la 1ère puissance économique d’Amérique latine… La même désolation règne en Inde ou en Israël. Et il faut évidemment évoquer la dérive autoritaire d’Erdogan, Trump aux USA, Poutine en Russie. En Europe, l’extrême droite est déjà au gouvernement en Italie Autriche Hongrie...
En France, l’instrumentalisation par les partis institutionnels de la carte du vote « anti extrême droite » s’affaiblit peu à peu, comme l’ont montré les scores respectifs de Chirac en 2002 et de Macron en 2017. On risque le pire, bien plus qu’il y a 30 ans. L’extrême droite a progressé aux élections et les intellectuels fascistes comme Renaud Camus ou Zemmour ont une audience de masse. La présence de Le Pen s’est banalisée dans les médias et l’imminence d’un danger fasciste n’est pas vraiment perçue comme crédible. La possibilité d’une arrivée au pouvoir du FN/RN est rarement prise au sérieux. En 2002. Jean-Marie Le Pen avait selon certains atteint le plafond de verre du FN. Or, sa fille a obtenu le double en pourcentage en 2017. Il faut affronter cette présence ; créer une alternative. La première chose à faire est d’empêcher localement la construction des organisations fascistes. Cela reste fondamental si l’on veut préserver les activités démocratiques et sociales. Mais cela ne suffit pas car leur progression électorale ne repose pas que sur leurs militants, loin de là.
Éléments d’analyse : le fascisme d’aujourd’hui.
Comment définir le fascisme ? Soit on adopte une définition très large. Ce n’est pas très rigoureux. Soit on le renvoie à l’entre-deux guerres. Or, au-delà des évolutions historiques, le cœur du projet reste le même. L’économie n’est pas centrale pour les fascistes, même s’ils défendent mordicus la propriété privée. Ainsi, après le néolibéralisme reaganien de Jean-Marie Le Pen, sa fille le rejette formellement. Leur vraie particularité est un nationalisme excluant. Ce qu’ils prônent est la régénération par la « purification », l’élimination de ce qui éloigne la nation de son « essence » fantasmée et de tout ce qui la divise : le mouvement ouvrier, les « immigrés » (même avec une carte d’identité française). Ce qui les anime est un fantasme d’unanimisme politique.
C’est pourquoi ils doivent être distingués de personnalités peu démocratiques telles que Sarkozy et Macron. Les pratiques de ces derniers sont autoritaires mais ils n’ont pas le même projet.
Comment, après les expériences désastreuses du passé, le projet fasciste peut-il avoir retrouvé une audience ?
- Par une logique de dissimulation : contrôle du discours de façon à le rendre présentable. Exemple du « grand remplacement » de Renaud Camus et Zemmour présenté par le FN sous une forme généralement soft.
- L’existence d’une crise économique durable. Mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante.
- Il faut aussi une crise d’hégémonie de la classe dominante. À cet égard, la France est un cas d’école. Les partis institutionnels y ont tous dégradé les conditions de vie au risque de perdre toute crédibilité. La même chose peut être dite à propos du Brésil ou les grands propriétaires ont fini par se rallier à Bolsonaro.
- La crise des gauches est enfin un facteur critique. Or, la gauche n’a jamais été aussi faible en Europe. Exemple de la France ou de l’Italie.
À l’origine de la crise d’hégémonie, il y a les politiques néolibérales développées depuis les années 1980. Leur but, le rétablissement du profit et la domination dans les entreprises, a été largement rempli. Mais au prix d’une perte de légitimité politique. Plus personne ne croit aux discours du ruissellement.
Aujourd’hui, existent deux facteurs aggravants :
- Le recours à la matraque. Le tournant autoritaire est rendu nécessaire pour le pouvoir afin de continuer ses réformes néolibérales. Si les gilets jaunes avaient été 10 fois plus nombreux, ce pouvoir aurait-il appliqué les méthodes de Luc Ferry et tiré à balles réelles ? Méthodes de guerre. La bourgeoisie se débarrasse peu à peu de la démocratie formelle. Le FN est celui qui va le plus loin dans cette direction et c’est lui qui en bénéficie politiquement, avant d’en bénéficier s’il parvient au pouvoir.
- Les questions identitaires. Tous les gouvernements depuis 30 ans ont tenté de jouer la carte nationaliste et de faire ainsi dériver les colères. Exemple des discours anti-Roms de Sarkozy et Valls. Là aussi, c’est le FN/RN qui rafle la mise car il est ainsi légitimé et banalisé.
