Plus de 250 au meeting angevin contre l’Ayraultport !

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Mardi 11 décembre à 20h, la Réunion publique d’information qui était organisée à Angers par le comité angevin contre le projet d’Ayraultport à Notre-Dame-des-Landes a fait salle Thiers-Boisnet comble : beaucoup des plus de 250 participant(e)s n’ont pu trouver de place assise. Le débat, animé en particulier par Françoise Verchère (CG44, PG) et Julien Durand (ACIPA, Confédération paysanne), a été nourri, informatif et militant. [2] Au-delà du problème de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, c’est la remise en cause de la logique productiviste propre au capitalisme qui est posée à l’échelle de toute la société.

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Début de la réunion

La réunion publique commença avec une représentante du comité angevin organisateur de la réunion. Celle-la rappela les principales initiatives du comité d’Angers :
-  Intervention aux Assises de l’énergie (le 13 novembre aux Greniers St Jean) ;
-  Manifestation devant la préfecture (le 23 novembre) ;
-  Intervention lors de l’inauguration du marché de Noël (le 1er décembre) ;
-  Inauguration de l’impasse Notre-Dame-des-Landes au lieu du Bd Ayrault (le 8 décembre)
-  Audience auprès de Valérie Trierweiler de passage à Angers (le 8 décembre) ;
-  point quotidien en haut de la rue Lenepveu à partir de 17h30.

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Intervention rue Lenepveu

Le premier des intervenants de la tribune fut Julien Durand, agriculteur à Notre-Dame-des-Landes. Il a rappelé en quelles circonstances l’ADECA, l’Association des exploitants du site fut créée en 1973. À l’époque, l’horizon du projet d’aéroport était 1985. Mais dans les années 1990 on crut le projet bel et bien enterré. Cependant en 2000, L. Jospin et J.-M. Ayrault ont ressorti le projet de la naphtaline. En réaction, dès le mois de novembre, l’ACIPA (Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre Dame des Landes) fut lancée. Le local “La Vache rit” de la résistance au projet date de cette époque, en référence directe à la lutte du Larzac. En 2008, après une caricature d’enquête et sur une base qui ne correspond plus au projet actuel, une déclaration d’utilité publique fut signée par Fillon (le préfet de l’époque travaille aujourd’hui chez Vinci ! [3]). Cependant, la résistance à NDDL était peu à peu popularisée en France (tracto-vélo pendant les régionales de 2010, grande fête de 3 jours en 211, RDV des grands projets inutiles en 2012, etc.) Lorsque cet automne l’État français a lancé ses troupes pour détruire les maisons et chasser ses occupants, il s’est heurté à une résistance légitime. Les habitants de NDDL et les opposants à l’aéroport ont longtemps joué le jeu de la démocratie. Mais les commissaires enquêteurs ont toujours conclu avec mépris pour l’aéroport. La radicalisation était dans ce cadre inévitable. Mais rien ne pouvait justifier les violences policières : un jeune a perdu un œil et un autre, peut-être l’usage de sa jambe. Il y a eu des centaines de blessés. La soi-disant “Commission de dialogue”, que J.-M. Ayrault a concédé après la grande manifestation du 17 novembre n’est qu’un leurre. Annoncée dans les médias sans contact préalable avec les opposants au projet, limitant son but à “accompagner le dialogue à chaque étape de la réalisation du projet” (dixit J.-M. Ayrault) et donc à une simple aide à un travail de deuil pour les habitants, elle ne peut acquérir du sens qu’accompagnée d’un moratoire. Et Julien Durand de poser trois conditions à la participation de l’ACIPA à cette commission :
-  le retrait des forces de police et de gendarmerie de la zone ;
-  l’arrêt des destructions et des expulsions ;
-  connaître le sujet du “dialogue” promis.

