À Angers comme ailleurs : austérité pour les universités !

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Le plancher du hall de la fac de lettres d’Angers, inauguré flambant neuf il y a plus de 20 ans par un certain Lionel Jospin, commence à gondoler et éclater sous l’action de l’eau de pluie. Les plantes vertes subtilement placées en dessous des fuites n’auront donc pas suffi ! Quant au grand amphi de la même faculté, les deux tiers de ses places sont désormais inaccessibles, sans parler des labos de langue sérieusement infiltrés (un est hors d’usage)... Face à ces effets conjugués de la douceur angevine et du réchauffement climatique, le mouvement étudiant qui est né à la rentrée à l’UFR Lettres continue à mobiliser. Il s’apprête d’ailleurs à organiser ses propres “Assises”... [2]

L’austérité frappe avec tous ses corollaires : déficit budgétaire de plus en plus béant, restriction de l’offre de formation, TD et TP surchargés. Mais heureusement Zorro est arrivé : le rectorat ! celui-ci semble avoir cette fois trouvé la solution miracle (il est vrai contenue dans la loi LRU elle-même, et c’était d’ailleurs une des raisons majeures de l’opposition à cette loi et à la gestion par les universités de la masse salariale auparavant gérée par l’État [3]) : combler le déficit en puisant dans la masse salariale des personnels ! Lors de la discussion concernant la campagne d’emplois 2013 au conseil d’administration de l’université, le mercredi 24 octobre, après étude de l’ensemble des postes vacants et les propositions d’ouverture de concours correspondants, la représentante du Recteur a en effet fait savoir que, compte tenu de la situation financière de déficit de l’université d’Angers, avec une prévision de déficit pour le budget 2013, le Recteur pourrait décider de ne pas procéder à la publication des emplois vacants, demandant à l’université de “geler” ces emplois. [4] Cela augure mal de la part (10, 20, 40 ?) des 1000 postes créés nationalement attribuée à l’université d’Angers : elle sera probablement gelée elle aussi... [5]

Le président de l’université a apparemment protesté (pour l’instant) et a annoncé que, si tel était le cas, il réunirait immédiatement le CA pour décider des mesures à prendre (déjà, le recteur, il tremble !). Mais si cela devait se confirmer, ce serait l’offre de formation et la recherche, le service public, qui seraient lourdement frappés.

Le cas angevin n’est hélas qu’un exemple parmi d’autres. En cet automne, la situation de nombreux établissements et organismes est critique. Suite au passage à la gestion de la masse salariale par celles-ci, les difficultés budgétaires sont de plus en plus fréquentes. Partout, des mesures d’austérité ont été décidées ou se préparent : gels de postes, non renouvellements de CDD, suppressions de CRCT [6], fermeture de formations, augmentation du nombre d’étudiants par groupes, etc.

Le projet de budget 2013 de la Mission Interministérielle Recherche et Enseignement Supérieur (MIRES) est en effet un budget d’austérité maintenue, voire renforcée. D’un montant de 25,64 Milliards d’euros, ce budget serait, par rapport au budget 2012, en hausse de 2,2 % - soit à peine plus que l’inflation annoncée à 1,7% en 2012 et prévue à 1,6% en 2013 -, avec seulement +1,2% pour les organismes. Le crédit impôt recherche (qui n’est qu’une subvention déguisée aux entreprises et nullement de l’argent consacré à la recherche) s’élève à lui seul à 3,35 Milliards d’euros (près de 14 % du budget de la MIRES). Il n’est donc pas remis en cause (en dépit des critiques vives et nombreuses, y compris au parlement) et est même étendu aux dépenses dites “d’innovation” (et non de recherche) dans les PME. Une très faible partie, 60 millions, soit environ 8% du budget de l’Agence national de la recherche (ANR), est transférée au financement récurrent des organismes, ce qui est loin de répondre aux revendications des chercheurs : plus de crédits récurrents pour les laboratoires et moins d’appels à projets (qui nécessitent un investissement bureaucratique particulièrement important, sans garantie de ne rien obtenir si le projet ne satisfait pas les “experts” nommés de l’ANR).

Une suppression nette de 204 emplois est programmée au niveau MIRES et des économies de 0,3 milliard d’euros sont annoncées au projet de loi de finances 2013.

