Violence et Révolution

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Un exposé d’un militant du NPA49, Frédéric, sur les rapports entre « violence » et Révolution.

VIOLENCE ET REVOLUTION

1 - REFLEXIONS SUR LA VIOLENCE

On peut distinguer différents types de violence (en concentrant l’étude sur les formes collectives, et en mettant de côté, bien entendu, tout ce qui relève de la violence individuelle, même si celle-ci n’en est pas complètement indépendante) :
-  Hier, violence sociale ou politique brute exercée dans le cadre de systèmes de domination esclavagiste, féodale, de type monarchie absolue, coloniale (voir de dictatures de type fasciste, nazie…) : emprisonnements arbitraires, exécutions (cf. lieudits appelés « les Justices » évoquant le gibet), déportations, camps de concentrations au 20ème siècle. La terreur institutionnalisée. Des millions de morts.
-  N’oublions pas les deux guerres mondiales : la première, provoquée par la remise en cause du partage de la planète par les puissances européennes (9 M de morts), la seconde consécutive à la première et à la crise de 1929 - première grande crise mondiale du capitalisme (50 M de morts).
-  La guerre reste endémique dans les régions les plus pauvres de la planète : Afghanistan, Afrique.
-  Aujourd’hui, plusieurs types de violence sociale quotidienne dans le cadre d’un mode de production basé sur l’exploitation capitaliste : - souffrance au travail : pénibilité, stress, pour des salaires faibles, entraînant suicides, etc (France Telecom), maladies professionnelles (amiante), ou provoquées par l’intensification du travail (TMS)… - malnutrition, maladies, difficultés d’accès au système de santé… - humiliation d’une partie de la classe ouvrière obligée de quémander de l’assistance… Qui dit violence institutionnelle dit soumission, résignation… jusqu’à un certain point (« explosions de violence », « violences urbaines »…). En juillet 1789, c’est la conjonction de la révolte de la bourgeoisie contre les privilèges de la noblesse et d’une révolte populaire contre la cherté du pain qui a produit l’image de la révolution que tout le monde connaît (la prise de la Bastille). A noter que l’institution scolaire implique une certaine forme de contrainte, et donc de violence institutionnelle, mais ceci est un autre sujet, qui mérite un débat à lui seul.

2 - REFLEXIONS SUR LA REVOLUTION

Une révolution, c’est mot à mot un renversement du pouvoir établi, un changement de pouvoir, à l’occasion d’une irruption des masses dans la vie politique (Trotsky). Ce n’est ni un coup d’Etat, ni une « révolution de palais », mais une transformation profonde du mode de domination politique et/ou social. Ainsi, pour se limiter aux périodes moderne et contemporaine :

-  la révolution anglaise du 17ème siècle (qui s’est étalée de 1640 à 1688) a abouti à la fin de la monarchie absolue et au partage du pouvoir entre la noblesse et la bourgeoisie, après une guerre civile qui a coûté la vie à Charles 1er et instauré une brève république (1649-1653) suivie d’une dictature militaire.
-  la révolution américaine (1776-1783), ou guerre d’indépendance des Etats-Unis,
-  la révolution française de 1789, qui a vu la bourgeoisie accéder au pouvoir politique, dans un long processus qui va de 1789 à 1799 (coup d’Etat du 18 brumaire de Napoléon Bonaparte), voire 1815 (chute de Napoléon et Restauration de la monarchie des Bourbons),
-  les révolutions françaises de 1830 (rejet de la tentative de rétablissement de l’absolutisme par Charles X), 1848 (2ème République), 1870 (3ème République), 1871 (Commune de Paris),
-  les révolutions russes de 1905 et de février et octobre 1917,
-  la révolution allemande de 1918-1923 (effondrement du 2ème Reich, instauration de la République de Weimar et tentatives de révolution socialiste),
-  la révolution chinoise (1919-1949),
-  la révolution espagnole (1931-1939),
-  la révolution portugaise (avril 1974),
-  les révolutions iranienne et nicaraguayenne de 1979 (sujet de débats !)
-  la « révolution de velours » en Tchécoslovaquie consécutive à la chute du « Rideau de fer » et du « Mur de Berlin » (novembre-décembre 1989), dans le cadre de l’effondrement du système stalinien en Europe de l’Est.

