Loi Fioraso : la LRU 2.0 doit être mise en échec

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C’est dans l’indifférence médiatique que la loi Fioraso a été votée au Sénat le 22 juin, devant une vingtaine de Sénateurs présents. [5] Elle a recueilli les votes du PS, d’une partie de la droite (UDI) et du groupe EELV, alors même que le groupe EELV de l’Assemblée nationale avait voté contre. De plus, les sénateurs EELV ont fait adopter un amendement qui, dans les circonstances actuelles et sans aucune mesure parallèle, conduirait inéluctablement à instituer un recrutement purement local, voire mandarinal, des enseignants-chercheurs et à la fin de leur statut national. [6]

Au-delà de cet amendement qui suscite aujourd’hui la colère d’une grande partie de la communauté universitaire, [7] même s’il impose paradoxalement le retour de la loi en commission mixte parlementaire, [8] c’est toute la loi Fioraso, surnommée à juste titre "LRU 2.0", qui doit être rejetée.

En effet, cette loi ne fait pas que pérenniser les lois antérieures de la droite, dont le pacte recherche et la loi LRU, ce qui la rend d’emblée condamnable. Elle vise aussi à la mutualisation des moyens entre universités d’un même "territoire" et donc à la suppression de filières dans chaque université de ce "territoire". Elle entend de surcroît transformer chaque université en entreprise qui dégagerait des moyens propres en vendant au prix fort ses formations (aux étudiants étrangers ou en reprise d’études, pour commencer) et en "transférant" vers le privé les résultats d’une recherche publique entièrement soumise aux injonctions de l’État "stratège" et aux intérêts à court terme des capitalistes. Inspirée par une idéologie ultra libérale, marchande et utilitariste de l’université, la loi Fioraso est une nouvelle arme de destruction massive du service public national d’enseignement supérieur et de recherche, dans la droite ligne de la loi LRU de Sarkozy et Pécresse.

Le vote de la loi Fioraso, quelle que soit sa forme définitive après passage en commission mixte du Sénat et de l’assemblée, ne signifie pas que le combat contre la marchandisation de l’université va s’interrompre. La mobilisation contre la loi LRU avait connu ses moments les plus forts bien après le vote de la loi, en 2007 et 2009 notamment.

La rentrée universitaire va être également marquée par une pénurie budgétaire sans précédent : les suppressions de postes continuent, les moyens pour le fonctionnement sont en chute libre. L’austérité dans l’enseignement supérieur et la recherche entraîne une dégradation violente des conditions de travail des personnels comme des conditions d’études des étudiants.

La mobilisation contre la loi "LRU 2.0" de Fioraso et l’austérité ne fait que commencer. A nous, étudiant-e-s et personnels des universités et des labos, d’organiser la riposte dès la rentrée universitaire !

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24 juin 2013, par NPA 49

[1] Officiellement, la loi a été votée par par 172 voix contre 157. Mais seuls quelques sénateurs et sénatrices porteurs des voix de leur groupe étaient présents