Maintenant, au-delà de ce qui a déjà été évoqué (empêcher les implantations locales et créer une alternative politique), qu’est-ce qu’on fait ?
Différentes interventions et questions ont fusé de la salle : rôle des médias, « Front républicain », dimension « darwiniste sociale » du néolibéralisme, antisémitisme et racisme comme « Socialisme des imbéciles » (A. Bebel), « réconciliation » du capital et du travail comme cœur du fascisme, contradiction entre le nationalisme et le caractère mondial des problèmes écologiques, relative absence de la question féministe dans le livre d’Ugo Palheta. Il y a également eu une intervention alertant contre la prochaine expulsion d’un réfugié soudanais, ce qui, compte tenu de la nature de la dictature soudanaise, reviendrait à sa condamnation à mort.
Réponses :
- Le fascisme est présent dans notre horizon mais il est déjà là sous certains aspects d’exception (migrants, quartiers...) par l’action étatique et le consentement des gens.
- « réconciliation » capital-travail : destruction du syndicalisme. Thèse de Sternhell : nationalisation du social et socialisation du national. Il y a eu un fascisme très puissant en France (Boulanger, 1930... antisémitisme endémique...)
- Rôle des médias : les fascistes veulent l’oreille des masses. Utilisation intensive de la propagande. Medias d’extrême droite et complaisance des médias mainstreams (dépolitisation).
- Front républicain : non ! Sur le moment, tactique électorale. Mais à long terme cela sert l’extrême droite ("anti-système"). Perte de crédibilité. Construire un front mais avec un périmètre cohérent.
- Au niveau mondial, vague de contestation du capitalisme. Chez les gilets jaunes, rejet de la caste politique mais extrême modération des revendications. Rien sur le pouvoir économique. Quel au-delà du capitalisme ?
- Écologie : argumenter parce que si les grands courants fascistes sont carbo-productivistes, certains cherchent à construire un discours écofasciste (exemple du FN et des circuits courts).
- Féminisme : faiblesse de mon livre. Attaques contre les droits des femmes moins visibles avec Marine Le Pen qui cible les musulmans. Mais c’est une question centrale au Brésil, etc. Le fascisme se développe aussi en réaction aux progrès des luttes féministes.
- du vendredi 24 au dimanche 26 mars : mobilisation dans le Poitou pour la défense de l’eau à l’appel de Bassines Non Merci et des Soulèvements de la Terre. Le 24 : arrivée de tracteurs de toute la France et, le soir, Forum international sur la défense de l’eau avec des délégations de différents pays et continents. Le 25 à 10h : manifestation « Fin de chantier » et, le soir, concerts, banquets et festivités à Melle (79500). Le 26 : assemblées, tables rondes, cantines, balades naturalistes, concerts…
- samedi 25 mars de 16h00 à minuit : Fête de Lutte Ouvrière, Salle Aragon, 1 rue Joseph Bara, Trélazé (arrêt Malaquais du bus n°2).
- mardi 28 mars : grève contre la “réforme” des retraites à l’appel de l’Intersyndicale. Manifestations à 10h à Cholet (pl. Travot) et Segré (pl. du port) ; à 14h à Angers (pl. Leclerc) et Saumur (pl. Bilange).
- mercredi 29 mars à 19h : concert de solidarité avec les grévistes, salle Emstal aux Ponts-de-Cé, organisé par LFI.
- samedi 1er avril à partir de 14h30 : “Huit heures pour la Palestine” au centre Marcelle Menet à Angers.
- dimanche 2 avril après-midi : “Un autre monde est nécessaire”, initiative du Cercle 49 dans la grande salle du centre Jacques Tati de Belle-Beille (Angers). Projection du film Rosmerta.
- Voir aussi Alter49.org, l’agenda alternatif 49, et Le Cercle 49.
