En janvier, face à la montée des violences policières et aux nombreuses blessures graves qu’elles ont provoquées parmi les manifestant.e.s (jusqu’à présent, au moins 1 décès, 235 blessures et fractures graves au visage et à la tête, 23 éborgné.e.s, 5 mains arrachées ; voir ici), le mouvement de la paix avait initié une lettre-pétition aux député.e.s de chaque département. À ce jour en Maine-et-Loire, seuls deux élu.e.s sous l’étiquette LREM (N. Dubré-Chirat et M. Orphelin) ont envoyé aux pétitionnaires ce qui semble à leurs yeux tenir lieu de réponses. Or, ces réponses n’en sont pas car, face à l’interpellation précise de la pétition (suspension de l’usage des LBD et grenades GLI-F4), ils bottent en touche et justifient les violences policières...
Lettre-pétition
Mesdames et Messieurs les député-es,
Tout comme le défenseur des droits le préconise depuis janvier 2018, nous exigeons que l’usage des lanceurs de balle de défense (LBD), ou flash-ball, ainsi que l’usage des grenades à charge explosive du type GLI-F4, soient immédiatement suspendus, puis que ces armes soient définitivement interdites dans le cadre du maintien de l’ordre en raison de leur ’dangerosité’ et des ’risques disproportionnés’ qu’elles font courir.
Recevez l’expression de mes salutations respectueuses.
Réponse du 6 février 2019 de Nicole Dubré-Chirat, députée de la 6ème circonscription de Maine-et-Loire :
Je vous remercie pour votre sollicitation,
Depuis quelques mois, nous faisons face à de nouvelles formes de manifestations très violentes avec des jets de projectiles, de pavés en granit, d’acide, de boules de pétanque, de cocktail molotov contre les forces de l’ordre. Il s’agit d’un niveau de violence rarement atteint et sortant de l’ordinaire. Malgré tout, les forces de sécurité agissent dans un cadre légal précis qui impose les principes d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité de l’emploi de la force, que ce soit en matière de légitime défense ou pour disperser un attroupement. Ainsi, les policiers ont recours au LBD lorsqu’il est nécessaire et proportionné pour dissuader ou neutraliser une personne violente ou dangereuse, pour faire face à des violences ou des voies de fait exercées contre eux-mêmes ou lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent. Ils ne doivent alors pas viser au-dessus des épaules. De plus, les manifestations récentes ont été caractérisées par des actions violentes de groupes très mobiles qui harcèlent les forces de l’ordre. Cette mobilité des auteurs des troubles graves à l’ordre public peut exceptionnellement entraîner un écart entre le point visé et le point touché malgré le dispositif de visée intégrée au LBD. Il demeure que les forces de l’ordre agissent dans un cadre légal et avec les moyens à leur disposition. Je tiens à vous rappeler que vous estimez que les règles et les principes précités n’ont pas été respectés, vous pouvez saisir l’autorité judiciaire afin qu’une enquête judiciaire soit ouverte.
En restant à votre disposition, Bien cordialement,
Réponse du 3 avril 2019 de Matthieu Orphelin, député de la 1ère circonscription de Maine-et-Loire :
Je vous remercie de m’avoir contacté et ai bien noté vos vives inquiétudes liées à l’usage d’armes de défense dont les LBD.
Le gouvernement a clarifié la doctrine sur les conditions imposées au recours à ces armes de défense. Des caméras ont été mises en place afin de garantir le respect de ces limitations, et d’assurer leur suivi opérant, tout en mettant en place de nouvelles exigences de transparence. Par ailleurs, à chaque fois qu’il y a un doute sur un usage abusif, l’inspection générale de la police nationale est systématiquement saisie, et, en cas d’ouverture d’enquêtes judiciaires, je fais toute confiance dans l’impartialité et la justice pour que chaque abus soit sanctionné. A Angers, lors des deux manifestations qui ont dégénéré, j’ai vu la violence des casseurs et les menaces graves portées sur ceux qui assurent la sécurité de tous. J’ai passé de nombreux samedis avec les gardiens de la paix. Les forces de l’ordre ont toute ma confiance, faisant preuve de professionnalisme et de discernement, dans un contexte difficile. Les gendarmes, policiers et CRS mobilisés ne peuvent raisonnablement être dépourvus de moyens non seulement de se défendre, mais également de protéger les manifestants et plus globalement tous les citoyens.
Soyez assuré de ma mobilisation et de ma vigilance sur ce sujet. Bien à vous,
Les deux lettres présentent des ressemblances évidentes tant elles ressortissent du même discours gouvernemental, légitimant la violence de L’État contre des personnes au nom de dégradations du mobilier urbain commises par quelques individus et de heurts avec les troupes de police le plus souvent provoqués par la volonté de L’État néolibéral autoritaire de restreindre le droit de manifestation. Cependant, elles présentent certaines différences, et pas seulement parce que M. Orphelin (ou son attaché de communication) a attendu trois mois avant de répondre.
La lettre de Mme Dubré-Chirat révèle en creux les barrières que se construisent les macronistes pour ne pas voir ce qui se passe autour d’eux et pouvoir justifier l’injustifiable au nom d’un soi-disant “moindre mal”. Elle évoque les LBD comme d’armes de riposte “proportionnées” visant à “dissuader ou neutraliser” (peut-être faudrait-il lui rappeler que, dans le vocabulaire militaire, “neutraliser” est le quasi synonyme de “tuer”). Eu égard au bilan humain de la répression des manifestations de gilets jaunes, on peut toutefois lui poser la question de quelle “proportion” il s’agit quand un œil est annihilé ou quand une mâchoire est cassée (organes qui se situent “au-dessus des épaules”, ce que cette ancienne cadre supérieure de santé dans la fonction publique hospitalière devrait pourtant savoir). D’autant plus que la plupart des victimes n’avaient commis que le seul crime de se trouver là (tel Jérôme Rodriguez à Paris, éborgné alors qu’il était en train de filmer ; et bien d’autres vidéastes ont été frappés de cette manière, comme par hasard...) Que l’on sache, aucun policier n’a eu un œil ou une main arrachés et, de toutes façons il n’y a aucune symétrie à faire entre manifestant.e.s et forces de police. Les secondes sont, paraît-il, mobilisées pour agir dans le cadre de lois (dixit Mme Dubré-Chirat). Elles ne devraient donc pas l’être pour jouer à la guerre civile et surtout servir de béquille à un pouvoir politique devenu illégitime aux yeux d’une grande partie de la population. On peut évidemment tenir un raisonnement de Tartufe à la Macron : “nous sommes dans un État de droit, donc il n’y a pas de violences policières” [1]. Mais celui-ci s’inverse aisément ; dès lors que des violences policières sont constatées, sommes-nous encore dans un État de droit ? La récente validation (à la seule exception de l’article 3) de la loi “anti-casseurs” par le très réactionnaire Conseil constitutionnel montre que celui-là est pour le moins bien amoché...
La “réponse” de M. Orphelin est encore un peu plus baroque. Pour lui, tout est arrangé par l’installation de caméras. On a pu voir avec la charge de police niçoise qui a failli tuer Mme Legay que celles de la police ne sont pourtant pas très performantes. Il a fallu une semaine au procureur (alors que, selon ses dires, il disposait de vidéos de “bonne qualité”) pour reconnaître sous la pression de témoignages, vidéos et photos diffusées par Le Monde, Libération et Médiapart que c’était bien un policier qui avait projeté à terre la septuagénaire et qu’elle n’était pas tombée “toute seule”. Dans un article du 6 avril, Médiapart [2] montre également toutes les difficultés qu’ont les victimes de violences policières à agir en justice, avec des délais incroyablement longs et des condamnations des plus légères, quand il y en a...
M. Orphelin croit bon de faire une tirade sur le “professionnalisme” des forces de l’ordre et les terribles dangers (quelques poubelles incendiées, du matériel de chantier endommagé) qu’auraient fait peser sur l’ordre public deux (sur 20 !) manifestations de gilets jaunes à Angers. Il oublie évidemment que, s’il y a eu des incidents, c’est parce qu’il y avait eu interdiction de manifester dans le centre-ville et tirs de grenades de lacrymogènes sur les contrevenants (et aussi les passants !) Heureusement à notre connaissance, il n’y a pas eu de tirs de LBD ou de grenades GLI-F4 à Angers jusqu’à présent. Or, c’est sur cet usage d’armes à létalité dite “réduite” que M. Orphelin était interrogé, pas sur les bons rapports que cet ancien élu régional EELV devenu député sous l’étiquette LREM entretient avec les policiers. Ceux-ci ne sont d’ailleurs que des exécutants. Ce ne sont pas eux qui décident d’utiliser des LBD et grenades GLI-F4 (même s’ils peuvent en de très rares occasions jouer le rôle de lampistes). C’est le gouvernement que soutient M. Orphelin, sans doute au nom de la même logique de “moindre mal” que Mme Dubré-Chirat.
L’utilisation d’armes mutilantes par la police est inacceptable quelles que soient les circonstances. De même, ce n’est pas parce que des manifestations sont non déclarées, voire interdites par l’État français (elles le sont de plus en plus), que cela justifie la moindre violence (des lacrymogènes aux charges de CRS, flash-balls et GLI-F4) contre des manifestant.e.s pacifiques. Qui justifie de telles dérives liberticides au nom d’un prétendu “moindre mal” sert de marche-pied à ceux qui rêvent d’en finir avec toute vie démocratique dans ce pays et d’imposer leur talon de fer.
« Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal. »
Hanna Arendt, Responsabilité et jugement, Petite bibliothèque Payot, 2003, p.79
[1] « Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit. », Emmanuel Macron, Gréoux-les-bains, jeudi 7 mars 2019.
[2] Les victimes des tirs policiers face à l’impunité, par Karl Laske et Pascale Pascariello
- du vendredi 24 au dimanche 26 mars : mobilisation dans le Poitou pour la défense de l’eau à l’appel de Bassines Non Merci et des Soulèvements de la Terre. Le 24 : arrivée de tracteurs de toute la France et, le soir, Forum international sur la défense de l’eau avec des délégations de différents pays et continents. Le 25 à 10h : manifestation « Fin de chantier » et, le soir, concerts, banquets et festivités à Melle (79500). Le 26 : assemblées, tables rondes, cantines, balades naturalistes, concerts…
- samedi 25 mars de 16h00 à minuit : Fête de Lutte Ouvrière, Salle Aragon, 1 rue Joseph Bara, Trélazé (arrêt Malaquais du bus n°2).
- mardi 28 mars : grève contre la “réforme” des retraites à l’appel de l’Intersyndicale. Manifestations à 10h à Cholet (pl. Travot) et Segré (pl. du port) ; à 14h à Angers (pl. Leclerc) et Saumur (pl. Bilange).
- mercredi 29 mars à 19h : concert de solidarité avec les grévistes, salle Emstal aux Ponts-de-Cé, organisé par LFI.
- samedi 1er avril à partir de 14h30 : “Huit heures pour la Palestine” au centre Marcelle Menet à Angers.
- dimanche 2 avril après-midi : “Un autre monde est nécessaire”, initiative du Cercle 49 dans la grande salle du centre Jacques Tati de Belle-Beille (Angers). Projection du film Rosmerta.
- Voir aussi Alter49.org, l’agenda alternatif 49, et Le Cercle 49.
En août 1940, Léon Trotsky, devenu l’ennemi juré de Staline, est assassiné à Mexico par l’Espagnol Ramón Mercader. Dans un documentaire à la mécanique de thriller, « Trotsky, un homme à abattre », Marie Brunet-Debaines (réalisatrice de “L’Ombre de Staline” (2013), “Antoine de Saint-Exupéry, le dernier romantique” (2016), “John Huston, une âme libre”, etc.) revient sur cette incroyable opération commanditée directement par Staline. Elle entraîne le spectateur dans un véritable thriller historique, nourri d’images tournées dans le Mexico d’aujourd’hui, d’archives choisies et de scènes de fiction. Son film diffusé sur Arte.tv - qui par ailleurs ne prétend pas développer une analyse politique approfondie - s’appuie sur une solide documentation, puisée, entre autres, dans les souvenirs publiés par Jean van Heijenoort, secrétaire et traducteur de Trotsky de 1932 à 1939. Cette enquête haletante éclaire aussi les dernières années, intimes et politiques, de l’un des artisans majeurs de la révolution bolchevik, qui paya de sa vie son opposition à Staline.
Le 17 septembre 2022, l’ONG socialiste ukrainienne Sotsialny Rukh (SR – Mouvement Social) tenait sa conférence nationale à Kyiv. Catherine Samary revient (ICI) sur cette conférence nationale dans une longue analyse publiée sur le site de la 4e Internationale. Loin de se contenter d’un simple compte-rendu factuel et ponctuel, Catherine Samary entend éclairer ce qu’est le profil spécifique de cette jeune gauche, à partir de sa pratique militante au cœur de la société ukrainienne et en rupture avec les grandes interprétations contradictoires dominantes de « l’Euro-Maidan » (2013-2014) qui divisent la gauche et sont exploitées par Poutine.
Figure marquante de la Quatrième internationale et de mai 68, porte parole pendant trois décennies de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), député européen, Alain Krivine, c’est l’histoire d’une trajectoire qui a croisé les grands événements de l’Histoire du XXe siècle. Sans jamais renoncer à son idéal révolutionnaire de jeunesse, il n’a cessé de se battre, jusqu’à la création du NPA. À travers les récits de ses anciens camarades tels que Edwy Plenel, Michel Field, Romain Goupil, mais aussi Arlette Laguiller, Olivier Besancenot et Ariane Chemin, se dessine dans un documentaire de Jeanne Lefèvre, “Alain Krivine : une vie en rouge”, le portrait d’un éternel militant, qui a toujours su s’adapter aux changements du monde. On peut cependant regretter l’absence dans le film de maints combats de la LCR et d’Alain, qu’ils soient internationalistes (soutiens à la Charte 77 en Tchécoslovaquie, au premier Solidarnosc en Pologne, lutte contre les guerres en Palestine, au Liban ou en Irak, etc.) ou sociétaux (féminisme ou lutte des sans-papiers à peine évoquées, écologie, etc.). À voir sur LCP et sur Dailymotion !
Alors que les effets du désastre climatique deviennent chaque jour plus évidents, qu’une gigantesque crise multiforme se précise, la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine trouve les gauches européennes divisées, souvent paralysées, presque toujours désorientées. Ainsi Alain Bihr et Yannis Thanassekos ont-ils publié un texte des plus discutable sur le site de la revue Contretemps, sous le titre « La guerre en Ukraine, le récit dominant et la gauche anti-impérialiste ». Des camarades ont souhaité y répondre dans la même revue pour exprimer d’importants désaccords et affirmer la nécessité de soutenir le peuple ukrainien face à l’agression impérialiste de la Russie de Poutine. Ce texte, intitulé ironiquement « Une gauche enrôlée dans une croisade antirusse sous la bannière étoilée ? », est signé par Sébastien Abbet, Daniel Bonnard, Geneviève de Rham, Alain Gonthier, Denys Gorbach, Robert Lochhead, Elisa Moros, Hanna Perekhoda, Philipp Schmid, Giuseppe Sergi, Daniel Tanuro, Jean Vogel et Christian Zeller.
Élaboré collectivement par des militant.e.s des cinq continents de la Commission écologie de la IVe Internationale pour analyser la crise climatique et environnementale du capitalisme et proposer une alternative écosocialiste, le dernier numéro (n°661) de la revue Inprecor constitue un document programmatique essentiel, de la taille d’un livre. Intitulé “La Destruction capitaliste de l’environnement et l’alternative écosocialiste”, ce manifeste de l’écosocialisme revient successivement sur l’accélération de la destruction de l’environnement et ses conséquences dramatiques pour l’humanité et la nature, la crise écologique en tant que résultat d’un capitalisme intrinsèquement productiviste, l’alternative écosocialiste à construire autour de revendications transitoires radicales, les débats en cours, l’issue révolutionnaire nécessaire. À lire absolument. On peut le commander à la librairie La Brèche ou le demander aux militant.e.s du NPA49.