En 2019, passer de la colère à la critique radicale du capitalisme !

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L’année 2019 s’annonce décisive en France. Quoique déstabilisé et impopulaire, le gouvernement Macron entend poursuivre ses réformes néolibérales de casse des services publics et de régression sociale (chômage, retraites...), et une politique économique productiviste suicidaire pour la planète. Le mouvement social doit absolument le bloquer. Mais l’urgence sociale et écologique commande d’aller au-delà. C’est une autre société qu’il faut mettre en place, solidaire, égalitaire et prenant en compte les exigences environnementales. À l’instar de l’actrice Corinne Masiero (Télérama n°3959), nos vœux pour 2019 sont ceux d’une révolution !

Deux colères en 2018 : sociale et écologiste

Gilets jaunes : révolte sociale pour la survie

La colère qu’a exprimée fin 2018 le mouvement des gilets jaunes, et qu’il va continuer à exprimer, c’est celle des frigos vides, des chômeurs et des chômeuses, des smicard.e.s, des précaires, des intérimaires, des temps partiels, des salarié.e.s des TPE (Très Petites Entreprises) et des PME, du commerce, des retraité.e.s avec leurs petites pensions. Et, surtout, des femmes seules, dont le rôle est absolument prépondérant dans cette révolte. Sur les barrages, les ronds-points, ou les plateaux de télévision, quelle force, quel courage ! L’écrivain Édouard Louis, dans un texte, décrit les gilets jaunes : « des corps souffrants, ravagés par le travail, par la fatigue, par la faim, par l’humiliation permanente des dominants à l’égard des dominés, par l’exclusion sociale et géographique, je voyais des dos broyés, des regards épuisés ». Ces gilets jaunes bousculent le capitalisme, la fable grotesque du “ruissellement” [1], la morgue, l’arrogance d’E. Macron (qui n’a toujours pas compris que l’on ne parle pas du “peuple” en public comme on en parle dans les cercles fermés de la bourgeoisie) et des dirigeants politiques en général. Ils se mobilisent pour les droits démocratiques, pour la justice fiscale, le retour de l’ISF, pour des services publics dans les territoires, la revalorisation du Smic, des salaires, des retraites et des allocations de toutes sortes. C’est ce qui explique leurs incursions dans les beaux quartiers où nichent les banques et les magasins de luxe. S’ils ne remettent pas toutes et tous en cause le capitalisme de façon consciente, il en récusent déjà tous les effets, accentués par les politiques néolibérales du pouvoir.

Climat : révolte écologiste pour la survie

La colère qu’ont exprimée en 2018 les marches pour le climat et qu’expriment les deux millions de signatures de la pétition “L’Affaire du siècle”, c’est celle de toutes celles et tous ceux qui réalisent que, malgré l’urgence absolue, les États ne luttent pas contre la pollution et le réchauffement climatique, même quand leurs dirigeants font de grandes et belles déclarations en ce sens. Au contraire, les États, inféodés qu’ils sont au grand capitalisme, continuent à favoriser un productivisme destructeur de notre environnement, quitte à remettre en cause les conditions mêmes de la vie sur la planète. Trump nie effrontément le réchauffement climatique et ses effets d’ores et déjà destructeurs pour perpétuer la domination du capitalisme états-unien. Le néofasciste Bolsonaro s’apprête à livrer l’Amazonie à toutes les exploitations possibles aux dépens des indigènes et du principal poumon et régulateur climatique de la planète. La Chine promue au rang d’atelier n°1 du capitalisme mondial fait tourner à plein ses centrales au charbon et extrait les terres rares indispensables aux prétendues révolutions numérique et écologique au prix de dégâts écologiques incroyablement élevés. La Russie de Poutine n’est pas en reste pour dilapider les ressources naturelles de la planète. Quant à l’Europe des Merkel et Macron, elle continue à avoir les yeux rivés sur les taux de croissance et le “développement” sans fin, tout en faisant mine d’entamer une “transition” écologique. En réalité, même en transférant leurs usines à CO2 en Chine, les pays européens, et en particulier la France, continuent de générer toujours plus de dioxyde de carbone et de pollution aux plastiques et pesticides.

