Interpellé par la Mutualité française en la personne de son président, Philippe Poutou développe dans ses réponses les propositions du secteur Santé du NPA. Tout en reconnaissant la sincérité de la Mutualité et une certaine communauté d’objectifs avec le NPA pour un service public gratuit de la santé pour tous, notre candidat met en garde : dans le contexte actuel les mutuelles peuvent devenir le cheval de Troie de la privatisation. C’est à une sécurité sociale unique, indépendante des intérêts privés et de l’État, autogérée par la population qu’il faut maintenant s’atteler.
Montreuil, le 16 avril 2012
Réponses de Philippe Poutou à Monsieur Etienne Caniard, Président de la Mutualité Française
Monsieur le Président,
Le Nouveau Parti Anticapitaliste partage avec la Mutualité Française le constat d’une dégradation de l’accès aux soins. « Franchises », dépassements d’honoraires, désengagement de l’Assurance Maladie, entrainent une augmentation inévitable des cotisations mutualistes, et du « reste à charge » pour les patients. L’aboutissement c’est un creusement des inégalités sociales face aux soins. Je souscris, en conséquence, à vos propos (interview au « Monde » du 12 Avril dernier) : « Il est ainsi grand temps de restaurer la solidarité entre malades et bien portants. C’est la finalité de la Sécu, mais avec l’instauration des tickets modérateurs, franchises et forfaits, on s’en est éloigné »
Toutefois, les propositions qui sont les vôtres, et dont découlent les questions posées aux candidats montrent que nous envisageons de manière différente cette « restauration de la solidarité ». Une lecture attentive de vos propositions montre que vous vous situez dans la perspective d’une compensation par la Mutualité de la réduction de la place de l’Assurance Maladie Obligatoire. Je me situe dans celle d’une reconquête et d’une extension de la Sécurité Sociale dans la perspective d’un remboursement à 100% des soins par l’Assurance Maladie Obligatoire.
Les contre réformes mises en place par les gouvernements successifs, au cours des dernières années poursuivent avec constance un objectif : diminuer sans cesse la place de la Sécurité Sociale, pour accroitre celle des assurances complémentaires. Dès aujourd’hui on peut constater que l’Assurance Maladie ne couvre plus que 55% des dépenses de soins de ville. Le remboursement à 100% des Affections de Longue Durée est de plus en plus menacé. Le but ainsi poursuivi est d’aboutir à un système ou la « solidarité » se limiterait à une assistance minimum aux plus défavorisés (financés par des impôts injustes-TVA, CSG) et ou l’assurance deviendrait prépondérante.
Les besoins de santé seraient alors satisfaits en fonction des moyens de chacun et non des besoins.
Cette privatisation, menée en réalité dans l’intérêt des assureurs privés, tente de se cacher derrière la bonne image dont jouit la Mutualité.
Il me semble donc, que dans ce contexte de libéralisation des systèmes de santé et de protection sociale, celle-ci se trouve à la croisée des chemins.
- Soit elle accepte de s’inscrire dans la logique de privatisation de la sécurité sociale qui au bout du compte se retournera contre elle. Dans la concurrence « libre et non faussée », sur le marché des complémentaires, les gagnants seront toujours les requins de l’assurance, pour qui la santé se résume à la bonne santé du portefeuille de leurs actionnaires face à des mutuelles qui resteraient fidèles à leurs principes de solidarité, de non sélection du risque, et de satisfaction des besoins de santé de chacun.
- Soit à l’inverse la Mutualité se situe dans la perspective d’une seule et unique Sécurité Sociale appliquant jusqu’au bout et pour tous les principes de solidarité dont elle se réclame.
Cette solution, que je préconise, présente les avantages suivants.
- Chacun étant obligatoirement couvert, personne n’est laissé de coté. La solidarité, devenue universelle est donc complète et réelle.
- Chacun reçoit en fonction de ses besoins, et non de ses possibilités
financières, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, les mutuelles assurant
différents niveaux de couverture en fonction du niveau des cotisations.
- Le financement est assuré par des cotisations sociales versées par les employeurs et ne constitue pas une nouvelle ponction sur le pouvoir d’achat des salariés.
Je propose simultanément d’interdire aux compagnies d’assurances le domaine de la santé, ce bien fondamental devant être entièrement sorti de la logique du marché et du profit. Dans le même esprit je préconise l’expropriation de l’hospitalisation privée lucrative et l’intégration de ses personnels et de ses biens à l’Hôpital Public, ainsi que l’expropriation des laboratoires pharmaceutiques et la création d’une industrie publique du médicament.