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Françoise Verchère
Julien Durand au premier plan

Françoise Verchère fut mairesse de Bouguenais, commune de l’actuel aéroport Nantes Atlantique de 1983 à 2007. Au début de son intervention, elle remarqua qu’à certains égards, et notamment à cause du bruit mis en avant par les partisans du projet Vinci, son intérêt personnel serait que l’aéroport déménage à NDDL. Mais depuis 15 ans les avions se sont faits moins bruyants et l’isolation phonique a été généralisée chez les habitants. Et puis, il y a une sorte de symbiose entre Bouguenais et l’usine Airbus qui y est implantée (et dont l’unité de production risque fort d’être fermée au prétexte du déménagement de l’aéroport). À Nantes, ironisa-t-elle, ce sont d’abord les bruits propres à la ville qui sont, et de loin, les plus préoccupants... Françoise Verchère revint alors sur le vieux projet NDDL. Ce site fut choisi au moment où l’on rêvait de Concorde transatlantique et d’assécher les marais salants de Guérande. [4] L’existence de ce projet a bloqué tout investissement dans l’aéroport actuel. La modification d’orientation de la piste a été écartée. Aucun silo à étages n’a été construit pour les parkings. La voie ferrée existante n’a jamais été utilisée pour les passagers. Le tramway s’est arrêté à un kilomètre et demi de l’aéroport. En 1997, lorsque la passerelle de verre fut inaugurée, les collectivités locales ne cachaient pas qu’il s’agissait là d’un “dernier investissement” parce qu’il y avait NDDL en ligne de mire. Alors, la commune de Bouguenais réagit par la publication d’un bulletin spécial : “Notre-Dame-des-Landes, un transfert à haut risques”. À l’époque, la commune ne savait rien de la valeur écologique du site de NDDL, il n’y avait pas encore de crise économique et les ressources en énergie n’apparaissaient pas encore destinées à devenir rares à court terme. Hélas, le débat public mené en 2003 n’a porté sur aucune alternative au projet, car il était fondé sur une seule hypothèse : Nantes Atlantique va bientôt être saturé. Et tant pis si la seule étude indépendante démontre le contraire ! [5] En réalité, c’est d’abord un enjeu d’urbanisme qui a primé. Le plan d’exposition au bruit gène l’extension de Nantes. Or, celle-ci se place dans la logique de la “guerre économique” entre grandes métropoles. Elle ne s’offusque pas du fait qu’il faille plus de quatre heures pour aller en train à Bordeaux, car Bordeaux est une concurrente. Ce qui compte c’est sa propre “croissance”, sa “visibilité internationale” et ses liens avec Paris et l’étranger... Au cours du débat avec la salle, Françoise Verchère insista pourtant sur la supercherie du projet d’aéroport NDDL et du partenariat public-privé (PPP) avec Vinci. Les élites nantaises ont vendu au public un “grand” aéroport international. Mais, en ces temps de crise, la voilure s’est réduite officiellement à 580.000 euros (sans doute beaucoup plus). Aucune de ses deux pistes ne serait plus grande que celle de Bouguenais (et elles ne pourraient donc accueillir les fameux A380). L’actuelle aérogare a une capacité de 4 millions de passagers. La future n’accueillerait que 500.000 passagers de plus. Les 7500 places de parkings (30% des recettes !) seraient à l’horizontale, sans silo. Il n’y aurait pas de transports ferroviaires à l’ouverture et rien n’est financé ! Pour Vinci, qui a obtenu une concession de 55 ans sans que cela choque personne “à gauche” [6], c’est une affaire sans risque : la moitié du projet est payée par l’État et les collectivités et il s’agit d’un simple déménagement d’aéroport et de sa clientèle déjà existante... Et Françoise Verchère de conclure que, face aux élus des collectivités locales et à leur logique de “métropolisation”, il faut opposer une logique de mise en réseau des villes de de relocalisation partout où cela est possible.

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Débat

Benjamin Hogommat de France Nature Environnement apporta tous les éclairages du spécialiste sur l’aspect spécifiquement environnementale posé par le projet d’Ayraultport. La zone concernée, environ 1500 ha, sans compter tous les aménagements à venir, est à 100% humide. C’est une des dernières zones humides (ZH) du pays. Bassin versant de l’Erdre comme de la Loire, elle détermine la qualité des cours d’eau en aval. Elle est le refuge d’un grand nombre d’espèces animales et d’oiseaux dont certaines protégées (une centaine ; une trentaine au niveau communautaire). Selon la méthodologie légale éviter/réduire/compenser (ERC), des mesures compensatoires devraient être prises pour “compenser” la destruction de la ZH. Il faudrait pour cela des terrains que les porteurs de projet ne possèdent pas. Or les quelques procédures de compensation en cours ne semblent pas pérennes et sont en revanche plus que douteuses. Qu’aucun autre choix alternatif n’ait été envisagé (tel que la modernisation de Nantes-Atlantique) n’en est que plus grave.

