Au-delà de la rentrée sociale et politique : construire une alternative écosocialiste

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Les congés d’été se sont achevés sur de nouvelles crises politiques révélant la fragilité et l’absence de légitimité du gouvernement Macron-Philippe : démission de N. Hulot, contraint de reconnaître qu’il n’était qu’une caution écologiste médiatique d’un gouvernement ultra-productiviste (“pro-business” selon l’expression de la ministre du travail, M. Pénicaud), hésitations face aux conséquences de la réforme technocratique du “prélèvement à la source” de l’impôt sur le revenu, report de la réforme constitutionnelle, etc.

Pour autant, ce gouvernement entend continuer à attaquer durement les conquêtes sociales des salarié.e.s. La désindexation des retraites sur le taux d’inflation en est un premier exemple. La réforme des retraites qu’il veut mettre en route dans les mois qui viennent en est un second, encore plus régressif. En effet, en remplaçant le principe de solidarité intergénérationnelle par celui d’une accumulation individuelle de points - déjà à l’œuvre pour les retraites complémentaires du secteur privé - convertibles en euros de façon variable en fonction de la durée de vie et de la conjoncture économique, le gouvernement vise la réduction du pouvoir d’achat des retraité.e.s. Et cette réduction serait de surcroît inégalitaire puisque ce serait les salarié.e.s les plus démunis, souvent victimes de périodes de chômage ou d’inactivité, qui se retrouveraient avec le moins de points cumulés. Les femmes, en particulier, risquent de voir disparaître les actuelles pensions de réversion qui, pour la retraite, compensent partiellement les inégalités salariales hommes-femmes des actifs. Quant aux fonctionnaires de base qui, outre le faible niveau de leurs salaires, ne bénéficient pas de primes comparables à celles des hauts fonctionnaires de l’État profond, ils verraient leurs pensions considérablement amputées. [1]

Cette contre-réforme des retraites est caractéristique de l’idéologie néolibérale : l’égoïsme et la concurrence entre individus sont élevés en principe organisateur de la société ; l’inégalité de revenus est censée devenir le moteur régulant la société et la faisant “avancer”. C’est la “théorie” du “ruissellement” chère à E. Macron. En réalité l’explosion des inégalités sociales génère partout des effets irréversibles et puissamment délétères (chômage, angoisse et misère sociales, délinquance, guerre, migrations forcées, racisme...) qui rendent de plus en plus invivable la vie en société. C’est sur cette décomposition sociale que surfent les extrêmes droites nationalistes ou/et intégristes partout en Europe et dans le monde. Elles cherchent à réveiller des réflexes tribaux, de repli sur soi, alors même qu’elles sont tout autant “pro-business” que les droites (et fausses “gauches”) néolibérales, et que réciproquement ces dernières mènent une politique aussi inhumaine contre les immigrés et migrants que celle prônée par ces extrêmes droites. Malheureusement, la fraction “apolitique” des classes populaires peut se laisser séduire par leurs discours, et espérer - faussement - récupérer quelque chose des exactions que l’extrême droite promet de commettre contre les migrants, et commet déjà en maints endroits.

Il est pourtant un point aveugle pour les néolibéraux comme pour leurs vrais-faux concurrents fascistes ou théofascistes : la question écologiste. L’inaction criminelle du système capitaliste face aux dérèglements écologiques qu’il génère n’est pas nouvelle. Marx avait déjà souligné que la double exploitation du travailleur et de la la terre était à la base d’un système fondé sur le seul profit à court terme d’individus ignorant l’intérêt général. Aujourd’hui, le pillage des ressources naturelles, l’appropriation privée du bien commun, la production sans frein de biens de consommation pour une grande part inutiles et la mondialisation des échanges ont pris une telle ampleur que les dégâts écologiques sont devenus perceptibles à l’échelle planétaire. Le réchauffement climatique s’emballe, une extinction de masse des espèces animales et végétales se profile, la dégradation qualitative et quantitative des ressources alimentaires de la planète menace l’humanité toute entière. Les prophéties des romans de science fiction les plus pessimistes semblent devoir se réaliser. Et pendant ce temps-là, les E. Macron et E. Philippe, domestiques attitrés de la bourgeoisie, n’ont pour objectif qu’une “croissance” capitaliste (inégalitaire) sans fin et de satisfaire la rapacité des multinationales dans tous les domaines, de la vente d’armes à celle des centrales nucléaires, en passant par tout ce qui reste de services publics (santé, éducation, transports...)

