Succès de la réunion contre l’austérité et la dette du 31 janvier

Partager

L’annonce de la réunion publique du mardi 31 janvier, intitulée « L’austérité, une stratégie pour nous faire payer la dette ! » [3] et organisée à Angers par ATTAC, la FSU et Solidaires, était une très bonne surprise, renforcée par la qualité des intervenants, Thomas COUTROT, économiste et co-président d’ATTAC-France et Bernard FRIOT sociologue et économiste. Son succès, mesurable à la fois par l’affluence (240 personnes y ont assisté jusqu’à une heure tardive [4]) et la haute tenue du débat en fait un bon point de départ pour une véritable campagne militante dans tout le département, à l’instar de ce qui se fait un peu partout en France. Une première réunion d’un collectif angevin unitaire sur la dette est d’ores et déjà programmée mardi 7 février à 18h à Angers.

JPEG - 44.6 ko

Après les grèves et manifestations s’opposant à la contre-réforme des retraites, auxquelles des millions de personnes ont participé, et alors que dans de nombreuses entreprises des grèves éclatent contre les licenciements et la dégradation des conditions de travail, l’enjeu fondamental aujourd’hui est d’organiser, renforcer, faire converger la riposte [5].

Selon les porte-parole de la classe dominante et de son État, l’existence d’une dette publique (1500G€ [6], tout de même très inférieure à la dette privée : 7000G€) justifierait un énorme plan d’austérité pour les salarié-e-s, au risque de plonger toute l’économie dans une dramatique récession. L’État dépenserait inconsidérément pour les services publics, les salaires (pardon : le “coût du travail” !) seraient trop élevés, le temps et l’intensité du travail pas assez grands... Ce chantage sur la dette financière doit être dénoncé avec la dernière énergie. Mais il faut aussi expliquer pourquoi cette dette est illégitime (et ce d’autant plus que les intérêts perçus ont déjà “remboursé” les prêts initiaux). À cet égard, la campagne unitaire autour de l’appel national pour un audit citoyen de la dette publique est un moyen de contrer toute la propagande déversée quotidiennement par le pouvoir et les médias pro-capitalistes.

Mardi soir à Angers, au-delà des différences d’approche de Bernard Friot (critique sur la notion d’audit, en laquelle il voit un moyen maladroit de se placer sur le terrain de l’adversaire) et de Thomas Coutrot (qui pense au contraire que la revendication d’un audit est un moyen pédagogique de mobiliser la population), il y avait accord entre les deux orateurs (et ceux qui intervinrent depuis la salle) pour caractériser la dette comme illégitime.

JPEG - 75.3 ko
Bernard Friot et Thomas Coutrot

Bernard Friot fit d’emblée la distinction entre crédit d’usage (dont le taux se situe autour de l’inflation, qui intègre la croissance du PIB et ne se traduit pas par une ponction sur le travail d’autrui ; c’est le crédit de tous les jours du particulier) et crédit d’investissement des organismes financiers responsable de la dette actuelle. Pour cet économiste, ce recours au crédit financier pour investir est inutile et nuisible. L’exemple de la sécurité sociale et des caisses de retraites (1/4 du PIB) montre que le financement est mieux assuré par les cotisations sociales et la mutualisation (même si le mouvement de hausse des cotisations [7] a été arrêté par le pouvoir depuis 15 ans avec le recours à l’emprunt et la mise en place d’une caisse de la dette sociale - ce qui conduit aujourd’hui au paiement annuel de 30M€ d’intérêts sur cette dette !). Au lieu de passer par des prêteurs (par exemple pour le logement et tous les investissements industriels), il serait possible d’investir grâce à des “cotisations économiques” dont les salariés seraient propriétaires d’usage. À l’inverse, le remboursement des intérêts de la dette financière conduit à une appropriation privée du produit du travail, à la spoliation des salarié-e-s.

