En écho au récent mouvement des universitaires contre la politique néolibérale de la recherche, une interview du docteur Gérard Chaouat, immunologiste, chercheur CNRS, militant au Syndicat national de la recherche scientifique (SNCS-FSU) et de l’École Émancipée (ÉÉ), permet de mieux comprendre pourquoi les recherches sur les coronavirus ont été stoppées au milieu des années 2000. Et pourquoi plus généralement la recherche fondamentale est torpillée par les “appels à projets” qui ne visent qu’utilité marchande à court terme.
Bonjour, peux-tu d’abord brièvement te présenter ?
Je suis immunologiste, chercheur CNRS dans une unité INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) en milieu hospitalier, retraité depuis 2009 mais directeur de recherches émérite, et, à ce titre, en temps normal, je vais tous les jours à mon labo.
Commençons par le commencement : CoVid ?
C’est un « nouveau » virus, pour l’homme en tout cas, puisqu’il était présent depuis longtemps chez le pangolin et la chauve-souris (la transmission vient plus probablement d’elle). La séquence du génome l’a démontré. Il n’est nul besoin d’imaginer un complot de l’armée US ou des laboratoires chinois. Des transmissions de ce genre se sont déjà produites : Ebola, le Sida où là encore les théories du complot ont surgi alors que les équipes de Pasteur en France et au Cameroun (entre autres) ont démontré le rôle des chimpanzés et/ou du singe vert. C’est un virus « émergent », comme l’a été en son temps (2002-2003) le SARS-CoV-1, responsable du SRAS, lui aussi un coronavirus. Ils appartiennent à la même famille, qui n’a rien a voir avec les virus de la grippe, mais ce coronavirus là est nettement plus contagieux que le SARS-CoV-1.
Tu parles de virus émergents. Était-ce « prévisible » ?
Oui, et je renvoie d’ailleurs à l’excellent article du Monde diplomatique de mars [1]. La multiplication des épidémies et pandémies à intervalles de plus en plus rapprochés est pour beaucoup d’éco-scientifiques liée à la mondialisation : transports aériens (qui nous mènent en quelques heures là où les caravelles prenaient des semaines) et réseaux routiers « désenclavant » les petits villages auparavant isolés – ce qui limitait la propagation – se surimposant à l’envahissement/destruction d’écosystèmes à des fins mercantiles, provoquant inévitablement la « confrontation » de l’homme à des virus avec lesquels il n’a eu aucun contact récent. Dans notre cas, la survenue d’une nouvelle épidémie à SARS était inévitable. D’où l’existence de réseaux d’alerte.
Mais était-ce prévisible, donc pouvait-on avoir une action préventive ?
Il est difficile de dire « oui » dans la mesure où les recherches ad hoc ont été stoppées avant d’aboutir. Un petit parallèle avec d’autres virus est utile. Pour la grippe, par exemple, on « prévoit » les mutations à venir, de sorte que l’on vaccine chaque année contre l’épidémie qui va survenir. Cela n’exclut pas une mutation inattendue. Ça a été le cas du H1N1 (2009-2010), mais l’existence d’équipes en alerte continue sur le sujet a permis de détenir très vite un vaccin, et de vacciner en masse. On sait que la mortalité en Europe et USA a été estimée au préalable de façon excessive, ce qui a nourri en 2010, et ensuite, les soupçons de collusion entre OMS et industrie pharmaceutique pour écouler une surproduction vaccinale.