On le voit, si la plupart de ces révolutions ont donné lieu à des épisodes plus ou moins violents, ponctuels (les « Trois Glorieuses » des 27-28-29 juillet 1830) ou durables (les « républiques soviétiques » contre l’armée nationaliste en Chine de 1927 à 1949), certaines se sont déroulées sans aucune effusion de sang : 2ème révolution anglaise de 1688, révolution du 4 septembre 1870 en France, révolution russe d’octobre 1917, révolution portugaise de 1974, « révolution de velours » en Tchécoslovaquie. Le lien n’est donc pas « automatique » entre violence et révolution.

3 - LE POINT DE VUE MARXISTE

-  A priori, Marx pensait que dans certains cas (les Etats-Unis avant leur « Guerre civile » que nous appelons « Guerre de Sécession », et qui a duré de 1861 à 1865), les socialistes pouvaient éviter des affrontements violents avec les capitalistes en proposant de leur racheter les entreprises. On ne peut donc dire que le « marxisme » prône systématiquement la violence révolutionnaire.
-  L’analyse marxiste de l’Etat s’est construite autour de l’expérience de la Commune de Paris (18 mars-28 mai 1871). Selon ce schéma, l’Etat n’est pas « neutre », mais au service de la classe dominante. Ainsi, l’Etat esclavagiste mate les révoltes d’esclaves (massacre de l’armée de Spartacus, 6000 esclaves crucifiés le long de la voie Appia en 71 avant JC), l’Etat féodal massacre et mutile les paysans révoltés (Guerre des Paysans en Allemagne, 1525-1527) et fait assassiner leurs chefs, en France à la fin de la guerre civile de 1871, l’Etat bourgeois des « Versaillais », en majorité des monarchistes de diverses tendances, fusillent 10 à 20 000 Communards pendant la « Semaine sanglante » (ils avaient le tort d’avoir essayé d’instaurer un embryon de république socialiste).
-  En effet, l’appareil de l’Etat (essentiellement l’armée, la police et la justice) applique le droit esclavagiste, féodal ou bourgeois, dans lequel le droit de propriété prime sur la détresse sociale. Cet appareil d’Etat doit être distingué des gouvernements qui passent. Ses sommets (généraux, officiers supérieurs, haute magistrature) sont la plupart du temps dirigés par des membres des classes dirigeantes (grands propriétaires fonciers, noblesse, capitalistes) et donc intéressés matériellement au maintien de l’ordre dominant.
-  Au besoin, les classes dirigeantes n’hésitent pas à violer leurs propres lois quand elles estiment que leurs intérêts matériels sont menacés par un gouvernement régulièrement élu. Ainsi, les cadres de l’armée allemande n’ont jamais vraiment accepté la République de Weimar après la révolution de novembre 1918, et beaucoup ont soutenu le régime nazi. De même, en juillet 1936, la majeure partie des cadres de l’armée espagnole s’est-elle révoltée avec Franco contre la République espagnole désormais dirigée par un Front populaire qui n’était guère radical, mais qui avait été porté au pouvoir par les masses populaires qui, elles, l’étaient. Enfin, n’oublions pas le coup d’Etat de Pinochet contre le gouvernement légal du socialiste Salvador Allende le 11 septembre 1973.
-  Ainsi, si l’appareil répressif de l’Etat bourgeois est au service du Capital, les marxistes proposent non de le réformer en remplaçant quelques individus, mais de le détruire : au cours du processus révolutionnaire, les travailleurs, les exploités doivent construire un autre pouvoir, une autre police (une milice populaire), une autre armée, un autre appareil judiciaire, qui remplaceront les anciens. C’est ainsi que la Commune de Paris s’est dotée d’une Garde Nationale avec des officiers élus, et dirigée par un Comité central. De même, la révolution russe d’octobre 1917 a construit sur les ruines de l’ancienne armée du tsar une armée révolutionnaire, l’Armée rouge : ils n’avaient pas le choix, car les anciens généraux tsaristes, épargnés par les révolutionnaires, en ont profité pour organiser la contre-révolution, avant de recevoir en 1919 l’appui matériel des grandes puissances victorieuses (France, Royaume-Uni, USA, Japon).