En août 1940, Léon Trotsky, devenu l’ennemi juré de Staline, est assassiné à Mexico par l’Espagnol Ramón Mercader. Dans un documentaire à la mécanique de thriller, « Trotsky, un homme à abattre », Marie Brunet-Debaines (réalisatrice de “L’Ombre de Staline” (2013), “Antoine de Saint-Exupéry, le dernier romantique” (2016), “John Huston, une âme libre”, etc.) revient sur cette incroyable opération commanditée directement par Staline. Elle entraîne le spectateur dans un véritable thriller historique, nourri d’images tournées dans le Mexico d’aujourd’hui, d’archives choisies et de scènes de fiction. Son film diffusé sur Arte.tv - qui par ailleurs ne prétend pas développer une analyse politique approfondie - s’appuie sur une solide documentation, puisée, entre autres, dans les souvenirs publiés par Jean van Heijenoort, secrétaire et traducteur de Trotsky de 1932 à 1939. Cette enquête haletante éclaire aussi les dernières années, intimes et politiques, de l’un des artisans majeurs de la révolution bolchevik, qui paya de sa vie son opposition à Staline.
Le 17 septembre 2022, l’ONG socialiste ukrainienne Sotsialny Rukh (SR – Mouvement Social) tenait sa conférence nationale à Kyiv. Catherine Samary revient (ICI) sur cette conférence nationale dans une longue analyse publiée sur le site de la 4e Internationale. Loin de se contenter d’un simple compte-rendu factuel et ponctuel, Catherine Samary entend éclairer ce qu’est le profil spécifique de cette jeune gauche, à partir de sa pratique militante au cœur de la société ukrainienne et en rupture avec les grandes interprétations contradictoires dominantes de « l’Euro-Maidan » (2013-2014) qui divisent la gauche et sont exploitées par Poutine.
Figure marquante de la Quatrième internationale et de mai 68, porte parole pendant trois décennies de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), député européen, Alain Krivine, c’est l’histoire d’une trajectoire qui a croisé les grands événements de l’Histoire du XXe siècle. Sans jamais renoncer à son idéal révolutionnaire de jeunesse, il n’a cessé de se battre, jusqu’à la création du NPA. À travers les récits de ses anciens camarades tels que Edwy Plenel, Michel Field, Romain Goupil, mais aussi Arlette Laguiller, Olivier Besancenot et Ariane Chemin, se dessine dans un documentaire de Jeanne Lefèvre, “Alain Krivine : une vie en rouge”, le portrait d’un éternel militant, qui a toujours su s’adapter aux changements du monde. On peut cependant regretter l’absence dans le film de maints combats de la LCR et d’Alain, qu’ils soient internationalistes (soutiens à la Charte 77 en Tchécoslovaquie, au premier Solidarnosc en Pologne, lutte contre les guerres en Palestine, au Liban ou en Irak, etc.) ou sociétaux (féminisme ou lutte des sans-papiers à peine évoquées, écologie, etc.). À voir sur LCP et sur Dailymotion !
Alors que les effets du désastre climatique deviennent chaque jour plus évidents, qu’une gigantesque crise multiforme se précise, la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine trouve les gauches européennes divisées, souvent paralysées, presque toujours désorientées. Ainsi Alain Bihr et Yannis Thanassekos ont-ils publié un texte des plus discutable sur le site de la revue Contretemps, sous le titre « La guerre en Ukraine, le récit dominant et la gauche anti-impérialiste ». Des camarades ont souhaité y répondre dans la même revue pour exprimer d’importants désaccords et affirmer la nécessité de soutenir le peuple ukrainien face à l’agression impérialiste de la Russie de Poutine. Ce texte, intitulé ironiquement « Une gauche enrôlée dans une croisade antirusse sous la bannière étoilée ? », est signé par Sébastien Abbet, Daniel Bonnard, Geneviève de Rham, Alain Gonthier, Denys Gorbach, Robert Lochhead, Elisa Moros, Hanna Perekhoda, Philipp Schmid, Giuseppe Sergi, Daniel Tanuro, Jean Vogel et Christian Zeller.
Élaboré collectivement par des militant.e.s des cinq continents de la Commission écologie de la IVe Internationale pour analyser la crise climatique et environnementale du capitalisme et proposer une alternative écosocialiste, le dernier numéro (n°661) de la revue Inprecor constitue un document programmatique essentiel, de la taille d’un livre. Intitulé “La Destruction capitaliste de l’environnement et l’alternative écosocialiste”, ce manifeste de l’écosocialisme revient successivement sur l’accélération de la destruction de l’environnement et ses conséquences dramatiques pour l’humanité et la nature, la crise écologique en tant que résultat d’un capitalisme intrinsèquement productiviste, l’alternative écosocialiste à construire autour de revendications transitoires radicales, les débats en cours, l’issue révolutionnaire nécessaire. À lire absolument. On peut le commander à la librairie La Brèche ou le demander aux militant.e.s du NPA49.