S’il y a des économies à faire pour réduire les coûts du système de santé, c’est à mon sens là qu’elles pourraient être réalisées, ainsi que dans le développement d’une véritable prévention s’attaquant aux causes sociales et environnementales des maladies et problèmes de santé.
Ce préambule me semblait nécessaire pour répondre aux questions que vous adressez aux candidats :
1) Quels engagements comptez-vous prendre pour assurer le retour à l’équilibre des comptes et mettre fin au report de nos dépenses sur les générations futures.
Pour moi, il n’y a pas de « déficit » de la Sécurité Sociale, mais un manque de financement, ce qui est très différent. En d’autres termes, la Sécurité Sociale n’est pas malade de trop de dépenses, mais de pas assez de recettes. Le prétendu « déficit » de la sécurité sociale est le résultat, non d’une fatalité, mais de choix politiques des gouvernements successifs. La collectivité peut décider d’augmenter la part de ses ressources (qui s’accroissent chaque année ) affectée aux dépenses de santé. Je m’étonne que vous repreniez dans votre question la notion de « report de dépenses sur les générations futures », argument utilisé par d’autres pour justifier la
contre réforme des retraites. Le principe même de la Sécurité Sociale, c’est qu’il n’y a aucun « report », puisque ce sont les cotisations sociales d’aujourd’hui qui financent les retraites ou l’assurance
maladie d’aujourd’hui. La véritable question est donc : dans la richesse produite quelle part ira aux profits et à la spéculation, et quelle part reviendra à ceux qui produisent ou ont produit cette richesse ?
Et la même question se posera dans 10, 20 ou 30 ans pour les générations futures.
Ma réponse est qu’il faut augmenter, aujourd’hui comme demain, la part de la richesse revenant à ceux qui travaillent, sous forme de salaire et de cotisations sociales
C’est pourquoi la question de la répartition des richesses est au cœur de ma campagne.
Je me prononce pour un financement du système de santé en fonction des besoins définis collectivement, et non d’une limitation a priori ; et donc
- pour l’abrogation d’une gestion de la sécurité sociale par des enveloppes fermées, et du vote d’une loi de financement de la sécurité sociale par le parlement.
- pour la définition démocratique et collective des besoins à satisfaire de manière socialisée.
Ceci suppose une Sécurité Sociale où les seuls décideurs sont les assurés sociaux, et donc ou ni le patronat ni l’État n’ont leur mot à dire. C’est ce que j’appelle une Sécurité Sociale autogérée, ce qui suppose le retour à des élections démocratiques aux caisses, et la consultation directe des assurés sociaux sur toutes les questions importantes.
2) Comment envisagez-vous de mettre un terme à la différence entre les prix réels et les bases de remboursement, phénomène qui se banalise et s’amplifie, risquant ainsi de conduire l’ensemble des secteurs à la situation que nous connaissons pour l’optique, domaine dans lequel l’Assurance Maladie ne rembourse plus que 4% de la dépense ?
La gratuité des soins que je préconise nécessite
- L’interdiction de toute forme de dépassement d’honoraire, et donc la
suppression du secteur 2 et le refus du secteur dit « optionnel »
- Le remboursement à 100% de tout soin ou médicament prescrit (assorti du tiers payant évitant toute avance de fonds). Donc la suppression du « ticket modérateur », du « forfait hospitalier », des « franchises » etc.
- Concernant les médicaments, soit ils ont une efficacité reconnue et ils doivent être remboursés intégralement, soit ils n’ont pas à être produits.
3) Quelle réponse apportez –vous aux personnes en situation de perte d’autonomie et à leur entourage ?
Pour le NPA, la compensation de la perte d’autonomie doit trouver une réponse dans le cadre d’une extension de la Sécurité Sociale. L’ordonnance de 1945 prévoyait en effet « d’étendre le champ d’application de l’organisation de la sécurité sociale à des catégories nouvelles de bénéficiaires et à des risques ou prestations non prévus par les textes en vigueur » Tel est bien le cas de la compensation de la perte d’autonomie. La perte d’autonomie doit être financée à 100 % par la sécurité sociale, Ce financement doit permettre de couvrir l’ensemble des besoins en soins, aide à la vie quotidienne et en hébergement, quand la personne ne peut ou ne veut continuer de vivre à domicile. Faut-il créer une nouvelle « branche » de la Sécurité Sociale ou intégrer la perte d’autonomie dans le cadre de l’Assurance Maladie ? la question n’est pas pour nous essentielle, dans la mesure ou nous sommes opposés à toute idée de cloisonnement entre les différentes branches de la sécurité sociale.