4 - L’EXPERIENCE DE LA REVOLUTION FRANCAISE (1789-1799)

-  Au départ, c’est un processus tout-à-fait pacifique, avec bien sûr une alternance de périodes de négociations et de tensions, mais où pratiquement personne ne remet en cause la personne de Louis XVI, le « bon roi » qui avait de « mauvais ministres »… Le 14 juillet 1790, la « Fête de la Fédération » à Paris semble même prouver l’unité réalisée autour de la famille royale, des députés et du chef de la Garde Nationale (bourgeoise), La Fayette. La révolution semble terminée : fin des privilèges de la noblesse et du clergé, institution du droit bourgeois, régime de monarchie parlementaire en lieu et place de la monarchie absolue de droit divin…
-  Cela dit, des signes montraient que les anciennes classes dominantes n’acceptaient pas d’être dépossédées de leurs privilèges et - pour le clergé - de leurs terres : une partie de la haute noblesse a émigré dès l’été 1789 à l’étranger (dont les deux frères de Louis XVI), et le haut clergé - en la personne du pape - a dénoncé en 1791 la situation nouvelle qui lui était faite. Le basculement de l’opinion publique contre le principe même de la monarchie s’est effectué après la fuite à Varennes de Louis XVI (20 juin 1791), qui a démontré clairement que celui-ci refusait le nouveau régime lequel amoindrissait (partiellement) ses pouvoirs. Et comme les députés ont couvert cette tentative d’émigration et que La Fayette a fait tirer sur la manifestation de protestation des parisiens le 17 juillet suivant (50 morts pour avoir voulu faire signer une pétition…), rien d’étonnant à ce que ces derniers se soient détournés de la monarchie.
-  La trahison du roi a été rendue encore plus éclatante quand il a poussé l’Assemblée législative à déclarer la guerre à la Prusse et à l’Autriche au printemps 1792 et refusé ensuite d’organiser la défense de la capitale à l’approche des armées ennemies. En effet, Louis XVI attendait de leur victoire le retour à l’Ancien régime. C’est conscients de ce calcul du roi que les membres des 48 sections (assemblées de quartiers) de Paris ont préparé et organisé - avec le concours des volontaires marseillais - l’assaut contre le château des Tuileries, défendu par des Gardes suisses, le 10 août 1792, acte fondateur de la 1ère République, proclamée formellement le mois suivant. Le reste (massacres de septembre 1792, exécution de Louis XVI) n’est que le produit d’une situation où l’ancienne classe dominante (la noblesse) s’est coalisée avec les grandes puissances étrangères pour essayer de rétablir ses privilèges.

5 - L’EXPERIENCE DE LA REVOLUTION RUSSE (1917-1921)