Là, pour les corona, c’est un peu l’inverse. La structure des virus corona permettait d’envisager un/des déterminant(s) antigénique(s) commun(s) permettant le projet d’un « pan vaccin » anti-corona. Un des meilleurs spécialistes français à ce sujet, Bruno Canard, mérite d’être cité longuement : « On venait alors de lancer de grands programmes de génomique structurale sur les virus pour essayer de ne pas être pris au dépourvu en cas d’émergence. La démarche est très simple : comment anticiper le comportement d’un virus que l’on ne connaît pas ? Eh bien, simplement en étudiant l’ensemble des virus connus pour disposer de connaissances transposables aux nouveaux virus. Un projet européen lancé à cette fin à l’époque a été suivi d’autres programmes. L’irruption du SARS-CoV en 2003 a illustré la pertinence de cette démarche. Cela nous a conduits à décrire une première structure cristallographique dès 2004. […] Je pense qu’énormément de temps a été perdu entre 2003 et aujourd’hui pour trouver des médicaments. En 2006, l’intérêt pour le SARS-CoV avait disparu ; on ignorait s’il allait revenir. Nous avons alors eu du mal à financer nos recherches. L’Europe s’est dégagée de ces grands projets d’anticipation au nom de la satisfaction du contribuable. Désormais, quand un virus émerge, on demande aux chercheurs de se mobiliser en urgence et de trouver une solution pour le lendemain. Or, la science ne marche pas comme cela. Cela prend du temps et de la réflexion. […] J’ai pensé à tous les projets ANR (Agence nationale de la recherche) que j’ai écrits, et qui n’ont pas été sélectionnés. J’ai pensé à ce projet ANR franco-allemand, qui n’a eu aucune critique négative, mais dont l’évaluation a tellement duré qu’on m’a dit de le redéposer tel quel un an après, et qu’on m’a finalement refusé faute de crédits. » [2]
Tu veux dire que des projets de recherche sur des « pan vaccins » existaient et qu’ils n’ont pas été financés ?
Oui. D’abord, ça prend du temps de rédiger des projets et de les soumettre pour ne pas survivre qu’avec de maigres projets récurrents. Ensuite, il faut attendre et, en France, les projets retenus par l’Agence nationale de la recherche ne sont qu’une fraction des projets soumis, et c’est la même chose au niveau européen.
De plus, ces projets sont soumis en réponse le plus souvent à des « appels d’offres » qui correspondent aux sujets « en pointe », « prioritaires », à la mode ou « susceptibles de débouchés importants »… On voit ici, je vais y revenir, le danger de collusion public-privé…
Tu veux dire que les établissements français de recherche ne sont plus subventionnés comme « avant » ?
Oui. Quand j’ai démarré la recherche je fonctionnais très bien avec les seuls crédits d’État récurrents (normalement reconduits d’année en année). Puis sont apparus, à la fin des années 1970, les « actions thématiques programmées ». Mais elles représentaient une « cerise sur le gâteau ».
La situation s’est vite dégradée sous Chirac, puis Sarkozy et Hollande. D’abord, les crédits récurrents – hors grands instruments et programmes spatiaux – ont été rognés systématiquement, en dépit des promesses d’atteindre le niveau, défini par l’Europe, de 2 puis 3 % du PIB… Actuellement, un labo INSERM – favorisé par rapport au CNRS – ne fonctionne qu’à 25-30 % sur crédits récurrents, 15 à 20 % pour le CNRS. Puis sont venus les financements « privés », qui certes (ARC, LNFCC pour le cancer, legs à Pasteur ou à Curie) existaient déjà, mais une nouvelle ampleur a été donnée par Téléthon et Sidaction (« La recherche ne doit pas vivre de quêtes » reste un slogan d’actualité). Puis les fameux projets ANR.
Tu parais très critique sur la recherche sur projets…
Soyons clairs : jamais au Wellcome Research Institute ni au NIH (Bethesda, près de Washington, USA) on ne m’a demandé dans les années 1973-1974 puis 1980-1981 mon projet comme « exchange fellow » puis « visiting scientist », ni à mon retour sous Mitterrand et même Chirac au début. J’avais, attention – comme on l’a encore – une évaluation annuelle sur « rapport d’activité », et le labo était évalué tous les quatre ans, avec dépôt d’un nouveau projet pour reconduction ou fermeture. La recherche en réponse sur projets change tout. Hors thématiques que l’on ne peut abandonner (la recherche sur le Sida en est un exemple), ça donne beaucoup de définitions programmatiques par des technocrates… Or, comme disaient les manifestants au temps de « Sauver la Recherche », sous Fillon, « l’ampoule électrique n’a pas été inventée en faisant des programmes sur la prolongation de la vie et l’amélioration de la luminosité de la bougie ». Puis sont venues les fausses déclarations sur les budgets en augmentation, et en parallèle les coupes de postes… et l’arrivée des partenariats public-privé.
