Après l’ONU et le parlement européen, le Conseil de l’Europe dénonce les violences policières

Partager

Dans un mémorandum contenant ses observations sur les événements liés au mouvement dit des gilets jaunes, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, invite les autorités françaises à mieux respecter les droits de l’homme lors des opérations visant à maintenir l’ordre public et à ne pas introduire de restrictions excessives à la liberté de réunion pacifique à travers la loi sur le renforcement et le maintien de l’ordre public lors des manifestations. Elle considère que le nombre et la gravité des blessures infligées aux manifestants "soulèvent des questions sur la compatibilité des méthodes utilisées dans les opérations visant à maintenir l’ordre public dans le respect de ces droits". La Commissaire encourage les autorités à publier des chiffres plus détaillés sur les blessés et à revoir dès que possible la doctrine sur l’utilisation des armes intermédiaires. Dans l’attente de cet examen, les autorités devraient "suspendre l’utilisation des LBD[lance-balles en caoutchouc] pendant les opérations visant à maintenir l’ordre public" tout en garantissant la sécurité des journalistes.

Lire le memorandum :

Maintien de l’ordre et liberté de réunion dans le contexte du mouvement des « gilets jaunes » : recommandations de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe

Après les condamnations par le le Conseil des Droits humains de l’ONU et par le parlement européen (voir l’article), c’est maintenant le Conseil de l’Europe par la voix de sa commissaire aux droits humains qui s’insurge (de façon évidemment diplomatique) contre les violences policières commises en France à l’occasion du mouvement des gilets jaunes. Cette commissaire demande en particulier la suspension de l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) qui a conduit à plus d’une vingtaine d’énucléations et à une multitude de blessures graves (mâchoires brisées, traumatismes crâniens, fractures multiples, etc. Voir à ce propos le recensement fait ICI dans Médiapart).

C’est bien la preuve que, vues de l’étranger,
-  la répression policière exercée par le gouvernement LREM via ses hommes de mains (notamment les BAC qui ne devraient pourtant pas être utilisées pour des opérations de maintien de l’ordre) ;
-  les restrictions aux droit de manifestation et la création d’un délit d’intention arbitraire et sans contrôle judiciaire ;

apparaissent nettement contraire aux règles démocratiques les plus élémentaires. Nous écrivons “vues de l’étranger” parce qu’en France, à quelques exceptions près (notamment Médiapart, et plus tardivement Libération puis Le Monde), les violences policières n’ont guère ému les grands médias, pour la plupart aux mains des grands groupes. Le Courrier de l’ouest, pour ne citer qu’un journal local, n’a jusqu’ici évoqué ni la condamnation de l’ONU ni le vote pourtant sans ambiguïté du Parlement européen. Au contraire, certains éditorialistes de ces journaux ont recommandé de renforcer la répression, à l’image d’un Luc Ferry appelant la police à tirer sur les manifestants (voir par exemple l’éditorial du Courrier de l’Ouest du 2 février signé Patrice Guillier). Ces mêmes journaux qui n’ont que le mot “démocratie” à la bouche en font un mot creux, qui devient presque synonyme de défense des intérêts des plus riches et de l’inégalité sociale (cf. le même éditorialiste du CO, le 26/01).

Or, l’exercice étatique de la violence ne peut conduire qu’à son escalade générale et à la mise en place d’un État autoritaire, une “démocrature” à la turque, façon Erdoğan. Si nous n’en sommes pas encore là, la direction en est bien prise par l’État français. De longue date, beaucoup d’analystes ont souligné que le programme néolibéral de destruction des services publics, de marchandisation de ces services, de renforcement des multinationales et de productivisme sans frein ne pouvait être conduit que par un affrontement de plus en plus violent avec les aspirations égalitaires et écologistes de la population, et par la mise en place de lois de plus en plus liberticides. Après les gouvernements Sarkozy et Hollande, le gouvernement Macron prend ouvertement ce parti. Son appareil de propagande utilise à l’envi le vocabulaire de l’univers démocratique. Mais derrière chaque mot se cache l’intention contraire, à l’instar de ce que George Orwell avait imaginé dans ses romans 1984 et La Ferme des animaux. Ainsi les violences policières -qui avaient déjà commencé lors des mobilisations contre les lois travail inspirées par E. Macron alors qu’il n’était encore que ministre- sont-elles systématiquement niées et dissimulées derrière les violences de manifestants, bien plus relatives et le plus souvent en riposte aux violences policières. Un grand mérite du mouvement des Gilets jaunes est qu’il a pu en partie déconstruire ce discours de propagande. Les éborgné.e.s, les gueules cassées, la vieille dame marseillaise décédée à la suite d’un tir de grenade dans son appartement, en sont le triste témoignage. Le combat pour les libertés démocratiques doit maintenant prendre davantage d’ampleur. Les condamnations venues de l’étranger peuvent y aider. Il faut les faire connaître largement.

26 février 2019, par NPA 49