-  Les révolutions russes sont le produit à la fois de la misère et de l’exploitation des ouvriers et paysans russes (ces derniers ne possédant ou n’exploitant que quelques hectares en moyenne, à côté des immenses domaines de l’aristocratie), mais aussi des guerres : guerre russo-japonaise de 1905, gagnée contre toute attente par le Japon, et qui voit l’apparition des premiers soviets (conseils) de soldats et d’ouvriers. Ces derniers ont représenté à l’époque la forme la plus avancée de démocratie directe et pouvoir populaire dans des institutions (l’armée) ou dans la production. La répression qui a suivi les a temporairement effacés au profit d’élections de type censitaire à un pseudo-parlement surreprésentant la noblesse et la bourgeoisie au détriment des paysans et des ouvriers.
-  La Première Guerre mondiale a aggravé la situation des masses populaires (hausse des prix, famines) et provoqué la révolte des femmes de la capitale d’Empire, Petrograd (Saint-Pétersbourg), le 8 mars 1917 (23 février dans le calendrier julien utilisé alors par les Russes). Au bout de cinq jours de manifestations pour le pain et contre la guerre durement réprimées (plusieurs centaines de morts), mais de plus en plus nombreuses, le tsar finit par abdiquer et est remplacé par un gouvernement provisoire, composé de représentants de tous les partis d’opposition (bourgeoise, socialiste-révolutionnaire, social-démocrate menchévik…). Avec Staline, rentré de déportation en Sibérie, les Bolchéviks soutiennent sans y participer ce gouvernement, qui décide malgré la souffrance des soldats russes de respecter les traités d’alliance conclus par le tsar et de continuer la guerre. De plus, le gouvernement provisoire refuse la principale revendication des paysans affamés de terre : le partage des grands domaines de la noblesse (le prince Lvov, premier président du gouvernement provisoire, est lui-même propriétaire de grands domaines). Le mécontentement grandit donc au printemps, relayé par les soviets, qui sont réapparus dès février.
-  C’est la raison pour laquelle Lénine, le chef des Bolchéviks, qui rentre de son exil en Suisse début avril, propose à son parti de retirer son soutien au gouvernement provisoire et de lancer le mot d’ordre « Tout le pouvoir aux soviets ». En effet, Lénine considère qu’il y a alors en Russie une situation de « double pouvoir » : d’un côté l’ancien appareil d’Etat tsariste affaibli et à moitié décomposé (par exemple, les soldats désertent en masse le front avec leurs armes et rentrent au village pour y faire la révolution agraire), et de l’autre les soviets, dirigés majoritairement par les SR et les Menchéviks, qui exercent l’autorité de fait dans les villes, les villages et, partiellement, dans l’armée (SR et Menchéviks acceptent par exemple de soutenir l’offensive militaire - désastreuse - du nouveau chef du gouvernement provisoire, le socialiste Alexandre Kerensky). Pour Lénine, les soviets doivent prendre le pouvoir en éliminant l’ancien appareil d’Etat, ils consolideront ainsi la révolution et lui permettront d’avancer.
-  L’influence des Bolchéviks ne cesse alors de progresser (ils sont les seuls avec les SR de Gauche et les anarchistes à s’opposer à la guerre et à proposer le partage des terres), d’autant plus que la droite militariste tente un coup d’Etat à la fin de l’été et que Kerensky ne conserve le pouvoir que grâce à la mobilisation des Bolchéviks. Semaine après semaine, grâce à leur programme politique radical, les Bolchéviks deviennent majoritaires dans les soviets (en particulier celui de Petrograd, dont Trotsky, rallié aux Bolchéviks, est élu président le 6 octobre). Lénine propose alors aux Bolchéviks de mettre fin au double pouvoir à l’occasion du 2ème congrès des Soviets de Russie. Des dirigeants importants comme Zinoviev et Kamenev vendent la mèche dans la presse, mais le congrès donne la majorité absolue aux Bolchéviks : le 7 novembre (25 octobre) Lénine devient « président du conseil des commissaires du peuple », le gouvernement provisoire est déchu et son chef, Kerenski, s’enfuit dans une voiture de l’ambassade américaine puis part en exil (il meurt à New-York en 1970). Aucune effusion de sang n’a eu lieu dans la capitale.
-  La violence de masse commence dans l’été 1918, quand la guerre civile commence : les SR organisent plusieurs attentats contre Lénine et les dirigeants bolchéviks accusés d’avoir bradé la patrie en signant le traité de Brest-Litovsk qui met fin à la guerre avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. La contre-révolution monarchiste rassemble ses troupes en province et obtient en 1919 le soutien militaire des grandes puissances. Des millions de morts s’ensuivent auxquels s’ajoute la famine de 1920. La Russie soviétique devient une forteresse assiégée, dont le régime n’est reconnu pratiquement par personne (par la France seulement en 1924), un cordon sanitaire l’entoure qui contribuera à conforter la bureaucratisation stalinienne.