Un même ennemi mortel : le système capitaliste

C’est la même logique, celle de la quête du profit dans un monde concurrentiel bannissant toute forme de solidarité, qui est la cause du creusement des inégalités sociales et du productivisme effréné qui ruinent les humains et la nature. Une des avancées -certes fragile- du mouvement des gilets jaunes, c’est qu’il a fait prendre conscience à beaucoup d’écologistes qu’il ne pouvait y avoir de lutte efficace contre la destruction de notre environnement naturel sans lutte contre les inégalités sociales. Le débat sur la soi-disant taxe “écologique” qui a accompagné la mobilisation a permis de montrer que les solutions capitalistes pour diminuer la circulation automobile n’en sont pas : sans services publics et commerces de proximité, sans transports en commun développés (et gratuits !), sans un urbanisme complètement revu et démocratisé, il n’y aura pas de diminution du trafic et la taxe “écologique” ne sera qu’un prétexte à une nouvelle ponction sur les revenus de la classe ouvrière. [2]. Inversement, bien des gilets jaunes ont pris conscience des impératifs écologiques au cours du même débat sur la taxe carbone.

La réponse de la bourgeoisie et du patronat reste minable et sans imagination, centrée sur la “croissance” sans autre but que la croissance du profit (au lieu de la satisfaction des besoins humains) et le soi-disant “emploi”. Ainsi à Angers, un Béchu tente-t-il de se donner une coloration sociale en se prévalant de centaines de “créations d’emplois” à venir dans l’agglomération. Mais ces emplois seront ceux de centres d’appel et de plateformes logistiques, grandes destructrices de commerces de proximité et donc d’emplois stables, grandes destructrices de terres cultivables de par leur situation hors des villes et les routes qu’elles nécessitent, grandes génératrices de CO2 par la circulation de camions et d’automobiles qu’elles imposent. Quant à la nature des emplois... Si de vrais emplois sont ceux qui donne envie d’aller au travail, alors il est certain que les postes précaires et sous-payés qui seront (peut-être) proposés dans ces centres et plateformes n’en seront pas pour la plupart. La question de la réduction du temps de travail doit être reposée. Celle de l’organisation de la production et de ses finalités doit en découler. C’est de cela qu’il faut que le mouvement social s’empare. C’est cela qu’il doit imposer.

Renverser les obstacles

Les obstacles sont pourtant nombreux. En raison de leur isolement social, les néolibéraux s’appuient de plus en plus exclusivement sur les forces répressives de l’État. Si nous ne sommes pas dans la république de Weimar où centristes et sociaux-démocrates se reposaient sur une police et une armée noyautées par les nationalistes et les nazis pour combattre le KPD [3], avec les conséquences que l’on connaît, le renforcement actuel des pouvoirs donnés à la police réveille bien des inquiétudes. L’impunité quasi-totale qui lui est accordée en dépit de violences avérées comme son utilisation éhontée pour la chasse aux migrants peuvent conduire sans solution de continuité vers un régime autoritaire. Si le mouvement social reste impuissant à combattre les dérives policières encouragées par le gouvernement et à affirmer une alternative politique progressiste, le danger d’un basculement vers une version moderne du fascisme, déjà présent par le biais du RN/FN, n’en sera que renforcé. Jusqu’à la fin de 2018, l’inaction d’une grande majorité des directions syndicales comme la confusion et la division politiques qui régnaient dans le mouvement ouvrier ne portaient guère à l’optimisme. Mais la conjonction d’une mobilisation profondément sociale (les gilets jaunes) et d’une prise de conscience profondément écologiste (les marches pour le climat) sortant largement des sentiers traditionnels et bien balisés ouvre d’autres perspectives. Il faut maintenant tout faire pour renforcer ces deux pôles de la révolte, les faire converger et les faire croître à un niveau tel que les obstacles policiers et politiques puissent être balayés.

Alors oui, nos vœux pour 2019 sont bien ceux d’une révolution !

3 janvier 2019, par NPA 49

[1] Sur la théorie du ruissellement et de son équivalent macronien du “premier de cordée”, on lira par exemple l’interview d’Arnaud Parienty publiée le 26/10/2018 dans Télérama.

[2] Cf. “Les fondements microéconomiques de la connerie” de Michel Husson.

[3] KPD qui, à vrai dire, leur facilitait bien la tâche tant son adversaire principal semblait alors être le SPD “social-fasciste” plutôt que les nazis...