Thomas Coutrot commença son intervention par la défense de l’idée d’audit. L’idéologie dominante dans la société est qu’il faut payer la dette (qui serait due à des dépenses excessives au lieu de recettes insuffisantes !) si l’on veut éviter que tout s’effondre. Cette fausse évidence peut être déconstruite par un travail pédagogique et une campagne unitaire. En 2010, l’UMP G. Carrez, rapporteur du budget à l’Assemblée, reconnaissait que l’État avait perdu entre 100 et 120G€ en dix ans en raison des baisses d’impôts pour les plus riches (aux 2/3) et de transferts de recettes [8]. Face à de tels chiffres, les discours culpabilisants sur la “fraude sociale” visant à rendre les pauvres responsables de la crise devraient apparaître dérisoires [9]. Et mensongers lorsque l’on sait que 2/3 des bénéficiaires potentiels du RSA ne le demandent même pas... Il est donc possible de renverser le faux “bon sens” répandu comme un poison dans la société. C’est d’autant plus faisable que la bourgeoisie est elle-même hésitante sur la démarche à suivre, qu’elle a perdu une grande partie de ses certitudes (par exemple sur l’euro et l’union européenne). Lorsque N. Sarkozy (dans son discours de l’avant-veille) déclare que la crise est maintenant “apaisée”, il se paye de mots autant qu’il se fait faux prophète. Le problème grec va se reposer pour le Portugal, et d’autres pays ensuite. Tant que les taux d’intérêt restent supérieurs aux taux de croissance (bientôt négatifs “grâce” aux politiques d’austérité dans toute l’UE), la dette ne cessera de croître. La question de la payer ou non doit être posée et l’audit sert à cela.

L’enjeu est de taille. La prochaine création d’un collectif unitaire est d’autant plus bienvenue que la situation politique morose, marquée par une campagne présidentielle de petites phrases sans programmes politiques, fait le jeu des plus grands ennemis des salarié-e-s (notamment du FN et de la droite extrême). Que se rassemblent toutes celles et ceux, syndicalistes, militant-e-s associatif-e-s ou politiques, qui refusent de payer la crise, celles et ceux qui se sont battu-e-s pour l’extension et la généralisation des grèves lors du mouvement des retraites ! Que s’organisent -enfin- les confrontations à venir pour permettre de les gagner !


JPEG - 67.9 ko
31 janvier 2012, par NPA 49

[1] TEXTE D’APPEL : La FSU, Solidaires et ATTAC 49 vous invitent à un grand débat public, Mardi 31 janvier 2012 à 20h30, salle Thiers-Boisnet à Angers. Avec Thomas COUTROT, économiste et co-président d’ATTAC France et Bernard FRIOT sociologue et économiste
-  Écoles, hôpitaux, hébergement d’urgence… Retraites, chômage, culture, environnement... nous vivons tous au quotidien l’austérité budgétaire et le pire est à venir. « Nous vivons au-dessus de nos moyens », telle est la rengaine que l’on nous ressasse dans les grands médias. Maintenant « il faut rembourser la dette », nous répète-t-on matin et soir. « On n’a pas le choix, il faut rassurer les marchés financiers, sauver la bonne réputation, le triple A de la France ».
-  Nous refusons ces discours culpabilisateurs. Nous ne voulons pas assister en spectateurs à la remise en cause de tout ce qui rendait encore vivables nos sociétés, en France et en Europe. Avons-nous trop dépensé pour l’école et la santé, ou bien les cadeaux fiscaux et sociaux depuis 20 ans ont-ils asséché les budgets ?
-  Nous refusons d’être des jouets entre les mains des actionnaires, des spéculateurs et des créanciers. Cette dette a-t-elle été tout entière contractée dans l’intérêt général, ou bien peut-elle être considérée en partie comme illégitime ? Qui détient ses titres et profite de l’austérité ? Pourquoi les États sont-il obligés de s’endetter auprès des marchés financiers et des banques, alors que celles-ci peuvent emprunter directement et pour moins cher à la Banque centrale européenne ?
-  Nous refusons que ces questions soient évacuées ou traitées dans notre dos par les experts officiels sous influence des lobbies économiques et financiers. Nous voulons y répondre nous-mêmes dans le cadre d’un vaste débat démocratique qui décidera de notre avenir commun.

[2] ll y avait des militants connus ATTAC, FSU et Solidaires mais aussi AL, NPA et PG. Quelques militants de la CGT, du PCF et de LO étaient visibles. Mais l’essentiel des personnes présentes était composé de syndiqués ou non "de base".

