Troupes françaises hors de Côte d’Ivoire !

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Ces dernières semaines ont vu s’exacerber les combats entre militaires et paramilitaires pro-Gbagbo et pro-Ouattara en Côte d’Ivoire. La capture de Laurent Gbagbo lundi 11 avril par les forces de son adversaire fortement appuyées par les troupes de l’État français est une nouvelle illustration de l’ingérence permanente de la Françafrique dans des États nés d’une décolonisation étroitement contrôlée. C’est aussi une douloureuse illustration de la faiblesse de la gauche africaine devant des chefs de clans tels que Gbagbo ou Ouattara. Enfin, l’incapacité de la gauche française à s’opposer aux agissements de son propre impérialisme (quand elle ne le soutient pas !) rend plus que jamais nécessaire le développement des solidarités avec les mouvements sociaux d’Afrique.

Les « Forces Républicaines de Côte d’Ivoire » (FRCI) de Ouattara avaient décidé d’en finir avec Gbagbo. Leur offensive a été orchestrée à partir de Paris dans ses moindres détails. Elle a été encadrée par des militaires français, non sans que d’incontestables crimes de guerre ne soient commis : la Croix-Rouge dénombre près de 800 morts à Duékoué. [1] À Abidjan, ce sont des hélicoptères français de la « force Licorne » qui ont pilonné la résidence de Gbagbo. Sous couvert de l’ONU, les forces françaises sont donc intervenues directement aux côtés des FRCI, en soutien à la fois logistique et militaire. Mais la « descente sur Abidjan », présentée au début comme une formalité, s’est avérée moins simple que ne l’imaginait l’Élysée. Car la situation est bien plus complexe que ne veulent bien le dire les médias aux ordres.

L’alibi frauduleux de la démocratie

L’intervention impérialiste se fait sous couvert de l’ONU, au nom du “respect du suffrage universel”, après des élections qui avaient mis les deux camps à quasi-égalité. Ce que valent les arguments sur ce “respect”, on peut le mesurer en rappelant le soutien sans faille accordé par Chirac puis Sarkozy à des dictateurs aussi sinistres et corrompus que les Bongo père et fils (Gabon), Eyadema (Togo, jusqu’en 2005), Kadhafi reçu en grande pompe à l’Elysée, etc. La « démocratie » est évidemment à géométrie variable et ne sert que d’alibi. Comme en Irak ou en Afghanistan, cet alibi est destiné à servir de prétexte à l’intervention militaire. Car ce sont les intérêts impérialistes qui sont en jeu...

Le maître veut changer de chien

Gbagbo, oppresseur de son peuple et démagogue agitant les peurs ethniques et religieuses, jouait sa carte personnelle, celle de sa famille et de son clan. Depuis son arrivée au pouvoir en 2000, il a tenté à de nombreuses reprises d’acquérir sa propre autonomie politique et économique, refusant de s’aplatir devant les maîtres d’hier, la bourgeoisie française, comme le font les autres dictateurs africains. Hier parfaitement fréquentable, membre honorable de l’Internationale socialiste, [2] Gbagbo était donc devenu l’homme à abattre. Qu’il ait cherché à s’accaparer une part plus grande du gâteau d’un pays aux immenses richesses pillées par la bourgeoisie française ne pouvait être toléré par celle-ci. Gbagbo a eu le tort, aux yeux de Sarkozy, de montrer les crocs, comme hier Saddam Hussein en Irak. Aussi le maître a-t-il voulu changer de chien. Ouattara, qui fut premier ministre de Houphouët-Boigny en 1990 et mena une politique de “rigueur” budgétaire particulièrement dure, offre toutes les garanties exigées par Sarkozy et Juppé. [3] Ne fut-il pas aussi, à partir de 1993, Directeur adjoint du FMI, cette machine à affamer les peuples d’Afrique ? Avec Ouattara, les capitalistes français disposent d’un candidat au poste de proconsul néo-colonial dont tout indique qu’il exécutera fidèlement les ordres de Paris.

Le principal responsable : l’impérialisme français

En Côte d’Ivoire, cela faisait déjà près de 10 ans que l’impérialisme français s’activait pour se débarrasser de Gbagbo. Ainsi, la tentative de coup d’État de 2002 (dans lequel trempait déjà Ouattara) n’aurait jamais pu être envisagée sans l’implication active de Paris, le feu vert de Chirac. En réponse, Gbagbo a exacerbé les rivalités ethniques en utilisant la question de « l’ivoirité »... Tout ceci a abouti à ce qui devait arriver : des morts par milliers. A la base des maux dont souffre la Côte d’Ivoire, il y a un système, l’impérialisme, et un mercenaire en première ligne, Sarkozy et l’État français. C’est que l’enjeu est de taille. Les positions de l’impérialisme français – celles de Total, de Bouygues, de Bolloré, etc. - sont menacées partout en Afrique. Par les Américains, bien sûr. Mais aussi par les Chinois, désormais. Dans ces conditions, pas question que les capitalistes français laissent le peuple de Côte d’Ivoire disposer librement de son sort !

Derrière les larmes de crocodiles des divers porte-voix de Sarkozy, il y a une politique cynique qui ne vise qu’à poursuivre le pillage d’un peuple dont on sait le dénuement dans un pays pourtant riche en matières premières ! Pour préserver leurs profits, les impérialistes couvriront les pires exactions et massacres comme ils ne cessent de le faire sur tous les continents.

Le NPA reste quant à lui, inconditionnellement sur le terrain de la défense du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est pourquoi il milite pour le

Retrait de toutes les troupes françaises et étrangères de Côte d’Ivoire et d’ Afrique !

Il rappelle aussi son soutien aux autres revendications des peuples d’Afrique, en premier lieu celle de l’annulation de la Dette. Le NPA, fidèle à sa tradition unitaire, s’associera - en Maine-et-Loire et partout en France - à toutes les forces désireuses de mener une activité conjointe sur cette orientation.

11 avril 2011

11 avril 2011, par NPA 49

[1] Selon Amnesty International, des centaines d’hommes jeunes ont été triés et abattus le 29 mars par les FRCI en raison de leur origine ethnique Guéré et de leur supposé soutien à Gbagbo. Ajout du 9 avril : voir l’article de HRW “Côte d’Ivoire : Les forces de Ouattara ont tué et violé des civils pendant leur offensive”

[2] L’IS vient de retirer de la liste de ses membres le parti de Gbagbo, comme elle avait récemment dû le faire pour les partis de Ben Ali (Tunisie) et Moubarak (Égypte).

[3] Ce fut également Ouattara qui instaura la carte de séjour pour les travailleurs étrangers. Et c’est pendant son mandat que l’opposant Gbagbo fut arrêté à l’issue d’une manifestation pacifique et condamné à deux ans de prison.