Le privé joue un rôle ?
Eh oui ! Merci Jospin, merci Allègre (et aussi Geismar), et la loi innovation recherche qui permet de créer des start-up à côté de son labo, mais aussi le crédit impôt recherche, don de milliards d’euros au privé sans retour vérifié, Cour des comptes dixit. Dans un certain nombre de cas, start-up et grosses boîtes pharmaceutiques deviennent de fait co-directeurs du labo… public.
Et les postes ?
Alors là, cata absolue : chute des postes, développement de la précarisation – très net en biologie mais pas que là –, d’où les premières manifestations sous Fillon, et la manifestation récente des collectifs de laboratoires.
Macron annonce une augmentation du budget recherche sur 10 ans… D’abord, le compte n’y est même pas, comme le souligne le communiqué du Syndicat national des chercheurs scientifiques (SNCS). Ensuite, on a l’habitude de ces annonces. Tant qu’il n y aura pas de vote sur ça au Parlement, je resterais plus que sceptique… Pour moi, ce qui compte, c’est la situation actuelle qui est quasi catastrophique…
Alors, le virus ?
Bon, on aurait pu sans doute avoir un vaccin et/ou des traitements prêts… Mais ça, c’est un investissement sur l’avenir. Pas toujours à fonds perdus, parfois oui. C’est comme les machines à amplification génique (PCR, Polymerase Chain Reaction) pour détecter le virus. En avoir un nombre apparemment surdimensionné aurait en fait permis un dépistage à large échelle et une stratégie à la coréenne. Alors, bon, comme dit Bruno Canard, des chercheurs vont être mobilisés en urgence sur un « crash program »… Trop peu, trop tard. Et là encore, avec œil du privé qui, depuis les années 1990, investit peu en vraie recherche, mais engrange les profits. Alors qu’on a refusé entre 2009 et 2019 d’investir dans des projets fondamentaux(j’ai pris Canard comme exemple, il y en a d’autres).
La recherche, comme les infrastructures hospitalières, est un investissement sur l’avenir et le public, pas une « short run », à flux tendu, avec personnel précarisé, pour profits immédiats. Une politique, disons-le, et on le voit à chaque crise, criminelle.
[1] Sonia Shah, « Contre les pandémies, l’écologie », le Monde diplomatique, mars 2020.
[2] « Face aux coronavirus, énormément de temps a été perdu pour trouver des médicaments », lemonde.fr, 29 février 2020.
- samedi 27 juillet de 15h à 16h : Rassemblement de solidarité avec le peuple palestinien à l’appel de l’AFPS49, place du Ralliement à Angers. Point d’information sur la situation (Bande de Gaza, Cisjordanie et Jérusalem-Est).
- du dimanche 25 au mercredi 28 août : Université d’été du NPA-l’Anticapitaliste (accueil samedi 24 à partir de 14h, départ jeudi 29 après le petit-déjeuner) au Village vacances Rives des Corbières à Port-Leucate. Brochure ; Inscriptions en ligne
- Voir aussi Alter49.org, l’agenda alternatif 49, et Le Cercle 49.
En dépit de la période estivale, près de 150 personnes se sont rassemblées jeudi 18 juillet à midi devant la préfecture d’Angers à l’appel de la CGT. Outre la CGT, étaient visibles des délégations de FO, de LFI, des JC et du PCF, des deux NPA et du groupe des Gilets jaunes angevins. CGT et FO ont toutes deux assuré les prises de parole, notamment par la lecture de l’appel national de la CGT « La démocratie et la République ont gagné ! Les exigences sociales doivent être entendues ! ».