Pour un service public d’aide à l’autonomie
Nous sommes pour un service public unique d’aide à l’autonomie, que ce soit à domicile chaque fois que cela est possible et souhaité, ou dans des établissements spécialisés. Ce service remplira des missions de prévention, de soins et de « prendre soin » au sens le plus large au domicile (soins à domicile, aide à l’autonomie au domicile, portage de repas etc…), et quand cela devient nécessaire de soins et d’aide à l’autonomie en institution. Un tel service public nécessite d’embaucher et de former massivement du personnel spécialisé qui manque cruellement (avec des conditions de travail et des salaires décents, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui). De même, il faut multiplier les services spécialisés pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (centre d’accueil à temps plein ou partiel) ; ce qui doit rentrer dans un plan de développement des Unités de soins de long séjour. Le chiffrage précis des besoins, devrait être fait, après une étude sérieuse menée avec les organisations syndicales, les usagers et leurs familles.
4) Êtes-vous prêt à donner la possibilité aux mutuelles de contractualiser avec les professionnels de santé dans l’objectif de garantir aux français des soins de qualité au meilleur prix ?
Quelles qu’en soient les bonnes intentions, cette proposition me semble lourde d’un grave danger, celui de la création de filières de soins concurrentielles, que prévoyait déjà le plan Juppé. Elle risque (puisqu’elle s’appliquera inévitablement aussi aux assurances) d’accélérer la privatisation et la concurrence sur un « marché » de la santé, ainsi ouvert. De même, dans le contexte d’attaques et de démantèlement de l’Hôpital Public votre insistance sur une prise en charge des soins reposant selon vous « trop fortement sur l’hôpital au détriment de la médecine de ville » me semble hélas s’inscrire dans la logique de la loi « Bachelot » dite Hôpital Patient Santé et territoires, qui vise à transférer vers la médecine de ville, (en amont) et le médico-social (en aval) les activités et les moyens du service public, au moment même où la médecine libérale n’attire plus, et ou se développent de véritables déserts médicaux que ni les contraintes ni les incitations ne pourront enrayer.
Je préconise à l’inverse pour répondre aux besoins de santé, que le service public s’étende au-delà de l’Hôpital, par la création de Centres de Santé publics et gratuits, ouverts 24h/24, fonctionnant avec des équipes pluridisciplinaires de service public, dans les villes et les campagnes, et financés intégralement par l’assurance maladie. Ces Centres seraient implantés en fonction des besoins, et non des souhaits d’installation des praticiens libéraux.
Je propose également le maintien ou la réouverture des établissements hospitaliers de proximité.
5) Enfin, quelles solutions envisagez-vous pour favoriser l’accès à une mutuelle et mettre ainsi en œuvre le droit à une garantie complémentaire solidaire pour chacun ?
Là comme ailleurs, je suis bien sûr ouvert, de manière immédiate, à des solutions temporaires pour permettre à tous de bénéficier d’une couverture complémentaire, mais sur le fond, la perspective est celle déjà développée plus haut : l’assurance maladie obligatoire remboursant l’ensemble des soins.
Ces réponses, forcément rapides, visent non à clore mais à ouvrir un dialogue avec vous et toutes celles et ceux que vous représentez. Je reste à votre disposition pour un tel débat, les questions de santé et de protection sociale restant dans les mois et les années qui viennent centrales dans le débat politique. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, mes sincères salutations.
Philippe POUTOU
www.poutou2012.org – contact@poutou2012.org
2 rue Richard Lenoir 93100 Montreuil
- jeudi 18 avril à 18h : Conférence sur le fascisme de l’historienne Ludivine Bantigny. Bourse du travail d’Angers
- vendredi 19 avril : grève mondiale pour le climat à l’appel de Fridays for future (FFF)
- samedi 20 avril à 15h : rassemblement au Ralliement à Angers pour un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza à l’appel de AFPS49 et de 19 organisations (dont le NPA49).
- mardi 23 avril de 18h à 20h30 : conférence d’Arié Halimi autour de « l’État hors la loi », salle Pelloutier de la Bourse du travail d’Angers. Organisée par la LDH49.
