“Culture” et peau de chagrin : la municipalité d’Angers en inaction.

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L’interview donné le 24/10 au Courrier de l’Ouest par A. Fouquet, adjoint à la culture du maire C. Béchu, confirme les choix (in)culturels régressifs de la municipalité d’Angers. Comme dans les autres domaines de la vie municipale, coupes budgétaires, esprit purement comptable, projets immobiliers et marchandisation à outrance fondent le discours des élus de la ville, quitte à sacrifier la création, rétrécir la vie culturelle et la réduire à une simple vitrine pour la com’ de l’équipe municipale.

A. Fouquet sait se faire avocat puisque c’était son métier. Mais l’exercice est difficile lorsqu’il s’agit de faire passer les coupes budgétaires et une vision purement utilitariste et marchande de la culture. Selon lui, singeant la formule vulgaire et populiste d’E. Macron sur les retraité.e.s, “il ne faut pas emm... les artistes”. [1] Cependant, en ce qui concerne les cinq points abordés par le journal, c’est exactement l’inverse qu’il se propose de faire.

Musées

A. Fouquet reconnaît que les musées se replient sur leurs collections propres et cessent d’organiser des grandes expositions (comme Niki de Saint Phalle), sans toutefois en avouer l’origine budgétaire. Tout ce dont il se réjouit en amoureux des chiffres, c’est du nombre d’entrées au musée des Beaux-Arts (160.000/an) comme s’il s’agissait d’un trophée de son équipe... Pour le reste, le vocabulaire utilisé (“potentiel énorme”, “événements”, “nous semons pour plus tard”) est celui en vogue chez les technocrates quand il veulent tirer un rideau de fumée. Notons enfin que, pour l’adjoint, Alexis Merodack-Jeaneau est un “peintre moderne”, même s’il est mort il y a déjà 99 ans... Il est vrai qu’en fait de modernité, le musée des Beaux-Arts ne va guère plus loin.

Art contemporain

On sait que les capitalistes aiment investir leurs surprofits dans certaines “œuvres contemporaines”. Les prix atteints sur le « marché de l’art » révèlent à la fois :
-  la marchandisation en “valeur d’échange” du “déploiement de la vérité” ou de la “promesse de bonheur” qui devrait être la “valeur d’usage” de l’art ;
-  le niveau d’accaparement par les capitalistes des richesses produites par le monde du travail ;
-  la corruption et l’opportunisme d’une fraction d’artistes en vogue ;
-  l’absence de réelle “valeur” que l’on peut accorder à la monnaie dès lors que des sommes astronomiques sont dilapidées pour certaines créations bâclées, éphémères, largement publicitaires et... sans “valeur”.

Mais en dehors des quelques artistes “internationaux” de la globalisation libérale qui peuvent bénéficier de la frénésie investisseuse, la culture dans toutes ses formes est au régime sec. Le candidat C. Béchu avait pendant sa campagne électorale promis de transformer la prison d’Angers (après son hypothétique déplacement à Trélazé) en “centre d’art contemporain”. Il y avait là la tentative d’apparaître comme n’étant pas totalement coupé du monde de la culture. Bien entendu, ce projet, qui aurait nécessité de grands fonds d’investissement, est tout bonnement enterré par le maire C. Béchu. A. Fouquet se défausse en évoquant un possible transfert en ce lieu de l’École supérieure des Beaux-Arts. C’est que la ville est effectivement plus experte en juteux projets immobiliers qu’en projets culturels. Ainsi le Chabada serait-il lui aussi déporté, près de la patinoire de Saint Serge, comme par hasard dans le cadre des fameux partenariats public-privé (PPP) dont le principal objectif (inavoué) est de siphonner les fonds publics au profit du privé...

Grand Théâtre

Pour le Grand théâtre d’Angers, A. Fouquet n’en peut plus : ce “joyau de l’architecture angevine” devrait cesser d’être “la salle de fêtes du village” et être réservé aux seuls “événements d’exception”. L’élitisme “assumé” de la municipalité contre toute culture populaire et locale se marie ici à sa volonté de financer du “théâtre parisien” privé lors d’hivernales du Festival (pourtant départemental) d’Anjou et de le mettre en concurrence avec le théâtre public “Le Quai”. Bref, de casser la création locale (une “culture en silo” selon A. Fouquet) au profit d’une création extérieure ! Nul doute que les artistes angevins apprécieront tant d’attention.

