Macron à Angers : “pognon de dingue” et protection policière paranoïaque

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C’est un véritable état de siège qu’a vécu le centre-ville d’Angers autour de la préfecture à l’occasion de l’incursion d’E. Macron. Personne ne pouvait y entrer. On ne peut que mettre en parallèle le coût énorme d’un tel dispositif policier (qui se répète dans chaque ville visitée) et les coupes claires dans les services publics. Mais ce dispositif n’a pas découragé un millier de manifestants (enseignants en lutte contre la loi Blanquer, syndicalistes CGT, FO, FSU et Solidaires, jeunes de l’UNEF et de l’UNL, salarié.e.s d’Arjowiggins refusant la fermeture de leur usine, gilets jaunes) de faire le tour des barrages policiers et de réaffirmer leur droit de manifester.

Il fut peut-être un temps, jadis, ou les souverains étaient acclamés par les foules provinciales en liesse. D’Angers, E. Macron n’aura vu que les technocrates, les “élus” (au masculin : il est presque inutile d’employer ici l’écriture inclusive !), l’élite auto-proclamée locale (une soixantaine de personnes). Ce sont des boulevards et des rues désertes, ceinturées par des barrages de CRS, parfois équipés de LBD, et des grilles anti-émeutes, doublées à l’intérieur de la zone interdite par d’autres barrages de police filtrants qu’il aura pu tout au plus apercevoir. Triste tableau d’un État devenu paranoïaque, ne comptant plus que sur ses hommes de main et sur la peur qu’ils font naître (eux et leurs armes à létalité “réduite” comme le LBD) pour affirmer son autorité face à la rue...

La rue n’en était pas moins là, malgré l’horaire en matinée et l’impréparation due à l’annonce tardive (l’avant-veille) de la visite d’E. Macron (qui devait initialement se rendre en Sarthe). Si une grande partie des manifestant.e.s défilant sous les drapeaux syndicaux étaient des enseignants.e.s en grève contre la loi Blanquer, des gilets jaunes étaient à leurs côtés, de même que des jeunes de l’UNEF et de l’UNL. Une large délégation de salarié.e.s de la papeterie Arjowiggins avait fait le voyage depuis Bessé sur Braye en Sarthe pour protester contre la fermeture programmée de leur entreprise. [1] Ces derniers ont même tenté un blocage de la gare, pourtant bouclée par la police. Le millier de personnes a pu cependant défiler sans être victime d’agressions policières (ce que laissait déjà augurer l’interview apeurée du maire C. Béchu au Courrier de l’Ouest du matin, appelant à être “raisonnable”). Mais tout accès au centre lui a été refusé (d’ailleurs, à l’heure du repas d’E. Macron, même des riverains qui tentaient de rentrer chez eux ont été refoulés à l’entrée du Bd Foch.) L’État Néolibéral Autoritaire (ENA) aura fait une nouvelle démonstration de sa logique d’enfermement et de son profond mépris pour la population.

Précisions supplémentaires (ajout du 29 mars sur la base de l’édition du jour du Courrier de l’Ouest) :

Moyens déployés :
-  E. Macron est arrivé à la caserne Verneau par hélicoptère militaire parti de l’héliport d’Issy-Les-Moulineaux. Il a décollé de Beaupréau par le même moyen ;
-  La voiture blindée du président utilisée pendant la journée avait été acheminée par camion et dissimulée au commissariat de police ;
-  11 escadrons de gendarmes mobiles (800 militaires) et six compagnies de CRS (500) ont été déployés en plus de la police locale, elle-même renforcée par des effectifs venus de Cholet, Saumur, Nantes et Tours, soit plus de 1500 individus ;
-  d’Angers à Beaupréau, le cortège présidentiel était accompagné d’une ambulance avec trois médecins à bord. Deux lits de réanimation et un bloc opératoire avaient été réservés spécialement au CHU d’Angers, au cas où...

À Baupréau dans les Mauges, E. Macron est venu palabrer “écologie” et... “gilets jaunes” avec seize enfants du collège privé catholique Charles-de-Foucauld auxquels avaient été ajoutés (à la dernière minute) des élèves d’un collège public et des membres de conseils municipaux de jeunes. On peut difficilement imaginer que ces jeunes aient pu l’interpeller sur la distance incommensurable entre les discours macroniens sur le sujet et son action concrète sur le terrain ! Le correspondant du Courrier de l’Ouest n’a pas manqué de remarquer la dissymétrie des échanges : ceux-ci s’apparentaient plutôt à une opération de communication en direction des adultes, voire à un monologue monomaniaque lorsque E. Macron a évoqué les gilets jaunes... Celles et ceux avec qui les échanges auraient pu être polémiques ont quant à eux été tenus à l’écart. Les manifestants bellopratains, dont des gilets jaunes, n’ont pas pu s’approcher à moins d’un kilomètre du lieu de rencontre. C’était un peu loin pour discuter, mais n’était-ce pas là, finalement, l’essence du “grand débat” qui s’achevait en Anjou ?

28 mars 2019, par NPA 49

[1] Note du 29 mars : le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé aujourd’hui la liquidation judiciaire d’Arjowiggins. Un des deux sites sarthois, celui de Bessé-sur-Braye (580 salarié.e.s), va être fermé. Celui de Bourray à St-Mars-la-Brière fera l’objet d’une cession partielle (150 licenciements sur 270 emplois). Un autre site dans l’Aisne serait repris avec 75 salarié.e.s. Comme le disait ironiquement un salarié lors de la manifestation angevine, il sera difficile aux licencié.e.s de trouver un autre job à Bessé-sur-Braye en traversant la rue, car là-bas, c’est la campagne... Et il ne sera guère possible de compter sur le gouvernement. Le ministère de l’économie s’est contenté de constater que “c’est une décision difficile pour le territoire” (les salarié.e.s ne sont pas cités !) et de la justifier par un “manque de financements privés nécessaires pour équilibrer l’offre”. Tout le néolibéralisme est contenu dans ces deux bouts de phrase.