En Maine-et-Loire, les votes du 1er tour aux législatives de 2024 ont montré une forte progression de la participation relativement à 2022. Malheureusement, ces nouveaux votants ont pour moitié voté pour l’extrême droite. De plus, celle-ci n’a pas régressé au second tour, bien au contraire. Enfin, c’est dans le monde rural que le RN a considérablement augmenté son électorat, en dépit du caractère fantomatique de plusieurs de ses candidats (ne participant pas aux débats télévisés, notamment). Tout cela on peut le constater dans le relevé des votes que l’on peut télécharger ICI. Les réponses politiques et militantes à cette dérive mortelle d’une population qui se définit souvent comme “apolitique” sont à trouver d’urgence. Un défi à relever pour le Nouveau Front populaire...
La campagne du candidat Horizons de la 1e circonscription, F. Gernigon, ne sort décidément pas de la grossièreté dans laquelle son mentor, C. Béchu, l’a plongée dès le début de la campagne des législatives. Ainsi sa profession de foi officielle relativise-t-elle d’emblée le « risque RN », selon elle « écarté », et tire à feux nourris contre la candidate du Nouveau Front Populaire (NFP), l’écologiste Elsa Richard, métamorphosée en « candidate de M. MELANCHON ». Le NFP, rebaptisé « “Front populaire” » (sans “Nouveau”) serait « sous la coupe de LFI » et associé à « bon nombre de groupuscules révolutionnaires violents », lesquels ne sont pas évidemment pas nommés... L’air de la calomnie et l’agitation du chiffon rouge sont donc toujours prisés à droite. Et surtout, quoique que F. Gernigon aie pu dire lors du débat qui l’a opposé à Elsa Richard sur FR3, il reprend la ligne de C. Morançais (affirmée ouvertement) et de C. Béchu (affirmée hypocritement) de banalisation du RN et de diabolisation de la gauche toute entière. Soit le fameux mot d’ordre de la droite extrême de l’entre deux-guerres : « Plutôt Hitler que le Front populaire ». Rien de très “modéré”, là dedans... Seulement une vieille droite crispée sur ses privilèges et déjà prête, comme hier, à pactiser avec le diable.
Samedi 29 juin à 10h30, s’est tenu, à l’appel de l’AFPS49, d’associations et de syndicats, le rassemblement hebdomadaire pour un cessez-le-feu à Gaza, place du Ralliement à Angers. En dépit de la pluie et surtout de l’énergie drainée par la campagne électorale du 1er tour jusqu’à la veille au soir, ce sont 150 personnes qui sont venues écouter le représentant de l’AFPS49 (qui a notamment lu une longue tribune de l’Union Juive Française pour la Paix) et des lectures de poèmes palestiniens, avant de scander : “Halte au massacre à Gaza !”. Un pique-nique devait suivre à partir de 12h dans les jardins du musée Jean-Lurçat, ainsi qu’une journée des musiques orientales au même lieu à partir de 14h, organisée par l’association Al-Kamandjati.
L’Alternative (soutenue par Ensemble, le NPA, PEPS, Rejoignons-nous) organisait jeudi 27 juin au Cirque électrique (75020) une grande soirée festive de soutien au Nouveau Front Populaire et aux luttes sociales et écologiques, avec des militant·es des mouvements sociaux, des quartiers populaires et de la gauche alternative, et notamment Olivier Besancenot (NPA), Annick Coupé (militante syndicale et associative), Alexis Cukier (Rejoignons-nous), Marjorie Keters (Peps), Mimosa (Les Inverti.e.s), Jean-François Pellissier (Ensemble !), Omar Slaouti (militant antiraciste), Ritchy Thibaut (Peps). La vidéo en est disponible sur YouTube (OB à 2h45 pendant 10mn).