Mercredi 15 mai vers 19h, torses nus et tatoués de slogans, des activistes fascistes masqués se sont alignés devant le grand théâtre d’Angers. [1] Un des leurs s’est chargé d’éructer au mégaphone une suite de slogans vulgaires et sans grande cohérence [2] mais tous dirigés contre la loi instituant le mariage pour tous, Christiane Taubira et François Hollande (qualifié à un moment de “dégénéré”). Prétendant parler au nom de la jeunesse angevine (masculine !), il a aussi présenté son groupe comme des “Hommen” par une référence paradoxale au groupe féministe des Femen. [3] Avec la différence notable que pour la trentaine de ces mâles, il s’agissait plutôt d’afficher leur supposée virilité (tous avaient le caleçon dépassant de deux centimètres du pantalon !), leur homophobie dégoulinante, et leur nationalisme guerrier (Marseillaise martiale et drapeaux tricolores à l’appui). Avec cette autre différence qu’ils dissimulaient leurs visages derrière un masque blanc (par peur, sans doute, mais aussi, peut-être, parce qu’ils compteraient parmi eux de jeunes militaires officiellement tenus à la réserve).

En 2011 à Angers déjà, des activistes du Bloc identitaire avaient perturbé une séance du conseil municipal affublés de masques de cochons, au (faux) prétexte du financement par la ville d’une mosquée. Après une plainte du maire, le leader local du Bloc fut condamné en janvier 2012 à 1500 euros d’amende. Cette fois, ils ne prenaient guère de risques même si la police municipale est intervenue a la fin de leur action pour les faire sortir de la place. Le lendemain, leurs congénères féminines (une dizaine de jeunes bourgeoises) ont fait un piquet devant la mairie tenant un drap sur lequel on pouvait lire “Idéologie du genre : NON”.

Si ce combat d’arrière-garde est d’ores et déjà perdu après la validation de la loi Taubira par le Conseil constitutionnel et sa promulgation, il reste pour ces groupuscules un moyen d’étendre leur influence dans de larges franges de la droite et de l’extrême-droite. À ce titre, il doit susciter la vigilance antifasciste et une mobilisation militante. Dans une Europe qui ressemble de plus en plus à un immense champ de ruines sociales, on assiste à la terrible banalisation du racisme le plus violent, de l’antisémitisme, de l’islamophobie, de l’homophobie, à la banalisation de la haine pogromiste contre les immigrés, les Rroms, les homosexuels, etc. C’est qu’en un temps record sont entrés en crise ou parfois disparaissent les partis qui monopolisaient jusqu’à hier le pouvoir. C’est que la crise, le chômage, l’insécurité et la misère deviennent la règle et poussent les franges les plus réactionnaires de la population à la recherche désespérée de solutions simplistes et de boucs émissaires…

Des années 30 à la crise d’aujourd’hui, les mêmes causes, les mêmes complicités et les mêmes intérêts font craindre les mêmes effets. On assiste aussi au même aveuglement des puissants, de nos gouvernants européens qui n’ont en tête que la défense des profits de quelques-uns, qui jouent aux apprentis sorciers en menant des politiques d’austérité suicidaires, qui couvent dans leur sein l’œuf du serpent brun. Qui a dit que ceux d’en haut ont bien appris les leçons du XXe siècle ? Qu’ils ont exorcisé pour toujours les démons de l’entre-deux-guerres ? Si on leur faisait confiance, l’histoire serait un perpétuel recommencement…

Et pourtant, il ne faut pas que cette histoire cauchemardesque se répète car, cette fois encore, il y va de nos droits, de nos libertés, de notre dignité humaine, de nos vies. Unis par-delà les frontières mais aussi par-delà nos divisions, nous pouvons renverser la tendance et réhabiliter la solidarité, la fraternité, la liberté, l’égalité, ces quelques valeurs « démodées » qui font pourtant honneur à l’humanité. Sans oublier que, finalement, tout va se jouer dans les rues et les places, aux côtés des plus faibles et vulnérables que nous devons protéger coûte que coûte.

L’accueil réservé presque partout en Europe au Manifeste Antifasciste Européen (http://antifascismeuropa.org/) prouve que la perspective de la création d’un mouvement antifasciste européen n’est pas du tout irréaliste ou utopique. C’est du solide parce qu’elle correspond à une nécessité de plus en plus ressentie par les habitants de ce continent. D’Athènes à Madrid, de Berlin à Paris, et jusque à Angers... agissons pour que cette fois… NO PASARAN !