[2] On lira à ce propos une réflexion intéressante de Bernard Friot, Université Paris Ouest Nanterre, IDHE-CNRS, Institut européen du salariat (ies-salariat.org) du 24 juin : « À propos de la tentative de suppression de la qualification dans l’enseignement supérieur au nom de la valorisation du doctorat »
-  Le doctorat est un diplôme et le diplôme ne vaut pas salaire. Le diplôme est de l’ordre de la certification et nous situe du côté de l’utilité sociale du travail. Le salaire est de l’ordre de la qualification et nous situe du côté de l’évaluation de la valeur économique du travail. Or la qualification relève de deux procédures contradictoires qui sont aujourd’hui l’enjeu d’un affrontement décisif.
-  Soit c’est le poste de travail qui est qualifié (comme dans les conventions collectives) et on est sur le marché de l’emploi avec des employeurs qui pratiquent le chantage à l’emploi : c’est l’emploi qui est payé et entre deux emplois on est au chômage.
-  Soit c’est la personne même qui est qualifiée, il n’y a pas de marché du travail, pas d’employeur et pas de chômage : c’est la grande conquête du statut de la fonction publique d’Etat avec Thorez en 1946 (dans la fonction publique territoriale, hélas les maires sont des employeurs). L’attribution de la qualification à la personne, c’est le grade : un fonctionnaire est payé pour son grade et non pas pour son poste. Dans la fonction publique d’Etat, le grade s’obtient par concours national. Ainsi, dans l’enseignement, l’agrégation (du secondaire ou du supérieur), le capes, le concours de professeur des écoles, ou alors une procédure en deux temps dont le premier est national (CNU) avant l’épreuve locale (comité de sélection).
-  Les réformateurs (le trio PS, CFDT, EELV en est la variante de gauche, et n’oublions pas le trio Medef, UMP-UDI, FN qui en est la variante de droite) veulent en finir avec la fonction publique d’État. Pour affirmer “l’emploi public” contre la fonction publique et faire des enseignants des cadres évoluant sur un marché du travail avec des employeurs et du chômage, il faut exalter le diplôme (qui ne qualifie pas, il certifie) et marginaliser le concours pour en finir avec le grade tout en transformant les chefs d’établissement en employeurs.
-  C’est tout l’enjeu de la LRU/loi Fioraso : confier la masse salariale aux présidents, donner au CA croupion de la présidence le dernier mot en matière de recrutement, et autant que possible marginaliser le CNU et faire des CS des organes donnant des avis à la présidence. La première mouture de la LRU prévoyait de faire du CNU un simple organe consultatif, il a fallu la grande grève de 2009 pour rétablir son caractère délibératif, mais les réformateurs n’abandonnent jamais et tentent à nouveau leur coup de force contre le concours fondateur du grade, donc contre le CNU, au nom (bien sûr) de la “valorisation du doctorat” .
-  Il se passe la même chose avec la mastérisation qui prépare la marginalisation du capes et de l’agreg dans le secondaire.
-  Les enseignants sont la composante principale de la fonction publique d’Etat. Faire sauter les concours d’enseignement fondateurs du grade des enseignants, leur substituer le couple diplôme/entretien d’embauche sur un emploi, est l’enjeu essentiel des réformateurs. S’ils gagnent, il y aura du souci à se faire pour la fonction publique et ce qu’elle représente comme subversion du marché du travail et affirmation du salaire à vie, une anticipation émancipatrice qui pourrait être, si nous la promouvions pour tous les salariés, l’anticipation du salaire à vie pour tous et, pour tous, de la disparition des employeurs. Nos adversaires, eux, n’arrêtent jamais de mener la lutte de classes.

[3] Une pétition contre l’amendement a recueilli les signatures de 10.000 universitaires en 24h et les signatures continuent à affluer !

[4] En effet, la loi Fioraso a été votée selon la très antidémocratique "procédure accélérée". Si elle avait été rejetée au Sénat, elle aurait été automatiquement adoptée dans les termes votés à l’Assemblée nationale. En la votant dans des termes différents de ceux de leurs collègues député-e-s, les sénateurs et sénatrices provoquent le retour du texte en commission "paritaire" Assemblée/Sénat (commission de 16 membres PS-droite-EELV qui se mettra d’accord sur les termes définitifs de la loi.)