Le Ministère prétend que l’emploi ne subira pas les coupes que la plupart des ministères (Culture, par exemple) connaissent, à l’exception de l’Education Nationale, l’Intérieur et la Justice. Cependant, les 1000 créations de postes pour l’enseignement qui se feraient avec recrutement pour la rentrée 2013 sont à mettre en regard des 1500 emplois estimés gelés en 2012 dans les établissements d’enseignement supérieur. Les plafonds d’emplois seraient maintenus dans les autres secteurs de l’ESR. De plus, ces annonces sont trompeuses car des gels d’emplois sont prévus en 2013 en raison de l’insuffisance de la masse salariale et des crédits de fonctionnement dans les établissements d’enseignement supérieur (comme à Angers) ainsi que dans les organismes (177 pour le seul CNRS, qui ne remplacerait que les emplois laissés vacants pour départ en retraite).

Enfin, aucune création d’emplois n’est destinée à la résorption de la précarité, alors que l’enseignement supérieur et la recherche sont, avec l’enseignement scolaire, les secteurs employant le plus de contractuels, notamment suite aux recours massifs aux appels d’offre (ANR, Communauté Européenne, …) et à la course aux ressources propres (apprentissage, formation continue, …). Depuis l’annonce de la loi Sauvadet, les non renouvellements de contrats – ce qui dans la situation actuelle signifie souvent chômage - continuent dans les établissements universitaires et les organismes (à Angers, 22 CDD n’ont pas été renouvelés avant l’été). On exclut massivement de l’emploi public des personnels non-titulaires, y compris ceux éligibles au dispositif spécifique de titularisation. En outre, le vivier de non titulaires continue à grandir du fait de la montée en puissance des appels d’offres des prétendus “Investissements d’Avenir” [7].

L’augmentation concernant l’immobilier universitaire est essentiellement consacrée à l’achèvement de travaux en cours et à des Partenariats Public-Privé. Pour les étudiants, si le financement du 10ème mois de bourse est maintenant inclus dans le budget, si un effort est consenti pour le logement, aucune mesure (augmentation du nombre des bourses, création d’une allocation d’autonomie) ne figure à ce budget, alors que le salariat (20 % des étudiants selon l’Observatoire de la Vie Étudiante) est une des premières causes de l’échec en premier cycle.

La résistance à l’austérité doit s’organiser à l’université, à Angers comme ailleurs. Refusons l’asphyxie organisée de l’université, prélude insupportable à sa mise à l’encan au profit du secteur privé capitaliste. Le mouvement étudiant d’Angers, quoique faible et isolé, montre que des forces significatives sont prêtes à se mobiliser. Il s’agit maintenant de les coordonner pour aller vers le mouvement d’ensemble qui seul pourrait peser sur le rapport de forces social et politique.

24 octobre 2012, par NPA 49

[1] En écho aux soi-disant Assises de l’enseignement supérieur, caricature de concertation organisée par le ministère sur la bas d’un questionnaire fermé, évitant de parler des plus gros problèmes (tels que l’austérité budgétaire, la précarité et les salaires) et dont la synthèse est assurée par ceux qui ont mis en place la loi LRU !

[2] En écho aux soi-disant Assises de l’enseignement supérieur, caricature de concertation organisée par le ministère sur la bas d’un questionnaire fermé, évitant de parler des plus gros problèmes (tels que l’austérité budgétaire, la précarité et les salaires) et dont la synthèse est assurée par ceux qui ont mis en place la loi LRU !

[3] Ce que l’État nomme sans rire les RCE-Responsabilités et compétences élargies

[4] Un poste est dit gelé s’il n’est pas ouvert au concours. Il est prévu au budget, mais le salaire n’est pas versé à un salarié et est utilisé à “autre chose” en vertu de ce que l’État nomme dans son langage fleuri “fongibilité asymétrique” (en effet, l’inverse - utiliser une partie du budget de fonctionnement pour créer un poste - est interdit).

[5] Une solution simple pour combler le déficit budgétaire serait pourtant d’augmenter la dotation générale de fonctionnement (DGF) de l’Université !

[6] Congés pour recherche et conversion thématique : il s’agit de dispenses d’enseignement pour des enseignants-chercheurs qui pendant 6 mois ou un an veulent se consacrer exclusivement à la recherche.

[7] Le Programme “Investissements d’avenir”, fortement marqué par une approche libérale et productiviste, s’élève à 35 milliards d’euros, dont 22 milliards pour des projets d’établissements ou de laboratoires de l’enseignement supérieur et à la recherche. Pour les développer, des contractuels sont embauchés pendant la durée des projets, puis remerciés...