6 - PROBLEMATIQUE SUR L’USAGE DE LA VIOLENCE

-  On l’a vu, dans un « Etat de droit » comme le nôtre, le « noyau dur » de l’Etat (armée, police, justice) est seul habilité à exercer la violence institutionnalisée : l’Etat a le monopole de la violence. Ainsi, un individu isolé n’a pas le droit « de se faire justice lui-même », principe qui en soi peut être justifié par le rejet des vendettas claniques ou féodales qui existaient autrefois, mais donne en même temps à la classe dominante les instruments pour perpétuer sa domination.
-  En ce qui concerne le mouvement ouvrier, pour lui, l’usage de la violence n’est donc pas une question de morale (c’est-à-dire de savoir si c’est bien ou mal d’utiliser la force), mais d’opportunité (pour se défendre contre des groupes fascistes, par exemple, pour conserver le pouvoir quand il a effectué une révolution). Avec toutefois un gros bémol, qui résulte notamment de l’expérience du stalinisme : à l’intérieur du mouvement ouvrier, du mouvement social, c’est la libre discussion qui doit être la règle, et non l’exception. En effet, dès la fin des années 20, les staliniens, ont utilisé systématiquement la force contre les autres courants politiques du mouvement ouvrier, socialistes, trotskystes, anarchistes, maoïstes, selon les époques et en fonction de leur intérêt ou de leur force relative. Cette tradition, qui relève d’un gangstérisme pratiqué d’ailleurs partiellement par le jeune Staline quand il militait dans le Caucase au début du 20ème siècle, a abouti aux procès de Moscou et à l’assassinat pur et simple des opposants à la dictature exercée par Staline en URSS, dans les pays dits « socialistes », et à l’intérieur du mouvement communiste.
-  A ce sujet, une autre précision : l’expression « dictature du prolétariat » utilisée par Marx pour définir le régime de la Commune de Paris n’était pas dans son esprit un appel à mettre en place une dictature policière. En effet, il analysait la société capitaliste comme la dictature de la bourgeoisie (minoritaire) sur la majorité ouvrière et paysanne, et souhaitait « remettre la société à l’endroit » en donnant le pouvoir à la majorité du peuple, aux travailleurs. Pour lui, la « dictature du prolétariat », c’est la dictature (sociale et politique) de la majorité sur l’ancienne minorité d’exploiteurs et non la dictature d’un quelconque parti unique, inimaginable à l’époque (la Commune de Paris était d’ailleurs traversée par une multitude de courants, des républicains les plus radicaux aux socialistes révolutionnaires de diverses obédiences, en passant par les Proudhoniens et les anarchistes). Marx s’est d’ailleurs toujours déclaré partisan de la liberté de la presse. C’est l’expérience des dictatures - fascistes et staliniennes - du 20ème siècle qui rend cette expression utilisée par Marx difficilement transposable de nos jours, et c’est pourquoi nous préférons utiliser le terme « démocratie socialiste » pour évoquer la forme que nous souhaiterions pour un Etat issu d’une révolution socialiste.
-  Un dernier mot sur l’expérience des années 70 en Europe : après mai 68, un certain nombre de groupes d’extrême-gauche parfois importants, notamment allemands ou italiens (Lotta Continua), souvent mais pas toujours d’origine maoïste, ont effectué une dérive politique complète, en analysant les démocraties d’Europe occidentale comme des Etats quasi-fascistes. Certes, dans cette période, de nombreux militants ont été victimes de la répression policière, et les partis qui dominaient la gauche dans ces deux pays (Social-démocratie allemande et Parti communiste italien) en étaient rendus à s’entendre avec la droite (« Grande coalition » CDU-SPD en Allemagne, « compromis historique entre le PCI et la Démocratie Chrétienne en Italie), mais le régime politique n’avait pourtant rien de « fasciste » : les syndicats n’étaient pas interdits, et les militants de gauche n’étaient pas dans des camps de concentration. Cela n’a pas empêché ces groupes, qui souvent se réclamaient précisément de l’expérience de la Résistance au fascisme pendant la Seconde Guerre mondiale, de se lancer dans une sorte de « guerre privée » contre l’Etat, dans laquelle ils se substituaient à la classe ouvrière pour exercer une violence totale, avec des assassinats ciblés contre des patrons ou des généraux (Action Directe en France), mais aussi des attentats contre des petits chefs, voire des syndicalistes accusés de « collaboration de classe » avec le patronat (Prima Linea en Italie). Il est évident qu’une telle politique de violence prétendument révolutionnaire, complètement détachée de l’analyse de la situation politique réelle et des vrais rapports de force, était totalement suicidaire et ne pouvait déboucher que sur une tragique impasse.

1er mars 2010

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