[5] Officiellement, la loi a été votée par par 172 voix contre 157. Mais seuls quelques sénateurs et sénatrices porteurs des voix de leur groupe étaient présents

[6] On lira à ce propos une réflexion intéressante de Bernard Friot, Université Paris Ouest Nanterre, IDHE-CNRS, Institut européen du salariat (ies-salariat.org) du 24 juin : « À propos de la tentative de suppression de la qualification dans l’enseignement supérieur au nom de la valorisation du doctorat »
-  Le doctorat est un diplôme et le diplôme ne vaut pas salaire. Le diplôme est de l’ordre de la certification et nous situe du côté de l’utilité sociale du travail. Le salaire est de l’ordre de la qualification et nous situe du côté de l’évaluation de la valeur économique du travail. Or la qualification relève de deux procédures contradictoires qui sont aujourd’hui l’enjeu d’un affrontement décisif.
-  Soit c’est le poste de travail qui est qualifié (comme dans les conventions collectives) et on est sur le marché de l’emploi avec des employeurs qui pratiquent le chantage à l’emploi : c’est l’emploi qui est payé et entre deux emplois on est au chômage.
-  Soit c’est la personne même qui est qualifiée, il n’y a pas de marché du travail, pas d’employeur et pas de chômage : c’est la grande conquête du statut de la fonction publique d’Etat avec Thorez en 1946 (dans la fonction publique territoriale, hélas les maires sont des employeurs). L’attribution de la qualification à la personne, c’est le grade : un fonctionnaire est payé pour son grade et non pas pour son poste. Dans la fonction publique d’Etat, le grade s’obtient par concours national. Ainsi, dans l’enseignement, l’agrégation (du secondaire ou du supérieur), le capes, le concours de professeur des écoles, ou alors une procédure en deux temps dont le premier est national (CNU) avant l’épreuve locale (comité de sélection).
-  Les réformateurs (le trio PS, CFDT, EELV en est la variante de gauche, et n’oublions pas le trio Medef, UMP-UDI, FN qui en est la variante de droite) veulent en finir avec la fonction publique d’État. Pour affirmer “l’emploi public” contre la fonction publique et faire des enseignants des cadres évoluant sur un marché du travail avec des employeurs et du chômage, il faut exalter le diplôme (qui ne qualifie pas, il certifie) et marginaliser le concours pour en finir avec le grade tout en transformant les chefs d’établissement en employeurs.
-  C’est tout l’enjeu de la LRU/loi Fioraso : confier la masse salariale aux présidents, donner au CA croupion de la présidence le dernier mot en matière de recrutement, et autant que possible marginaliser le CNU et faire des CS des organes donnant des avis à la présidence. La première mouture de la LRU prévoyait de faire du CNU un simple organe consultatif, il a fallu la grande grève de 2009 pour rétablir son caractère délibératif, mais les réformateurs n’abandonnent jamais et tentent à nouveau leur coup de force contre le concours fondateur du grade, donc contre le CNU, au nom (bien sûr) de la “valorisation du doctorat” .
-  Il se passe la même chose avec la mastérisation qui prépare la marginalisation du capes et de l’agreg dans le secondaire.
-  Les enseignants sont la composante principale de la fonction publique d’Etat. Faire sauter les concours d’enseignement fondateurs du grade des enseignants, leur substituer le couple diplôme/entretien d’embauche sur un emploi, est l’enjeu essentiel des réformateurs. S’ils gagnent, il y aura du souci à se faire pour la fonction publique et ce qu’elle représente comme subversion du marché du travail et affirmation du salaire à vie, une anticipation émancipatrice qui pourrait être, si nous la promouvions pour tous les salariés, l’anticipation du salaire à vie pour tous et, pour tous, de la disparition des employeurs. Nos adversaires, eux, n’arrêtent jamais de mener la lutte de classes.

[7] Une pétition contre l’amendement a recueilli les signatures de 10.000 universitaires en 24h et les signatures continuent à affluer !

[8] En effet, la loi Fioraso a été votée selon la très antidémocratique "procédure accélérée". Si elle avait été rejetée au Sénat, elle aurait été automatiquement adoptée dans les termes votés à l’Assemblée nationale. En la votant dans des termes différents de ceux de leurs collègues député-e-s, les sénateurs et sénatrices provoquent le retour du texte en commission "paritaire" Assemblée/Sénat (commission de 16 membres PS-droite-EELV qui se mettra d’accord sur les termes définitifs de la loi.)