Macron : faible avec les forts, fort avec les faibles

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Macron est bien minoritaire, que ce soit dans l’opinion ou dans le cadre des institutions, ce qui l’oblige constamment à passer en force. Pourtant ce pouvoir voudrait faire oublier cette situation en saturant l’espace politique pour mettre en œuvre ses mesures les plus réactionnaires…

Macron fait mine de donner son avis peu éclairé sur tout et n’importe quoi. Ainsi vient-il de se prendre une volée de bois vert de la part de féministes après sa prise de position, inspirée par la droite et l’extrême droite, contre l’écriture inclusive. [1]

Bien plus gravement, Macron veut se montrer omniprésent sur les questions internationales, au point de se ridiculiser en faisant en deux jours des propositions contradictoires sur le conflit israélo-palestinien. Des manières symptomatiques d’un profond mépris pour les mort·e·s, aussi bien israélien·ne·s que palestinien·ne·s, écrasé·e·s sous les bombes, sous pression du blocus israélien qui décime Gaza.

Leur République des « mis-en-examen »

Macron se veut tout-puissant pour pouvoir maintenir au pouvoir, envers et contre tout, celles et ceux qui s’estiment au-dessus du droit commun, comme son actuel ministre de la Justice. Dans la série des inédits, Dupond-Moretti est le premier ministre jugé en tant que ministre… alors qu’il est toujours en fonction ! Cet ancien avocat a fait son nom et sa fortune (se vantant même d’avoir divisé ses revenus par 14 en devenant ministre) en défendant n’importe quel accusé du moment que le procès médiatisé pouvait le mettre sous le feu des projecteurs. Une fois devenu ministre, il lui est reproché d’avoir utilisé sa fonction pour attaquer des magistrats qu’il avait précédemment trouvés sur son chemin…

Cela lui vaut donc aujourd’hui de se retrouver pour « conflits d’intérêts » devant une cour de justice spéciale. « Emmanuel Macron le garde parce que tout le monde est mis en examen désormais, tout le monde est visé par des enquêtes », résume le conseiller de l’ombre du chef de l’État, Thierry Solère, lui-même multi-mis en examen… La bienveillance de Macron est en fait un blanc-seing donné à celui qui a montré à chaque occasion sa plus grande fermeté contre les jeunes révolté·e·s après le meurtre de Nahel en juillet, mais aussi contre leurs familles, ou contre les abayas menaçant prétendument la laïcité en septembre.

Surenchères à droite et à l’extrême droite

Affaibli dans les institutions, Macron veut contourner les débats politiques de l’Assemblée nationale où il est minoritaire. [2] Il a ainsi convoqué mi-novembre les représentants de partis politiques dans un lieu bien symbolique, l’ancienne abbaye des rois à Saint-Denis… au cœur de la Seine-Saint-Denis, département qui concentre les plus fortes inégalités sociales. Un endroit où il ne peut se déplacer qu’en saturant l’espace public de forces policières pour se protéger de la population ! Il y convoque les partis politiques institutionnels pour discuter de l’éventualité de référendums sur des « projets de lois relevant de questions sociétales » mais aussi « de réformes plus larges touchant plusieurs aspects intriqués entre eux, comme c’est le cas des questions migratoires qui relèvent de sujets régaliens, économiques, sociaux ou même diplomatiques ».

Derrière ce charabia grandiloquent, il n’est évidemment pas question de nouveaux droits sociaux ou démocratiques. Personne n’a oublié le refus de tout référendum sur les retraites, cela alors que les trois quarts de la population étaient pourtant opposés à sa contre-réforme... En réalité, l’objectif est essentiellement de sonder la droite LR sur ce que le gouvernement pourrait leur lâcher pour faire passer le projet de loi de Darmanin sur l’immigration. Un projet de loi qui s’inscrit dans une surenchère nauséabonde entre la droite – macroniste ou LR – et l’extrême droite de Le Pen : contre les migrant·e·s qui voudraient venir en France, mais aussi contre toutes les personnes qui vivent et travaillent déjà ici, avec ou sans titre de séjour, considérées pourtant comme « étrangères », des menaces dont il faudrait se « protéger »...

Construire la mobilisation contre la loi Darmanin, contre la fuite en avant réactionnaire, contre la toute-puissance autoritaire du macronisme, est un des enjeux de ces prochaines semaines.

7 novembre 2023, par NPA 49

[1] « En français, le masculin fait l’homme, le dominant, il ne “fait pas le neutre” » : la tribune de 130 féministes en réponse à Macron (Le Monde du 07/11/2023).

[2] Il semble que le modèle Macron fasse hélas école dans les États autoritaires en Europe. Ainsi le président polonais ultra-réactionnaire Andrzej Duda vient-il de reconduire premier ministre Mateusz Morawiecki, du PIS, parti national-catholique qui a pourtant perdu la majorité à l’assemblée !