La démission de N. Hulot a au moins le mérite de mettre en lumière le caractère mensonger du “capitalisme vert” qu’ont vanté tant de pseudo-écologistes bourgeois (tel François Goullet de Rugy, ancien EELV et actuel président LREM de l’Assemblée nationale). Il n’y a pas de solution technologique aux ravages du capitalisme. [2] L’écologie comme le développement humain sont incompatibles avec une logique individuelle, égoïste et à court-terme, de concurrence exacerbée qui est intrinsèque au capitalisme. Le seul avenir raisonnable passe par le principe de solidarité et une vision à long terme du codéveloppement de l’humanité et de la nature.

Mais pour assurer cet autre avenir, une coordination des écologistes et des anticapitalistes est nécessaire aux échelles nationale et internationale. Cette coordination est le seul remède politique au dilemme absurde qui est aujourd’hui proposé aux populations : devoir choisir ses maîtres parmi deux espèces de fauves carnassiers : les néolibéraux et les nationalistes ou intégristes. En France, comme ailleurs, une alternative politique doit pouvoir être portée par le mouvement social dans son ensemble (associations, syndicats et partis). Une telle alternative doit être élaborée de la façon la plus démocratique possible. Cependant, pour éviter les désillusions, elle doit aussi avoir une colonne vertébrale politique : être consciente qu’un affrontement avec le système capitaliste est nécessaire. Il ne suffira pas de gagner des élections. Il faudra démanteler les États actuels. L’État français est à cet égard l’un des plus solides et des plus dangereux. Il est trop tôt pour savoir par quel moyen cela deviendra possible (la grève générale ou une autre manifestation sociale tout aussi puissante) mais il ne faut pas perdre de vue qu’il faudra en passer par là.

Pour l’heure, la rentrée sociale de ce pays est à construire afin de bloquer la folie régressive du gouvernement, et notamment sa contre réforme des retraites. La journée d’action du mardi 9 octobre à laquelle appellent la CGT, FO, l’UNEF, l’UNL, très probablement Solidaires, et sans doute la FSU peut être un “tour de chauffe” utile (et nécessaire parce qu’on imagine pas le mouvement syndical rester l’arme au pied) mais à condition de ne pas en rester là, sans lendemain. Un mouvement social d’ensemble est indispensable. Et il deviendra possible s’il s’appuie sur une perspective politique qui redonne l’espoir et crée une dynamique émancipatrice, à la fois sociale et écologique.

1er septembre 2018, par NPA 49

[1] Actuellement, la pension des fonctionnaires est fondée sur l’échelon terminal des six derniers mois de la carrière, ce qui compense en partie leurs bas salaires pendant cette carrière (relativement aux salaires du privé, à niveau de formation égal). Avec la retraite à points, cette référence aux six derniers mois disparaîtrait, et une forte baisse des pensions s’ensuivrait mécaniquement. En revanche, les hauts fonctionnaires qui bénéficient de primes importantes pourraient voir ces primes comptabilisées pour leurs pensions, et voir celles-ci augmenter !

[2] L’exemple de la voiture électrique vantée par N. Hulot en est un bon exemple : la production et le recyclage d’une telle automobile, et notamment de ses batteries (qui nécessitent l’exploitation minière ultra-polluante de terres rares), est presque autant génératrice de CO2 dans l’atmosphère que peut l’être un véhicule “thermique”. C’est plutôt le nombre de véhicules à moteur et leur utilisation massive dans l’actuelle organisation économique qui est le problème à résoudre.