L’ONPL et le CNDC

Il est difficile pour la municipalité de s’opposer de front à un orchestre comme l’ONPL dont le succès et la qualité sont reconnus très largement. A. Fouquet renâcle tout de même un peu, se disant “vigilant auprès des grandes structures culturelles que nous finançons”, d’ailleurs chichement. Et il est clair que, pour l’instant, c’est le CNDC qui est davantage dans le collimateur puisque “avec l’ONPL ça se passe bien, surtout depuis l’arrivée de Pascal Rophé”. Mais le manque d’empathie pour la musique savante et la danse contemporaine se traduit par l’absence de développement d’A. Fouquet sur le sujet. Cela ne coûte-t-il pas trop cher ?

Angers-Nantes Opéra

On se souvient de la baisse drastique de la subvention municipale à l’ANO voulue par C. Béchu dès son arrivée à la mairie. Pourtant celle-ci était déjà notablement inférieure à celle de Nantes, même en rapportant le ratio aux populations des deux villes. Il faut donc une certaine mauvaise foi pour se lamenter comme A. Fouquet sur le problème “qu’Angers ne bénéficie pas de toutes les créations”. Son véritable argument est encore une fois le nombre, celui des entrées jugé apparemment trop faible (7000). Peu lui importe la qualité des spectacles ou le fait qu’un opéra coûte forcément plus cher qu’un quatuor à cordes compte tenu du nombre considérable de salarié.e.s du spectacle qui y sont impliqué.e.s. On ne l’a pas vu non plus poursuivre le petit effort que la municipalité précédente avait commis pour faire venir des habitants des quartiers périphériques. C’est que, même après la collaboration de l’ANO avec Rennes qui vise à réduire les coûts, A. Fouquet se proclame “vigilant sur les finances”. Il veut “rester crédible sans être dispendieux”, quitte à saboter la création locale pour “acheter des productions” à l’extérieur : la culture comme marchandise !

Dans la vision des technocrates qui nous gouvernent, la culture doit de surcroît être segmentée en fonction de publics divers, “élitiste” d’un côté, “populaire” de l’autre, mais toujours marchandisée. Nous considérons à l’inverse que la culture ne doit pas être une marchandise. Le niveau des subventions aux organismes culturels ne doit pas être décidé par quelques comptables obtus en fonction d’objectifs marchands mais pour participer de la vie culturelle de l’ensemble de la population. À cet égard, sacrifier, par exemple, la musique savante ou l’opéra ou la danse parce qu’ils ne seraient pas rentables et au prétexte qu’ils ne s’adresseraient qu’à une élite est inacceptable. L’objectif d’une véritable politique “culturelle” devrait être au contraire de les rendre accessibles à toutes et tous, sans les opposer démagogiquement à une culture “populaire” qu’il faut également dé-marchandiser. Cela passe aussi par une prise en compte théorique et pratique des arts plastiques et musicaux dans le système scolaire, à l’opposé de la caricature que l’on impose aujourd’hui aux enseignant.e.s et aux élèves. Un tel objectif ne pourra vraiment être atteignable que dans une société libérée du capitalisme et de son aliénation marchande. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faille pas dès aujourd’hui lutter en ce sens. Et donc combattre les politiques inculturelles des possédants et de leurs hommes de main.

La vie, la culture, valent plus que leurs profits !

28 octobre 2018, par NPA 49

[1] En l’occurrence, en ordonnant de “cesser d’emm... les retraités”, le président de L’État français voulait couper court aux velléités de taxation plus sévère des droits de succession émises par son entourage. Mais celles-ci n’aurait pourtant pu concerner que les héritiers de certains retraités aisés et non les retraité.e.s que le même président vient de taxer lourdement par la hausse de la CSG et la fin de la revalorisation des pensions en fonction de l’inflation !