Quelques réflexions après une manifestation antifasciste en demi-teinte

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Même moins nombreuse que celle du printemps dernier, la manifestation antifasciste de ce samedi 22 septembre aurait pu être une réussite. Ponctuant une semaine de débats intéressants sur l’implication de l’extrême-droite dans la lutte contre le droit à l’IVG, son intrication avec certains secteurs de l’appareil policier, ou encore sur les origines et le rôle du racisme institutionnel dans la division des exploité-e-s, cette démonstration regroupant près de 300 personnes a été malheureusement ternie. Quelques dizaines d’individus ont en effet choisi de dévoyer l’objectif de la manifestation défini par les organisateurs en s’attaquant aux vitrines de plusieurs banques.

Délaissant les parages du sinistre nid de guêpes fascistes « l’Alvarium » (bar identitaire), le parcours prévu en centre-ville - via la préfecture puis la mairie d’Angers - avait pour but de mettre, une fois de plus, ces institutions devant leur responsabilité. En effet, partout où les différentes ramifications de l’ultra-droite entreprennent de s’implanter, les agressions racistes et les attaques contre des militants de gauche se multiplient. À Angers, plusieurs activistes de cette mouvance sont déjà passés à l’action, et certains d’entre eux ont déjà été condamnés, au moins en première instance. On est donc légitimement en droit de se demander pourquoi les autorités locales permettent à ces groupes qui se réclament clairement du suprémacisme blanc de développer leur influence ouvertement alors que le racisme est un délit.

La manifestation a démarré de manière très tonique, avec moult slogans antifascistes repris en chœur. Des manifestants de tous âges étaient présents, y compris, comme la précédente, des familles avec enfants en poussette. On peut toutefois regretter que l’ensemble des organisations politiques et syndicales de travailleurs qui s’affirment antifascistes n’aient pas été présentes. Ainsi, une configuration plus massive, plus populaire, aurait peut-être permis d’éviter que le caractère de la démonstration ne soit dévoyé.

En effet, même si l’on sait la responsabilité des grandes banques et de la finance dans la crise économique et sociale qui a frappé depuis 2008 l’ensemble des pays capitalistes, et plus particulièrement un pays comme la Grèce, en quoi le fait de casser les vitrines de plusieurs banques ou des distributeurs de billets va-t-il affaiblir le système ? Rappelons aussi aux irresponsables qui ont incendié la succursale de la BNP du boulevard Saint-Michel qu’en Grèce en 2010 l’incendie d’un établissement bancaire avait entrainé la mort de trois salarié.e.s. Étaient-ils responsables de la politique décidée par leurs patrons ? Bien évidemment non.

Nous savons que de nombreux jeunes ou moins jeunes, frappés par la précarité inhérente au capitalisme sont tentés de s’attaquer aux « symboles » de ce système, notamment les banques. Mais celles-ci n’auront aucune peine à se relever de ces attaques dont elles répercuteront les frais sur leurs déposants - l’écrasante majorité d’entre eux étant là aussi des salarié-e-s, des exploité-e-s, à supposer qu’elles ne s’en prennent pas aux organisateurs des manifestations, comme elles l’ont fait, heureusement en vain, contre l’association d’éducation populaire Attac suite aux actions des « faucheurs de chaises ».

De plus, sans parler du risque de charges policières que les auteurs des dégradations répétées ce samedi contre plusieurs succursales de banques ont fait courir au gros des manifestant.e.s, le seul résultat tangible de leurs actes a été de pousser plusieurs dizaines de personnes à quitter une manifestation dont l’objectif premier était à leurs yeux carrément dénaturé. Sans compter que les fascistes ne manqueront pas de se présenter comme d’innocentes victimes en prise avec des antifascistes « violents », retournant ainsi l’accusation qu’il est pourtant légitime de leur porter.

Répétons-le, aujourd’hui comme dans l’Europe en crise des années 30, la tâche des révolutionnaires n’est pas de se laisser isoler dans un combat singulier prétendument « autonome » contre les fascistes ou la police, ni de se battre contre des moulins à vent, mais avant tout de regrouper le maximum de travailleurs et de travailleuses dans la lutte pour essayer d’endiguer la nouvelle vague brune et donc aussi, cela va de soi, dans le combat anticapitaliste.

Nota bene : le Festival : “À l’Ouest, mais toujours antifasciste” du Réseau angevin anti-fasciste (RAAF) s’est tenu du mardi 18 au dimanche 23 septembre, avec plusieurs débats à l’Étincelle (infos ICI) et la manifestation du samedi 22 qui est partie à 14h depuis la place Imbach à Angers juqu’à son lieu de dispersion à 15h30, devant la Mairie d’Angers. Les conférence de La Horde et débat qui devaient se tenir le samedi soir à l’Étincelle (sur le thème « Comprendre l’extrême droite ») ont été annulés par le RAAF, compte tenu des incidents de l’après-midi. Était-ce vraiment cela que voulaient ceux qui se sont amusés à jouer aux black blocks ?

22 septembre 2018, par NPA 49