Dorian Piette, juriste et membre d’EELV (organisation de l’écologie politique participant à la majorité régionale et au gouvernement tout en s’opposant au projet d’aéroport), fit le point sur les recours en cours (non suspensifs) auprès du Conseil d’État et auprès du parlement européen ainsi que sur la bataille juridico-répressive qui oppose le préfet aux habitants des cabanes construites sur le site.

Le débat souleva de nombreuses questions. Plusieurs intervenants posèrent la nécessité de faire échouer le projet NDDL mais aussi tous les grands projets inutiles imposés. Le rôle problématique de la commission de dialogue fut épinglé à maintes reprises. Le lien entre ACIPA et "zadistes" fut questionné (d’aucuns soulignèrent l’apport positif considérable de ces “jeunes” dans la lutte ; d’ailleurs, les quelques incidents douteux rapportés par la presse furent probablement l’œuvre de provocateurs stipendiés). Le coût de l’intervention policière fut également souligné (un million d’euros par semaine !). Enfin des questions fusèrent sur le rôle des élus EELV, à la fois au sein du gouvernement comme de la majorité régionale et dans l’opposition à l’Ayraultport, et l’attitude pro-aéroport des élus PCF à la région (hélas appuyés par le PCF national).

Globalement, l’ambiance était à la lutte. Françoise Verchère releva l’erreur stratégique du pouvoir qui avait cru pouvoir se débarrasser facilement des occupants de la zone. Elle dénonça pour finir le rôle du capital financier, dévoreur d’argent public. Pour elle, comme visiblement la plupart des présents dans la salle, l’affaire NDDL cristallise aujourd’hui tous les problèmes auxquels notre société est confrontée de façon de plus en plus dramatique. Et c’est pour cela que cette lutte contre l’Ayraultport mérite d’être poursuivie avec détermination et que la nécessité de sa victoire est chaque jour plus pressante.

12 décembre 2012, par NPA 49

[1] Françoise Verchère est conseillère générale de Loire-Atlantique et ancienne maire de Bouguenais [site de l’aéroport Nantes-Atlantique], membre du CéDpa [Collectif des élu(e)s doutant du projet d’aéroport] ; Julien Durand est le porte-parole de l’association historique des riverains ACIPA (Association citoyenne intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport) ; à ces deux figures majeures de la lutte s’étaient joints Dorian Piette, juriste à EELV et Benjamin Hogommat de France Nature Environnement, en charge de la veille juridique dans les Pays de Loire.

[2] Françoise Verchère est conseillère générale de Loire-Atlantique et ancienne maire de Bouguenais [site de l’aéroport Nantes-Atlantique], membre du CéDpa [Collectif des élu(e)s doutant du projet d’aéroport] ; Julien Durand est le porte-parole de l’association historique des riverains ACIPA (Association citoyenne intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport) ; à ces deux figures majeures de la lutte s’étaient joints Dorian Piette, juriste à EELV et Benjamin Hogommat de France Nature Environnement, en charge de la veille juridique dans les Pays de Loire.

[3] Bernard Hagelsteen fut préfet de Loire-Atlantique et de la région Pays-de-la-Loire de 2007 à 2009 et il pilota localement le projet d’aéroport en collaboration avec la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Dans le cadre de la Délégation de service public, l’appel d’offres pour choisir le concessionnaire de l’aéroport fut lancé en 2009. L’année suivante, Vinci s’est vu accorder le marché et une concession de 55 ans. M. Hagelsteen est actuellement conseiller de Pierre Coppey, président de Vinci-Autoroutes

[4] La distance orthodromique entre Nantes et New York est de 5630 km contre 5841 km de Roissy à New-York.

[5] La piste de Bouguenais a accueilli 45.494 vols commerciaux en 2011 alors que sa capacité est estimée entre 90.000 et 110.000. A raison d’un emport actuel de 71,3 passagers par vol, la piste pourrait donc accueillir, à condition d’aménager l’aérogare, entre 6,4 et 7,8 millions de passagers. Elle en a accueilli 3,246 millions l’an dernier...

[6] Surtout pas la fraction du PCF qui siège dans la majorité régionale ! Rappelons qu’aux élections régionales de 2010, cette fraction (majoritaire en Loire-Atlantique et en Maine-et-Loire mais pas en Sarthe et en Vendée) s’était alliée avec le PS contre la liste unitaire Front de Gauche-NPA opposée au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes.