Japon : vers un nouveau Tchernobyl ?

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Un accident nucléaire majeur gravissime se déroule actuellement au Japon, d’une gravité comparable à celle de l’accident de Three Mile Island aux USA et peut-être même de celui de Tchernobyl d’il y a tout juste 25 ans. Retour sur les dangers de l’industrie nucléaire au Japon... et en France.

Une explosion a eu lieu dans le réacteur n°1 de la centrale de Fukushima Daiichi [1]. "L’explosion s’est produite entre 15H30 et 16H00 heure locale dans le réacteur N°1 de la centrale nucléaire, située à 250 km au nord de Tokyo" [2]. La structure externe du bâtiment réacteur a explosé [3], et le toit du bâtiment réacteur s’est effondré de l’aveu même de l’exploitant TEPCO. [4]

Des fuites de radioactivité très importantes ont lieu depuis des heures. La radioactivité reçue en une heure par une personne se trouvant sur le site égale la dose admise pour une année entière. 50 000 personnes ont été évacuées du périmètre de 20 km autour des deux centrales de Fukushima (distantes de 11km) [5]

Une vidéo de l’explosion et toutes les informations sont mises en ligne au fur et à mesure sur le blog du réseau Sortir du Nucléaire dont fait partie le NPA : http://groupes.sortirdunucleaire.org/blogs/alerte-nucleaire-au-japon-apres-un/

La situation nucléaire au Japon est gravissime : 11 centrales ont été arrêtées en urgence, 5 réacteurs connaissent des problèmes graves de refroidissement démultipliant le risque d’un accident nucléaire, 45 000 personnes ont été évacuées.

Selon les premières informations, le réacteur accidenté avait bien été mis à l’arrêt après le séisme de la veille au Japon, mais le système de refroidissement qui doit être maintenu longtemps après l’arrêt (notamment du fait du fait de la désintégration continuée des produits de fission) n’a pas fonctionné (malgré l’existence normalement prévue d’un système de secours). La température du cœur est montée au dessus de la température de dissociation de la vapeur d’eau, soit au dessus de 1000°C [6]. L’hydrogène produit par cette dissociation et/ou par l’oxydation des gaines du combustible s’est recombiné avec l’oxygène à l’intérieur du bâtiment, provoquant une explosion chimique. Une fusion des barres et du réacteur est donc probablement à l’œuvre. Du césium radioactif a d’ailleurs été détecté aux alentours de la centrale. L’accident apparaît pour l’instant analogue à celui de Three Mile Island. Mais, en raison de la possible fusion du cœur du réacteur (possibilité favorisée en cas d’utilisation de combustible MOX -extrêmement toxique par ailleurs-), il peut évoluer vers un Tchernobyl d’un autre type si les barrières de protection sautent les unes après les autres, à l’instar du bâtiment qui déjà s’est effondré. Dans le pire des scénarios, il se forme une masse en fusion qui fait fondre la cuve et s’enfonce d’abord dans l’enceinte de confinement puis dans le sol. La formation continue d’hydrogène peut parallèlement entraîner d’autres explosions chimiques, favorisant la dissémination des éléments radioactifs.

Les représentants de l’industrie nucléaire se succèdent aux micros des radios et télévisions, tentant maladroitement de rassurer en expliquant que plusieurs barrières (dont l’enceinte de confinement) n’ont pas encore été rompues et qu’une simple contamination limitée est à attendre. Quoi qu’il en soit, cet accident majeur apporte une nouvelle fois que le "risque zéro" n’existe pas (la nature a plus d’un tour dans son sac, et les humains ne sont pas en reste) et que la multiplication des barrières n’empêchent jamais l’improbable. Or, si cet improbable survient, les dégâts sont irréversibles et d’une ampleur insupportable.

Il est vrai que l’industrie nucléaire japonaise n’en est pas à son premier accident. Entièrement privée, elle court d’abord après le profit et ne remplit pas toujours le cahier des charges (l’État fermant les yeux). L’accident survenu en 1999 dans l’usine de fabrication de combustibles nucléaires de Tokaï Mura en est l’illustration. Pour des raisons de rentabilité, une cuve trop grande et de géométrie inadaptée avait été utilisée dans une opération de dissolution de poudre d’uranium enrichi en isotope 235 dans de l’acide nitrique. Les neutrons produits par fission n’avaient pu suffisamment s’échapper du milieu en raison d’un circuit d’eau de refroidissement rendu nécessaire par la masse (trop) importante de nitrate d’uranyle (l’eau renvoyait les neutrons vers le combustible, accélérant les fissions nucléaires). Un accident de criticité était alors survenu. deux ouvriers avaient été tués et plus d’une centaine d’ouvriers et pompiers irradiés (dont un cas très grave). [7]

Mais que dire de l’industrie nucléaire française en voie de privatisation totale ? Est-elle à l’abri de ces dérives, en admettant que même sans ces dérives un accident ne puisse y survenir ? Rappelons que la tempête de 1999, accompagnée d’une forte montée des eaux, avait failli entraîner un incident majeur dans la centrale de Blaye et que ce type d’incident peut parfaitement se reproduire. Ironie sinistre du calendrier, le tribunal administratif (TA) de Strasbourg a rejeté le 9 mars la demande de fermeture immédiate de la plus ancienne centrale nucléaire française à Fessenheim (Haut-Rhin). Or, cette centrale construite sur une faille géologique serait incapable de faire face à des épisodes sismiques et d’inondation tels que ceux que viennent de connaître les Japonais. De plus, et le TA l’a pourtant reconnu, elle rejette des effluents radioactifs en violation de la loi sur l’eau de 1992. Le lobby nucléaire s’est avéré ici le plus puissant.

L’industrie nucléaire est dangereuse au plus haut point parce qu’un accident majeur aurait des conséquences dramatiques et durables sur tout notre environnement et sur notre santé. De plus, elle produit des déchets ultimes qu’on ne saura jamais traiter et qui resteront une épée de Damoclès des générations après nous. Enfin, elle s’accompagne toujours d’une haute protection policière et militaire et peut être détournée très facilement à des fins militaires. Aujourd’hui, elle est plus que jamais une industrie capitaliste à la recherche de profits et nullement de la satisfaction des besoins de la population. Il faut sortir du nucléaire au plus vite, avant qu’il ne soit trop tard. À nous de construire un mouvement pour refuser la relance du nucléaire que préparent Sarkozy et les dirigeants bourgeois d’AREVA et d’EDF.

Au delà, se pose le débat sur la place de l’énergie dans nos sociétés. Le NPA se prononce pour les énergies renouvelables et la réduction de la consommation des énergies fossiles. Mais cela passe par un contrôle démocratique de ce processus, qui ne saurait être laissé aux mains d’autres entreprises (éco ?)-capitalistes, également avides de profit. Il faut un secteur public de l’énergie sous contrôle de la population et une réorganisation profonde des modes de production. Compte tenu de l’accélération des dégâts écologiques à l’œuvre sur la planète, il y a urgence à ce que tous les écologistes se rallient à des positions anticapitalistes conséquentes et qu’avec l’ensemble du mouvement social ils travaillent au renversement d’un système capitaliste qui a fait faillite.

12 mars 2011, par NPA 49

[1] "Jiji news agency said there had been an explosion at the stricken 40-year-old Daichi 1 reactor and TV footage showed vapor rising from the plant"

[2] AFP 12.03.11 9h58 Japon : explosion à la centrale nucléaire de Fukushima

[3] "NHK television said the outer structure of the building that houses the reactor appeared to have blown off, which could suggest the containment building had already been breached."

[4] http://english.kyodonews.jp/

[5] AFP 12 mars 2011

[6] La thermolyse de l’eau commence à devenir significative vers 750 °C, et elle est totale vers 3 000 °C

[7] Clés, n°45 revue du CEA, automne 2001