- samedi 27 avril : Marche des fiertés LGBTI+ à Angers (11h village des fiertés ; 14h marche ; 16h DJ au village ; 18h Before à l’Entre 2 ; 23h Pride night au Chabada ; 5h After à La Cage). Voir Site de Quazar.
- mercredi 1er mai : journée internationale de lutte des travailleuses et travailleurs. Manifestations à Angers (10h30, pl. Imbach), Saumur (10h30, pl. Bilange), Cholet et Segré à l’appel de CGT, FSU...
- samedi 8 juin : cyclo-manif contre la nouvelle zone Océane 3 - Angers/St Sylvain, à l’appel des Soulèvements de la terre-49
- Voir aussi Alter49.org, l’agenda alternatif 49, et Le Cercle 49.
La librairie sociale et militante Les Nuits bleues, 21 rue Maillé à Angers, avait organisé le 13 décembre une rencontre avec Frédéric Dabouis, auteur de « La Révolution comme horizon », dont nous avions publié une première interview ICI. L’enregistrement de cette rencontre consacrée à l’histoire du mouvement ouvrier angevin révolutionnaire entre 1914 (début de la guerre, de l’union sacrée et des premiers opposants à celles-ci) et 1923 (début de la stalinisation du PCF) vient d’être mise en ligne sur le site de la librairie (à la fin de l’article qui avait été rédigé pour la réunion). À vos écouteurs !
Deux textes publics explicitent la position unitaire et révolutionnaire du NPA pour les prochaines élections européennes :
- « Contre l’UE capitaliste et austéritaire, rassembler la gauche de combat ! » est une tribune du NPA publiée sur Mediapart et Regards, signée par Christine Poupin et Pauline Salingue, les deux porte-parole du NPA, Roseline Vachetta, qui fut députée européenne de la LCR aux côtés d’Alain Krivine, Olivier Besancenot et Philippe Poutou, anciens candidats LCR et NPA à l’élection présidentielle ;
- Le « Courrier public du NPA à La France insoumise concernant les élections européennes » est un courrier public adopté mercredi 3 janvier 2024 par le Conseil politique national, instance de direction du NPA.
Le coup d’État contre le gouvernement du président chilien Salvador Allende qui a eu lieu le 11 septembre 1973, a brutalement et violemment fermé la voie que plusieurs pays d’Amérique latine étaient en train de construire vers un État-providence et la souveraineté sur leurs ressources naturelles. Le Chili a préfiguré ce qui allait se passer dans le monde au cours des dix années suivantes : la contre-offensive de l’impérialisme, notamment étasunien, contre les politiques de redistribution des revenus, le développement industriel endogène et la construction de ce que l’on a appelé l’État-providence, explique Éric Toussaint, fondateur du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (www.cadtm.org) et membre du conseil scientifique de l’Association pour la Taxation des Transactions Financières (ATTAC) France. À lire ICI sur le site de la 4e Internationale.
« Hugo Blanco a donné l’exemple. » C’est ce qu’a écrit Che Guevara à propos de cette période de la vie de Blanco quand il était un organisateur central du mouvement pour la réforme agraire par le bas à La Convención et à Lares, au Pérou, entre 1958 et 1963. Hugo, qui fut membre de la Quatrième Internationale pendant des décennies (on le voit sur la photo avec Daniel Bensaïd en 1985), nous a quitté·e·s le 25 juin. Il fut un des premiers qui avaient compris l’importance de la lutte pour l’écosocialisme face à la catastrophe environnementale à laquelle nous sommes de plus en plus confronté·e·s, en soutenant notamment que, même si les communautés indigènes n’utilisent pas le terme écosocialisme, elles se battent pour l’écosocialisme depuis 500 ans. La Quatrième internationale salue sa mémoire : Angel Hugo Blanco Galdós Presente !.
Sieva “Esteban” Volkov nous a quitté·e·s le 16 juin. Celui qui, enfant, avait été témoin - et victime - de l’acharnement meurtrier de la bureaucratie stalinienne contre son grand-père, Léon Trotsky, et toute sa famille est décédé dans son pays d’adoption, le Mexique, à l’âge de 97 ans. C’est un des derniers témoins de la catastrophe qu’a constitué la contre-révolution stalinienne - mais aussi de l’espoir porté par la résistance à celle-ci - qui disparaît. La Quatrième Internationale lui rend hommage sur son site : « En l’honneur d’Esteban Volkov (1926-2023) : Vive la mémoire de Léon Trotsky et la lutte de l’opposition de gauche contre le capitalisme et le stalinisme ! »