Non au travail le dimanche dans les commerces !

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Dimanche 15 septembre, dès 8h45, plusieurs dizaines de militant.e.s angevin.e.s se sont massé.e.s devant Carrefour Grand Maine (bd du Grand Launay) à l’appel de l’intersyndicale CFDT-CFTC-CGC-CGT-FO-FSU-Solidaires-UNSA pour protester contre l’ouverture des commerces le dimanche. Il s’agissait d’abord de sensibiliser pacifiquement les client.e.s sur les conséquences que va générer à terme la fin du droit de toutes et tous les salarié.e.s à une journée de repos hebdomadaire. La marchandisation de tous les instants de la vie, non merci !

L’ouverture des (grands) commerces le dimanche, notamment l’après-midi dans l’alimentaire [1], n’est possible qu’à trois conditions : a) que ce soit légalement possible, b) que des salarié.e.s (caissiers, magasiniers, cadres, vigiles...) soient “volontaires”, c) que ce soit rentable. Avec les lois et ordonnances Macron, la première condition est aisément remplie. Pourtant, aucune urgence ne justifie que le commerce ne s’interrompe pas une journée par semaine. Les hypermarchés Carrefour d’Angers ne se situent pas dans des zones touristiques et ne peuvent se prévaloir de l’utilité publique qu’ont par exemple les services hospitaliers ! Quant au “volontariat”, on sait bien qu’outre les pressions de l’encadrement, il est d’abord motivé par les bas salaires que les primes du dimanche permettent de compenser un peu (il y a aussi le travail des étudiant.e.s, qui ont de plus en plus de mal à payer leurs études). Reste la troisième condition. Sachant que le porte-monnaie des consommatrices et consommateurs n’est pas extensible, on peut douter que la consommation augmente, sinon au dépens des petits commerces de proximité. Sauf si les directions d’hypermarchés trouvent un moyen de réduire la masse salariale ce jour-là, par exemple avec des caisses automatiques... En réalité, l’ouverture du dimanche toute la journée n’est pas, comme ces directions le prétendent, un service offert à leurs client.e.s, mais le résultat d’une logique propre au capitalisme : la guerre économique et la concurrence sauvage.

Le règne de la concurrence

Car c’est une concurrence féroce à laquelle se livrent, sur fond de repli de la consommation, les grands groupes de la distribution. Leurs salarié.e.s et les conditions de travail constituent plus que jamais des variables d’ajustements, à tel point que la CGT, la principale organisation du secteur, compare la situation du commerce à celle qui a frappé la sidérurgie au tournant des années Mitterrand.

Disparitions d’enseignes

Le commerce des biens est de plus en plus segmenté  : outre la polarisation croissante entre les créneaux du haut de gamme et du bon marché, il y a de moins en moins de place pour le numéro deux dans chaque secteur d’activité, et le cimetière des enseignes qui semblaient immuables n’en finit pas de se remplir ces dernières années (Virgin hier, New Look demain). La diminution et flexibilisation de la main-d’œuvre sont plus que jamais à l’ordre du jour, en raison non seulement d’une pression toujours plus forte des actionnaires en matière de rentabilité, mais aussi de la transformation numérique, qu’on ne saurait résumer au seul développement d’Amazon qui inaugure en septembre son premier entrepôt en région parisienne, car la plupart des enseignes ont aussi leur magasin virtuel.

Ainsi, la branche hypermarché de Carrefour s’est massivement emparée en mai dernier du dispositif de la rupture conventionnelle collective (RCC), institué par les ordonnances Macron, pour supprimer 3.000 emplois sur 60.000  : suite à l’accord majoritaire de la CGC et de FO, elle peut ainsi s’affranchir du motif économique du licenciement, inhérent à la mise en œuvre d’un « plan de sauvegarde de l’emploi », en mettant en avant le prétendu “volontariat” des salarié.e.s sur le départ, alors même que les suppressions d’emplois sont ciblées sur six secteurs d’activité desquels elle veut se désengager au plus tard à la fin de l’année.

Polyvalence accrue du personnel et... caisses automatiques

C’est aussi l’essor de l’installation des caisses automatiques, qui ne peut être détaché de l’extension ces dernières années des horaires d’ouverture des commerces, tant sur une base territoriale (les Zones touristiques internationales issues de la loi du ministre Macron) que sectorielle (la branche du bricolage pour le dimanche et dernièrement le travail de nuit pour les commerces alimentaires, rejeté pour le moment par le Conseil constitutionnel). L’ouverture de Géant Casino de La Roseraie le dimanche après 13h grâce à des caisses automatiques en est le symptôme angevin le plus récent. C’est aussi le plus révélateur, car il semble bien que cette ouverture (à grand renfort de publicité et de bons de réduction distribués dans le quartier) se fasse au prix de nombreuses entorses à ce qui reste du code du travail. [2]

Le cocktail est amer  : de moins en moins de personnel, dilué sur des plages d’ouverture toujours plus étendues, la robotisation de l’encaissement venant combler les trous... Dès lors, les conditions de travail sont de plus en plus tendues, ce qui conduit, à défaut de fermeture, à externaliser le processus de «  transformation  » des magasins jugés chancelants ou réticents par l’intermédiaire de leur mise en location-gérance. À noter également la course à la diversification, au travers de l’essor de services annexes en magasin, qui entraîne une polyvalence accrue du personnel (guichet postal, point restauration) ou l’acquisition de nouveaux marchés (le rachat récent de Nature et Découverte par le groupe Fnac-Darty).

Un autre commerce est possible mais cela passera par un pouvoir accru des travailleuses et travailleurs sur l’ensemble de la chaîne de valeur et une vigilance des consommatrices et consommateurs qui va au-delà du green-washing ou de sa limitation aux niches que sont le bio et le ­commerce dit responsable. Pour l’heure, un boycott des hypermarchés le dimanche (et des caisses automatiques tous les jours) reste une arme dont les salarié.e.s (des commerces mais aussi les autres !) disposent contre la dégradation des conditions d’existence que signifie l’ouverture dominicale des hypermarchés, redoutable avant-garde d’une généralisation du travail du dimanche pour toutes et tous.

Annexe :
-  sur le site du ministère du travail : Le travail du dimanche
-  sur le site du NPA : Travailler le dimanche, c’est normal  ? (article de 2015 analysant la loi Macron de l’époque)

15 septembre 2019, par NPA 49

[1] L’article Article L3132-13 du code du travail notifie que « Dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures ».

[2] Ajout du 16 septembre : un article de Médiapart révèle qu’un courrier a été adressé le 3 septembre à la direction de Casino par l’inspection du travail. Dans celui-ci, l’inspection enjoint la direction de « faire cesser » les infractions qu’elle a pu relever, sous peine de poursuites. Mais, pour l’heure, le ministère du travail de Mme Pénicaud n’a pas réagi. Étrange, vraiment ?

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