[3] TEXTE D’APPEL : La FSU, Solidaires et ATTAC 49 vous invitent à un grand débat public, Mardi 31 janvier 2012 à 20h30, salle Thiers-Boisnet à Angers. Avec Thomas COUTROT, économiste et co-président d’ATTAC France et Bernard FRIOT sociologue et économiste
-  Écoles, hôpitaux, hébergement d’urgence… Retraites, chômage, culture, environnement... nous vivons tous au quotidien l’austérité budgétaire et le pire est à venir. « Nous vivons au-dessus de nos moyens », telle est la rengaine que l’on nous ressasse dans les grands médias. Maintenant « il faut rembourser la dette », nous répète-t-on matin et soir. « On n’a pas le choix, il faut rassurer les marchés financiers, sauver la bonne réputation, le triple A de la France ».
-  Nous refusons ces discours culpabilisateurs. Nous ne voulons pas assister en spectateurs à la remise en cause de tout ce qui rendait encore vivables nos sociétés, en France et en Europe. Avons-nous trop dépensé pour l’école et la santé, ou bien les cadeaux fiscaux et sociaux depuis 20 ans ont-ils asséché les budgets ?
-  Nous refusons d’être des jouets entre les mains des actionnaires, des spéculateurs et des créanciers. Cette dette a-t-elle été tout entière contractée dans l’intérêt général, ou bien peut-elle être considérée en partie comme illégitime ? Qui détient ses titres et profite de l’austérité ? Pourquoi les États sont-il obligés de s’endetter auprès des marchés financiers et des banques, alors que celles-ci peuvent emprunter directement et pour moins cher à la Banque centrale européenne ?
-  Nous refusons que ces questions soient évacuées ou traitées dans notre dos par les experts officiels sous influence des lobbies économiques et financiers. Nous voulons y répondre nous-mêmes dans le cadre d’un vaste débat démocratique qui décidera de notre avenir commun.

[4] ll y avait des militants connus ATTAC, FSU et Solidaires mais aussi AL, NPA et PG. Quelques militants de la CGT, du PCF et de LO étaient visibles. Mais l’essentiel des personnes présentes était composé de syndiqués ou non "de base".

[5] La situation en Grèce nous montre à quoi nous attendre  : même sous un gouvernement de gauche (avant qu’il ne bascule ouvertement vers “l’union nationale” de combat contre les salarié-e-s en intégrant jusqu’aux fascistes de Laos), le diktat des marchés financiers, de la logique des profits, de la Troïka (UE, FMI, BCE) et le chantage au remboursement d’une dette qui n’a pourtant servi que les intérêts privés, ont été prétextes à imposer à la population le paiement de la facture dans les années qui viennent. En Grèce, le taux de chômage a officiellement atteint 18,4 %, mais est plus proche des 25 % dans la réalité  ; les salarié-e-s et les retraité-e-s ont perdu environ un tiers de leurs revenus  ; les taxes exorbitantes récemment votées achèvent de saigner les ménages  ; les services publics sont en ruine  ; le taux de suicide, traditionnellement l’un des plus faibles d’Europe, a bondi de 40 % en un an  ; la situation sanitaire de la population se détériore de façon dramatique, notamment pour les femmes  : par exemple, celles qui n’ont pas les moyens de payer comptant la prise en charge de leur accouchement dans un hôpital sont renvoyées chez elles…

[6] 1 G€ = 1 giga euro = 1 milliard d’euros ; 1 M€ = 1 méga euro = 1 million d’euros.

[7] 16% en 1930, 32% en 1945, 66% en 1995. Pour Bernard Friot, il faut reprendre ce mouvement d’augmentation qui permet d’avancer vers un salaire socialisé reposant sur les qualifications du ou de la salariée et non plus sur son poste de travail et le fait qu’il ou elle y travaille ou non. Chômeurs, travailleurs en formation, retraité-e-s doivent avoir droit à un salaire continué.

[8] cf. Rapport d’information n°2689.

[9] Selon la sécurité sociale, le déficit dû aux “fraudes sociales” des plus pauvres serait de 450M€. La ministre du Budget elle-même n’a pas été en mesure de cacher que ce montant est largement inférieur à la fraude fiscale des plus riches, pourtant incomparablement moins nombreux, dont seulement 16G€ (35 fois plus !) ont pu être récupérés par le fisc en 2010.